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Qui va racheter la biométrie de Safran, une activité ultra-sensible?

Les offres de rachat de Safran Identity and Security s'élèvent à environ 2,4 milliards d'euros et sont portées par Advent-Oberthur et Gemalto

Les offres de rachat de Safran Identity and Security s'élèvent à environ 2,4 milliards d'euros et sont portées par Advent-Oberthur et Gemalto - Eric Verzanobres-Safran

Les français Oberthur et Gemalto se disputent la cession d'une filiale de Safran spécialisée dans la biométrie et la sécurité numérique. Une vente que l'État, actionnaire minoritaire, suit de près, compte tenu des enjeux en matière de défense et de sécurité publique.

La vente de l'ex-Morpho, spécialiste français reconnu mondialement dans la biométrie, entre dans sa dernière ligne droite. L'examen des offres de reprise de cette entité, rebaptisée Safran Identity and Security, doit s'achever d'ici la fin du mois de septembre 2016. Désireux de se recentrer, le groupe d'aéronautique et de défense avait déjà cédé en avril 2016 son activité de détection d'explosifs au groupe Smiths pour 710 millions de dollars. 

Cette fois-ci, Safran s'apprête à se séparer de ses activités d'identité et de sécurité numériques. Cinq candidats ont été sélectionnés fin juin 2016 sur les douze offres non engageantes déposées. L'industriel ne souhaitait pas s'en séparer à n'importe quel prix, et, heureusement pour lui, les enchères sont montées entre les postulants restants.

Deux candidats tiendraient finalement la corde après avoir formulé les offres de reprise les mieux disantes sur le plan financier, même si un troisième postulant, le fonds Impala, associé à KKR, ne serait pas écarté. Gemalto et le fonds Advent qui souhaite fusionner Safran Identity and Security avec sa filiale Oberthur Technologies, ont chacun mis sur la table près de 2,4 milliards d'euros.

La partie finale se joue aussi sur des éléments non-financiers

Mais la partie se joue aussi sur les éléments non financiers. Les projets industriels étant proches -Safran considérait ce critère comme déterminant- les discussions portent sur les autres aspects de l'opération, à commencer par le calendrier pour la mener à bien et surtout les conséquences éventuelles sur l'emploi.

Alors que le dossier de l'usine Alstom de Belfort empoisonne l'agenda du gouvernement, celui-ci ne souhaite pas avoir à gérer une nouvelle bombe à retardement sur le plan social. Les discussions actuelles avec les candidats à la reprise portent donc sur les engagements et le projet social notamment le siège de la future entité- des candidats repreneurs. Le dossier de l'emploi est d'autant plus sensible que les activités cédées sont stratégiques du point de vue de la défense et de la sécurité publique.

FO et la CFE-CGC défavorables à un rachat par Oberthur

Cette société d'ingénieurs spécialisés en sécurité numérique dispose de compétences avancées dans l'identification biométrique par les empreintes, l'iris de l'oeil et le visage. Ces compétences uniques lui ont permis de remporter des contrats très significatifs (cf encadré ci-dessous) à l'étranger avec des États comme l'Inde. Elles résultent d'un savoir-faire et de brevets "made in France" que les pouvoirs publics veulent voir rester localisés dans l'Hexagone.

Selon Les Echos, les syndicats CFE-CGC et FO, majoritaires au sein de la filiale de biométrie de Safran, auraient exprimé en haut lieu leur opposition à un rapprochement avec Oberthur. Ils craignent notamment des menaces sur l'emploi liées au souhait de son propriétaire, le fonds Advent, de fusionner les deux entités en cas de rachat.

Oberthur réagit aux craintes des syndicats de Safran

Réagissant à l'expression de ces craintes syndicales, la société rappelle que "la réorganisation de l’outil industriel d’Oberthur Technologies en Europe en 2014 s’est traduite en France par l’augmentation de 150% de la production du site de Vitré, soutenue par des investissements de plus de 8 millions d'euros et une augmentation nette de plus de cent emplois industriels en France". 

Enfin, les questions de concurrence seraient au centre des négociations actuelles entre les repreneurs et Safran. La crainte est de voir le processus s'enliser avec les autorités européennes, comme ce fut le cas pour l'accord Alstom-General Electric.

La filiale de Safran délivre une identité numérique à un milliard d'indien

Le projet Aadhaar, vaste programme d’identification de toute la population indienne, a franchi un cap symbolique, celui du milliard d'identités numériques délivrées et validées au moyen de la biométrie. La filiale biométrie de Safran participe à ce programme, lancé en 2010, qui consiste à relever les empreintes digitales, l'iris de l'oeil et la face de chaque citoyen indien. Ces données sont ensuite enregistrées pour permettre la délivrance d'une carte d’identité numérique sous forme d'un numéro unique à 12 chiffres. Ainsi dûment identifié, chaque citoyen, dans un pays où de nombreux habitants n'ont pas de preuve formelle d'identité, bénéficiera d'aides sociales ou ouvrira un compte bancaire.

Frédéric Bergé
https://twitter.com/BergeFrederic Frédéric Bergé Journaliste BFM Éco