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Qualcomm : sa politique pour évincer la concurrence, sanctionnée par Bruxelles

Le logo Qualcomm.

Le logo Qualcomm. - AFP

Le fabricant de puces est une nouvelle fois condamné pour avoir fait en sorte d’écarter ses concurrents grâce à sa position dominante sur le marché des processeurs pour smartphones.

Les commissaires européens à la concurrence ne chôment pas. Après l’annonce d’une enquête « approfondie » sur les pratiques d’Amazon, Bruxelles annonce aujourd’hui une nouvelle amende contre Qualcomm.

Dominant outrageusement le marché des processeurs et des puces-modems pour smartphones, le fondeur américain a usé de sa position pour évincer ses concurrents auprès des fabricants de terminaux. La Commission sanctionne le groupe à hauteur de 242 millions d’euros (soit 1,2% de son chiffre d’affaires) après l’avoir déjà condamné pour des pratiques similaires en 2018 à un milliard d’euros.

Pour écarter la concurrence, Qualcomm a mis en place pendant au moins deux ans des « prix d'éviction » avec deux clients, les géants chinois des télécommunications ZTE et Huawei. Traduction, des tarifs bien trop bas pour être honnêtes.

« Qualcomm a vendu ces produits à un prix inférieur aux coûts [de fabrication] à de gros clients dans le but d’éliminer un concurrent », a résumé la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, dans un communiqué.

« Le comportement stratégique de Qualcomm a empêché la concurrence et l'innovation sur ce marché et a limité le choix offert aux consommateurs dans un secteur où la demande et le potentiel de technologies innovantes sont énormes », poursuit-elle.

L'objectif était d'évincer le Britannique Icera, « son principal concurrent de l'époque », qui « était en train de devenir un fournisseur viable », explique la Commission.

Condamné en Chine, sous surveillance aux USA

« Nous attendons avec impatience un revirement en appel », a réagi Don Rosenberg, le directeur juridique de Qualcomm, pour qui la décision de Bruxelles « n'est pas étayée par la loi, les principes économiques ou les faits du marché ».

Selon lui, ZTE et Huawei ont choisi les puces de son groupe « non pas en raison du prix mais parce que les puces concurrentes étaient technologiquement inférieures ».

Qualcomm est dans le collimateur des autorités américaines pour les mêmes raisons. Le 23 mai, une juge lui a ordonné de modifier ses pratiques commerciales, considérant que le groupe avait « étranglé la concurrence » grâce à sa position de force.

En octobre 2017, les autorités taïwanaises avaient imposé une amende de plus de 770 millions de dollars à Qualcomm, pour atteinte à la concurrence et manipulation de prix dans une enquête lancée en 2015. Cette amende a été largement revue à la baisse, à 89 millions de dollars, en août 2018.

Quant à la condamnation de 2018 de l’UE, elle concernait spécifiquement les relations entre Qualcomm et Apple. « Qualcomm a illégalement exclu ses concurrents du marché des puces pendant plus de cinq ans, renforçant ainsi sa position dominante sur le marché. Qualcomm a payé des milliards de dollars à un client clé, Apple, pour qu'il n'achète pas à ses concurrents [en l’occurrence Intel, NDLR]. Ces paiements n'étaient pas seulement des réductions de prix - ils ont été effectués à la condition qu'Apple utilise exclusivement les puces en bande de base de Qualcomm pour tous ses iPhone et iPad », avait alors déclaré Margarethe Vestager.

Qualcomm a généré un chiffre d’affaires de 22,7 milliards de dollars (20,2 milliards d'euros) en 2018.

Outre cette pluie d’amendes, Qualcomm doit également désormais composer avec une nouvelle concurrence, celle des fabricants de smartphones eux-mêmes. Les leaders du marché que sont Samsung, Huawei et Apple développent aujourd’hui leurs propres processeurs afin d’équiper une partie de leurs terminaux.

Soit autant de revenus en moins pour Qualcomm qui conserve néanmoins encore une spécificité, celle de la production de puces modem, le composant qui permet au smartphone de se connecter aux réseaux 3G, 4G et bientôt 5G.

Olivier CHICHEPORTICHE