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Radio France: l'assouplissement de la publicité validé

Mathieu Gallet avait convaincu le gouvernement Valls d'assouplir ses contraintes

Mathieu Gallet avait convaincu le gouvernement Valls d'assouplir ses contraintes - Bertrand Guay AFP

Le recours des radios privées contre le décret libéralisant la publicité sur les radios publiques a été rejeté.

En avril 2016, le gouvernement accédait enfin à une demande de longue date de Radio France. Il publiait un décret assouplissant les contraintes encadrant la publicité diffusée sur les radios publiques. En particulier, il autorisait la publicité de marque, jusqu'alors interdite -seule était autorisée "la publicité collective et d'intérêt général".

Mécontentes, les radios privées ont contesté cet assouplissement. Un recours devant le Conseil d'État a été déposé par RMC (qui appartient au même groupe que ce site web), Lagardère, RTL, NRJ, Skyrock et les radios indépendantes, via les trois syndicats SRGP, SRN et Sirti. Las! La haute juridiction vient de rejeter ce recours (cf. décision ci-dessous). 

Position dominante?

Sur le fond, les radios privées craignaient que cet assouplissement permette à Radio France d'abuser de sa position dominante. Elles rappelaient que le service public accaparait un tiers des fréquences radio, et 23,5% de l'audience, loin devant le premier groupe privé, RTL (18,5%). En outre, l'État peut préempter des fréquences pour diffuser les stations du service public, alors que les radios privées doivent passer par des appels à candidatures. Enfin, Radio France a vu son budget (provenant à 92% de l'État) augmenter de manière continue de 2004 à 2014, alors que les radios privées (qui ne vivent que de la seule publicité) ont vu leurs ressources reculer...

Mais pour le Conseil d'État, rien ne prouve que Radio France occupe une position dominante sur le marché de la publicité à la radio, ni que le décret conduira automatiquement à un abus de position dominante. Le rapporteur public du Conseil d'État, Nicolas Polge, avait rappelé que le service public ne détenait que 3% du marché publicitaire radiophonique, loin du seuil de la position dominante (à partir de 40%).

Distorsion de concurrence

Autre argument des radios privées: les contraintes en matière de publicité locale diffèrent entre radios publiques et privées, ce qui crée "une distorsion de concurrence illégale". Mais cet argument a aussi été rejeté par les juges du Palais Royal, qui ont rappelé que le service public n'avait pas le droit de faire de la publicité pour la grande distribution. De plus, le réseau France Bleu produit bien plus d'émissions locales que le volume minimum imposé aux radios privées pour pouvoir diffuser de la publicité locale.

Enfin, la haute juridiction a aussi rejeté les différents arguments de forme avancés par les radio privées, notamment que le décret avait été publié sans étude d'impact préalable ou sans consulter l'Autorité de la concurrence.

Moins de spots mais vendus plus cher

En pratique, l'assouplissement des règles a donc permis aux radios publiques d'accéder à de nouveaux annonceurs. Sur la première année (2016), le volume de publicité diffusé a légèrement diminué (cf. encadré ci-dessous). Mais les recettes publicitaires (hors internet) se sont élevées à 41,1 millions d'euros, soit une hausse de 8,5% par rapport à 2015 (année qui avait été impactée par une longue grève) et de 1,7% par rapport à 2014. Quoiqu'il en soit, le service public a échappé au recul global du marché de la publicité radiophonique, en baisse de -0,8% en 2015, puis -1,3% en 2016.

Pour mémoire, cet assouplissement a permis de sortir le service public d'une situation inextricable, où il franchissait de plus en plus souvent la ligne jaune. Il écopait régulièrement de mises en garde et de mises en demeure du CSA (Conseil supérieur de l'audiovisuel) pour ne pas respecter les anciennes règles. Puis il a été condamné en octobre 2015 par le tribunal de commerce de Paris à payer 60.000 euros de dommages (plus 30.000 euros de frais de procédure) pour "concurrence déloyale". "Ce jugement révélait que l'ensemble des noms de marques prohibées représentait plus du quart des recettes publicitaires annuelles de Radio France", relevait Nicolas Polge. Initialement, Radio France avait fait appel, avant finalement de se désister.

La publicité sur Radio France

Chiffre d'affaires (en millions d'euros) 2009: 39,4 2010: 41,8 dont radio 40,6 internet 0,7 2011: 41,3 dont radio 39,9 internet 0,86 2012: 40,4 dont radio 39,1 internet 0,83 2013: 40,4 dont radio 38,9 internet 1,02 2014: 42 dont radio 40,4 internet 1,06 2015: 40,1 dont radio 37,9 internet 1,7 2016: 43,3 dont radio 41,1 internet 2,2 2017 (budget): 41,9 dont radio 41,2 2018 (Com): radio 42

Durée (en moyenne quotidienne, en 2016, variation par rapport à 2015)
France Inter: 10 minutes 16 secondes (-2 minutes)
France Info: 9 minutes 16 secondes (-6 secondes)
France Bleu: 6 minutes 48 secondes (-1 minute 6 secondes)

Sources: Bercy, CSA, Radio France

Jamal Henni