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Redressement fiscal pour Starbucks France

Le fisc britannique a obtenu que Strabucks gonfle un peu moins ses pertes

Le fisc britannique a obtenu que Strabucks gonfle un peu moins ses pertes - Starbucks

Le fisc estime que la filiale a gonflé indûment ses pertes de 24 millions d'euros.

Installé en France depuis 2004, Starbucks a depuis ouvert 124 établissements qui ont réalisé un total de 96 millions d'euros de chiffre d'affaires sur l'exercice clos fin septembre 2015. Mais le vendeur de cafés latte américain n'a jamais payé d'impôt sur les sociétés en France. Explication: jusqu'à l'an dernier, il était non imposable car la filiale française faisait des pertes (45 millions d'euros de pertes cumulées).

Mais ce n'est pas tout. Starbucks France ne va pas non plus payer d'impôts durant les années à venir. Cela grâce à une niche fiscale qui permet, dans le calcul de l'impôt sur les sociétés, de déduire les pertes enregistrées les années précédentes -dans le jargon des fiscalistes, on appelle cela des "déficits fiscaux reportables".

La main trop lourde

Problème: le fisc ne l'entend pas de cette oreille. Il estime que le cafetier a eu la main un peu lourde dans le calcul de ses pertes et lui a notifié un redressement fiscal réduisant fortement ces pertes, et donc les déficits déductibles des impôts à venir. Précisément, le fisc estime que, sur la période 2004 à 2008, ces déficits doivent être réduits de 23,8 millions d'euros. Soit la quasi-totalité de ces déficits fiscaux reportables, qui s'élevaient à 24,7 millions d'euros à fin 2008. Notifié en 2011, ce redressement a été contesté par Starbucks, mais semble en être resté au stade du recours gracieux. Interrogé, le tribunal administratif de Montreuil, compétent en la matière, indique en effet que Starbucks n'a déposé aucun recours contentieux contre ce redressement fiscal. 

Mais ce n'est pas tout. Le fisc a ensuite lancé un second contrôle fiscal, portant sur les années 2009 à 2012, qui semble toujours en cours. "Nous avons communiqué à l'administration fiscale tous les éléments demandés", indique laconiquement la direction.

Montage d'optimisation fiscale

Reste à savoir pourquoi le fisc estime que Starbucks gonfle ses pertes. Interrogé, l'américain refuse de répondre. Toutefois, on peut avancer une explication probable. En effet, le cafetier a mis en place un montage d'optimisation fiscale. Pour cela, il plombe au maximum ses pertes de façon à dégager le moins de profits possible, et donc à payer le moins d'impôt possible. Concrètement, il pompe la trésorerie de ses filiales en leur ponctionnant de multiples redevances sous des prétextes divers.

D'abord, Starbucks prélève des royalties (s'élevant à 6% du chiffre d'affaires) sur une multitude de choses: la marque, le logo, les recettes de cuisine, l'agencement des établissements, l'ameublement, et même le business plan... Ces royalties partent ensuite vers d'autres filiales du groupe installées dans des pays où elles ne payent pas d'impôt.

Ensuite, la filiale française est obligée d'acheter le café à une autre société du groupe chargée du négoce des grains. Selon une enquête de Bruxelles, cette société prélève une marge "excessive" (18%) pour cette activité de négoce. Et ces grains de café doivent être torréfiés dans une autre filiale du groupe, qui facture son savoir-faire de torréfaction (en gros, la durée et la température de cuisson...) à un tarif qui a été, lui aussi, jugé fort cher par Bruxelles...

Mais ce n'est pas tout. Durant ses premières années, la filiale française a dû payer une redevance (s'élevant à 2% du chiffre d'affaires) pour recevoir une "assistance en matière de gestion".

En outre, la filiale française doit se financer, non pas auprès d'une banque locale, mais auprès d'une autre filiale du groupe. Et cela à un taux (2,5% au-dessus de l'Euribor 3 mois) plus élevé que le taux auquel le groupe emprunte lui-même (0,565% au dessus du Libor).

Enfin, et non des moindres, la filiale française doit verser à la maison-mère une somme forfaitaire de 25.000 dollars à l'ouverture de chaque magasin. Et à tout cela s'ajoutent encore des redevances versées pour les logiciels informatiques, l'assistance juridique, la formation...

Le fisc britannique fait reculer Starbucks

Au total, en 2008, la filiale française a dû payer 3,8 millions d'euros de redevances diverses (hors achat du café), ce qui explique la majeure partie de ses pertes cette année là (-6,1 millions).

Maigre consolation: le cafetier ne ponctionne point toutes ces redevances car il considère que les Français sont incompétents en matière de gestion, de droit, etc : il se comporte de la même manière à travers le monde.

D'ailleurs, le fisc français n'est pas le seul à voir rouge. En Grande-Bretagne, "le fisc a contesté le taux de royalties de 6%. Et le résultat a été un accord autour d'un abaissement de ce taux à 4,7%", a expliqué le directeur financier Troy Alstead devant le parlement britannique. Hélas, rien de tel dans l'Hexagone, où le taux est toujours à 6%...

Interrogée, la filiale française de Starbucks a déclaré: "Comme toutes les grandes entreprises en France, Starbucks est en contact régulier avec les autorités fiscales françaises, et nous coopérons pleinement avec l’administration fiscale".

Les résultats de Starbucks France (en millions d'euros)

Chiffre d'affaires

2007: 36,6
2008: 50,1
2009: 40,5
2010: 64,5
2011: 72,7
2012: 80,5
2013: 84,5
2014: 91
2015: 95,8

Impôt sur les sociétés
2007: 0
2008: 0
2009: nc
2010: nc
2011: 0
2012: +0,002
2013: -0,008
2014: 0
2015: 0

Résultat net
2007: -4,4
2008: -6,1
2009: -2,7
2010: -2,1
2011: -2,5
2012: -9,6
2013: -4,2
2014: -1,4
2015: +0,73

Source: comptes sociaux

NB: l'exercice 2009 dure 9 mois. L'exercice est clos fin septembre à partir de 2009

Jamal Henni