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Transports

L'aéroport de Singapour veut s'offrir celui de Nice-Côte d'Azur

En 2015, l'aéroport de Nice Côte d'Azur a passé le cap des 12 millions de passagers par an.

En 2015, l'aéroport de Nice Côte d'Azur a passé le cap des 12 millions de passagers par an. - AFP

Le gouvernement aimerait boucler, cet été, la vente de 60% du capital qu'il détient dans les deux plus grands aéroports français après ceux de Roissy et Orly. Parmi la demi-douzaine de candidats intéressés, le fonds français Ardian avance ses pions avec un allié de poids: Changi Airport, sacré depuis trois ans meilleur aéroport du monde.

Rarement une privatisation aura suscité autant d’appétit. À en croire l’agence Reuters, ils seraient au moins une demi-douzaine de prétendants à vouloir profiter d’une opportunité rare: investir dans les infrastructures aéroportuaires du deuxième pays le plus visité au monde. Le gouvernement souhaite en effet finaliser, dans les prochains mois, la privatisation de Nice-Côte d’Azur et Lyon Saint-Exupéry, qui, après ceux de Roissy et Orly, accueillent le plus de passagers en France.

Le troisième aéroport français a passé en 2015 le cap des 12 millions de passagers dont 7,6 à l’international. Lyon Saint-Exupéry n’est, lui, plus très loin des 9 millions de passagers. Rien à voir, certes, avec les 95,4 millions de passagers ayant transité par les deux aéroports parisiens l’an passé (65,8 millions à Roissy-CDG et 29,7 millions à Orly) dont l’État détient 50,6% du capital et qui, rien qu’en dividendes, lui ont rapporté 93 millions d’euros au titre des résultats engrangés en 2014. Douze fois plus que Lyon et Nice réunis! 

Le français Ardian allié à l'aéroport de Singapour 

Au-delà de la rentabilité quasiment récurrente que leur offriraient les grands aéroports français, les investisseurs ne sont insensibles ni au pouvoir d’attraction auprès des touristes (souvent fortunés) de la Côte d’Azur ni au potentiel économique qu'offre la deuxième région la plus riche de France.

Reste à savoir qui emportera la mise. L’un d’entre eux, le fonds d’investissement Ardian vient d’augmenter ses chances en s'associant avec le groupe Changi Airport pour le dossier de reprise de 60% des parts que l’État détient dans le capital de l’aéroport de Nice. Le groupe Changi Airport, pour les non-initiés, n’est autre que la maison-mère du concessionnaire de l’aéroport de Singapour, sacré meilleur aéroport du monde par Skytrax à six reprises, dont trois fois de suite en 2013, 2014, et 2015. Un allié de poids donc pour Ardian, déjà impliqué financièrement dans le capital de l'aéroport de Luton, près de Londres et de plusieurs infrastructures aéroportuaires en Italie.

Plus de 3 milliards d'euros en jeu 

L’expertise professionnelle des candidats devrait en effet jouer un rôle important dans le choix de l’État. Dans une analyse bien documentée sur le sujet, La Tribune soulignait à la mi-janvier les exigences en la matière du secrétariat d'État aux Transports après les critiques soulevées par la cession de 49,99% du capital de Toulouse-Blagnac à Symbiose, un consortium chinois qui s'était montré très généreux. Critiques renouvelées après la mystérieuse disparition en juillet dernier du PDG de Friedmann Pacific Assets, l'un des investisseurs chinois réunis dans le consortium.

L’autorité de tutelle souhaitait donc que l’État impose, cette fois-ci, "des critères d'expérience aéroportuaire" aux candidats. Au grand dam de l'agence des participations de l'État (APE) soucieuse d’obtenir les meilleures offres et donc peu encline à rédiger un cahier des charges trop limitatif. Une querelle ministérielle qui, selon La Tribune, a nécessité l’arbitrage de Manuel Valls. 

Selon une source proche du dossier, Matignon aurait coupé la poire en deux. Les candidats devront certes avoir une certaine expérience aéroportuaire mais les cahiers des charges des deux opérations permettront tout de même à beaucoup d’acteurs d’entrer dans la compétition. Suffisamment en tout cas pour que l’État puisse espérer récupérer autour de 3 milliards d’euros (de 1,5 à 1,8 milliard pour Nice et autour de 900 million à 1,4 milliard pour Lyon).

Deux dossiers à boucler avant l'été

"L’État a besoin de remplir ses caisses, mais entre deux offres équivalentes, la différence se fera sur le projet et la façon dont les investisseurs entendent moderniser l’infrastructure qui leur sera confiée" souligne une source souhaitant garder l’anonymat. La polémique autour de la privatisation de l’aéroport de Toulouse favorisera-t-elle ADP, que Lyon n’intéresse pas, mais qui ne dit pas non à Nice? Ni l’APE, ni le gouvernement ne peuvent évidemment afficher une quelconque préférence nationale sans prendre le risque d'être tancés par Bruxelles. Mais, à offre comparable, les dossiers des candidats ayant un ancrage français auront probablement plus de chances d’emporter la mise.

Ardian comme Vinci, officiellement candidat depuis juillet dernier mettront sans doute en avant leur différence avec ADP. Le cahier des charges prévoyant une concertation avec les collectivités locales, les deux groupes français pourront faire valoir qu’avec eux, la concurrence avec Roissy et Orly sera une réalité. Le PDG d'ADP, Augustin de Romanet, a d'ailleurs insisté ce mercredi 17 février sur le fait que, si son groupe devait présenter une offre ce ne serait pas pour transformer pas Nice en simple "hub" de correspondance. Résultat des courses, sans doute avant l’été. 

Pierre Kupferman
https://twitter.com/PierreKupferman Pierre Kupferman Rédacteur en chef BFM Éco