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Quand l'intelligence artificielle permet de décrypter la "poker face" de Mario Draghi

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne.

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne. - Thierry Charlier / AFP

Grâce à l'intelligence artificielle, des chercheurs japonais ont analysé les variations des expressions faciales du président de la BCE. Résultat, Mario Draghi montrerait des signes de tristesse avant chaque changement majeur de la politique monétaire.

On connaît les qualités des hommes politiques en matière de langue de bois, mais les banquiers centraux sont tout aussi doués. Il faut dire que la moindre annonce a un effet direct sur les marchés. Ce mois-ci, le président de la BCE, Mario Draghi, a simplement retiré une phrase de son communiqué par rapport à la précédente réunion et la Bourse s'est envolée. 

En ces temps de reprise fragile de l'économie, la moindre erreur de communication peut coûter cher. Les banquiers centraux doivent se montrer impassibles et peser leurs mots à chaque intervention publique. Les conférences de presse sont souvent suivi de spéculations sur leurs intentions, selon l'emploi de telle ou telle expression. À ce jeu du chat et la souris avec les marchés, ces derniers pourraient bénéficier d'un joker de taille : l'intelligence artificielle.

Signes de tristesse

Deux chercheurs japonais ont appliqué une technologie développé par Microsoft pour interpréter les expressions faciales de Mario Draghi, a rapporté Reuters

Dans le détail, l'intelligence artificielle est capable de reconnaître huit émotions différentes: bonheur, tristesse, surprise, colère, peur, mépris, dégoût et indifférence. Après avoir passé au crible les conférences de presse du président de la BCE de juin 2016 à décembre 2017, les chercheurs ont croisé ses micro-variations d'humeur avec le degré d'importance de ses annonces. Ils ont découvert que l'Italien avait dévoilé des signes de "tristesse" avant deux changements majeurs de la politique de la BCE.

Avant Mario Draghi, les chercheurs avaient fait l'expérience sur le gouverneur de la Banque du Japon. Ils avaient découvert que Haruhiko Kuroda avait des signes de "colère" et de "dégoût" lors des conférences de presse qui ont précédé de grandes annonces. 

D'après l'un des deux chercheurs la "poker face" du président de la BCE serait plus difficile à décrypter que celle de son homologue japonnais. "Draghi, qu’il le fasse consciemment ou pas, semble conserver un plus grand contrôle de ses expressions faciales."

Analyse sémantique

Ce n'est pas la première fois que l'intelligence artificielle est utilisée pour tenter de décrypter le discours des banquiers centraux. Avant que Jerome Powell ne succède à Janet Yellen à la tête de la Réserve fédérale américaine, la société Prattle, spécialisée dans l'opinion mining (ou analyse de sentiments) avait analysé les discours et articles des candidats avec une intelligence artificielle. Les chercheurs ont classé les candidats selon leur doctrine, du plus orthodoxe au plus souple, à partir d'une analyse sémantique. 

Cette technologie avait montré certains failles, classant notamment un candidat potentiel parmi les orthodoxes, alors qu'il était perçu comme plus souple, selon le Financial Times. Il s'agissait de l'ancien conseiller économique de Donald Trump, Gary Cohn. Ce dernier avait fait beaucoup moins de déclarations que les autres, d'où cette erreur.

Concernant la reconnaissance faciale, le gouverneur de la Banque du Japon avait répondu avec humour qu'il suffisait de feindre des émotions pour tromper l'algorithme. Malgré leurs failles, nul doute qu'une fois perfectionnées ces technologies intéresseront sensiblement les investisseurs. 

Jean-Christophe Catalon