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Publicis-Omnicom: la fusion avortée en 5 questions

Ce qu'il faut retenir de l'édition spéciale sur les enjeux et les conséquences de l'annulation du mariage entre Publicis et Omnicom.

Ce qu'il faut retenir de l'édition spéciale sur les enjeux et les conséquences de l'annulation du mariage entre Publicis et Omnicom. - -

Les analystes invités par BFM Business ont détaillé les enjeux et les conséquences de l'annulation du mariage des géants de la publicité, Publicis et Omnicom, annoncée ce 9 mai.

Publicis et Omnicom ont officialisé ce vendredi 9 mai l'annulation de leur fusion à 35 milliards de dollars annoncée l'été dernier. Les questions d'équilibre de ce "mariage entre égaux" n'avaient pas été réglées avant la décision de fusionner, et elles n'ont pas pu être réglées après, indiquent les deux groupes. BFM Business a invité ce vendredi des analystes en plateau pour décrypter les enjeux de ce mariage avorté. Voici leurs explications.

> Pourquoi la fusion a-t-elle capoté?

"Les difficultés liées à la domiciliation fiscale de la nouvelle société" ont joué, explique Julien Quistrebert, gérant chez KBL Richelieu Gestion. Tout comme une "problématique d'égos" de Maurice Lévy pour Publicis et de John Wren pour Omnicom. En outre "les deux groupes ont annoncé des pertes de contrats, comme Vodafone, Microsoft", rappelle Julien Quistrebert. Pour lui "le délai et les incertitudes appelaient une solution rapide".

Principales raisons, pour François Monnier, directeur de la rédaction d'Investir: la "mauvaise entente entre les deux équipes", et l'impossibilité d'une "fusion entre égaux". Cela "n'existe pas. Il y en a toujours un qui l'emporte sur l'autre. Là le match était nul", estime-t-il.

C'est également l'avis de Vincent Leclabart, président de l'agence de pub indépendante Australie. "Quand j'ai entendu parler du deal, je me demandais qui prendrait la tête des opérations. En France, on nous disait qu'il y aurait une légère majorité pour Publicis. Je voyais mal les Américains accepter cela", raconte-t-il.

> Qu'en pensent les investisseurs?

Pour François Monnier, directeur de la rédaction d'Investir, c'est une "bonne nouvelle", parce que "le marché ne voulait pas de ce deal". Le journaliste en veut pour preuve que "depuis le 28 juillet, date de l'annonce, Publicis a pris 3% contre 13% pour le CAC 40". Rappelant que "74 chantiers ont été mis en place" pour négocier les détails de cette fusion, il loue leur "courage de renoncer après plusieurs trimestres d'efforts".

"Cela ne change pas grand-chose que le mariage n'ait pas lieu. La pub est un métier d'idées, elles ne sont pas meilleures lorsqu'on est plus nombreux. La taille est un critère important, mais l'hyper-taille n'est pas un critère en soi", renchérit Vincent Leclabart, de l'agence Australie.

> L'avenir de Publicis est-il menacé?

"Ces deux groupes peuvent tout à fait continuer seuls. Pour Publicis, ce n'est pas du tout une mauvaise nouvelle", estime Fabrice Seiman, co-président de Lutetia Capital.

D'autant qu'en tant que numéro deux et trois du marché mondial, ils n'ont "pas de problème de taille", souligne François Monnier. Pour autant, "le numérique change la donne. Pour pouvoir négocier les tarifs publicitaires auprès de Google ou de Facebook, la négociation se passe d'autant mieux que votre taille est conséquente", note-t-il.

Le journaliste considère que le Français s'en sortira mieux que l'Américain désormais. Parce que "Publicis est mieux armé qu'Omnicom dans le digital. Et sa rentabilité est nettement supérieure". Seule difficulté selon lui: "le successeur de Maurice Lévy à trouver. Il a 72 ans, il va rester jusqu'à fin-2015". La fusion réglait le problème puisqu'elle prévoyait qu'il soit remplacé par John Wren.

> Quel impact sur le métier de publicitaire?

L'avènement du Big Data va être retardé par la rupture des fiançailles, explique Vincent Leclabart, de l'agence Australie. "Est-ce que nos métiers vont rester basés sur la connaissance psychologique du client et de la façon de lui parler? Ou vont-ils aller vers des techniques à base d'algorithmes pour décoder leurs différents comportements? La fusion des géants aurait probablement mené vers ce deuxième centre de gravité. Aujourd'hui, le cœur du métier de Publicis va rester le conseil au client", avance-t-il.

François Monnier, de la rédaction d'Investir, en est moins sûr. Pour lui, "le big data est un marché d'avenir pour ces agences, à côté d'Apple ou Amazon. Cela force les agences à disposer de capacités d'investissement plus robustes que par le passé". Inévitablement "Publicis ne pourra pas en rester là après avoir insisté auprès des investisseurs et des analystes pour dire qu'il devait se développer dans le digital. Mais faire une grosse opération, plutôt qu'une série de petites, n'était pas forcément la meilleure idée".

> Quelles conséquences pour les autres fusions entre égaux?

"Dans la pub, les hommes ont des égos surdimensionnés, ce n'est pas le cas dans le ciment, et la culture d'entreprise est sans doute plus proche entre Lafarge et Holcim qu'entre Publicis et Omnicom", estime Fabrice Seiman, co-président de Lutetia Capital.

Une analyse que ne partage pas Vincent Leclabart, président de l'agence Australie. "Les égos sont aussi importants dans toutes les industries, tempère-t-il. Mais la publicité est faite par des hommes, pas par des machines."

Cette annulation après publication des bans "ne remettra pas en cause le rythme et l'engouement actuel pour les acquisitions", pour François Monnier, directeur de la rédaction d'Investir. "Je fais confiance aux banquiers d'affaires pour suggérer les bonnes idées aux patrons d'entreprises"...

N.G. et BFM Business