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Renault devient actionnaire du magazine Challenges

Carlos Ghosn, PDG de Renault

Carlos Ghosn, PDG de Renault - Éric Piermont - AFP

"Le constructeur automobile a annoncé dans un communiqué prendre 40% du groupe de presse de Claude Perdriel."

Claude Perdriel, qui vient de fêter ses 91 ans, prépare sa succession. Le propriétaire des sanibroyeurs SFA cède 40% du capital de son groupe de presse à Renault, annonce mercredi 13 décembre le constructeur automobile dans un communiqué. La marque au losange va ainsi devenir l'actionnaire d'une société regroupant l'hebdomadaire Challenges et les mensuels Sciences & avenir, l'Histoire, Historia, et la Recherche.

Longue justification

C'est la première fois que Renault devient actionnaire d'un média. Une démarche surprenante que le constructeur justifie longuement dans son communiqué:

"Les Français et les Européens passent aujourd’hui en moyenne deux heures par jour dans leur véhicule. Claude Perdriel et Carlos Ghosn partagent une conviction forte: le développement de la voiture connectée et autonome va libérer du temps utile aux utilisateurs; le groupe Challenges et le Groupe Renault ont, ensemble, tous les atouts pour inventer le 'lab d’innovations' afin de concevoir les nouveaux contenus éditoriaux embarqués et les technologies adaptées. Ecouter, regarder, décrypter le monde d’aujourd’hui, seul, en famille ou entre amis… Ces pratiques correspondent désormais à nos habitudes mobiles. C’est déjà vrai avec la voiture d’aujourd’hui; cela le sera encore plus dans la voiture autonome de demain. Chacun, dans son véhicule, sera en mesure de choisir, puis de commander, informations et contenus puisés dans les productions d’un groupe de presse entièrement dédié à la connaissance et aux savoirs. En France, 5 000 kiosques de journaux disparaissent chaque année. Ce projet permettra à des millions de conducteurs et à leurs passagers d’accéder en toute liberté de choix à des informations et contenus de qualité".

"Ce projet s’inscrit pleinement dans la stratégie du Groupe Renault qui vise à offrir de nouveaux services connectés de qualité et à améliorer l’expérience de ses clients", ajoute Carlos Ghosn dans le communiqué.

Dans un article publié sur le site de Challenges, Claude Perdriel justifie aussi le choix de ce nouvel actionnaire:

"Début septembre 2017, Carlos Ghosn nous a proposé un projet révolutionnaire: mettre nos contenus à la disposition de tous les possesseurs de voiture Renault. Cette idée lui est venue en réfléchissant aux développements de la voiture électrique et de la voiture autonome connectée. Cette idée, si innovante, s'est imposée à nous, sur le champ, comme une évidence. Chaque année au lieu de perdre 6 000 points de vente, nous allons retrouver des millions de lecteurs et d'auditeurs potentiels. L'avenir s'éclaire, il devient passionnant. Après les smartphones, l'automobile devient à son tour un outil de partage de la presse, sous forme de nouveaux contenus, évidemment. C'est une transformation totale".

Rester majoritaire

L'opération apparaît plus logique du point de vue de Claude Perdriel, qui cherchait un autre actionnaire depuis plusieurs années en vue de préparer sa succession. Selon Presse News, des discussions ont notamment eu lieu avec les Échos, qui appartiennent au groupe LVMH. Selon la lettre de l'Expansion, des négociations ont par la suite été menées avec Franck Julien, propriétaire du groupe Atalian, et actionnaire de La Tribune

En juin 2016, Claude Perdriel avait expliqué sa vision de l'avenir lors d'une conférence de presse: "Ma femme héritera des journaux. Elle les gardera et ne cédera pas la majorité, si elle le peut. Je me suis débrouillé pour qu'elle ait la majorité sans léser mes enfants. [...] Je n'ai jamais envisagé de vendre Challenges, et je ne céderai jamais la majorité. J'ai envisagé de céder une minorité". Il ajoutait: "Je n'envisage pas de céder le groupe, car il faudrait trouver quelqu'un qui fasse cela par passion, et soit prêt à perdre suffisamment d'argent comme moi pour que cela continue. Mais j'ai l'impression d'être une espèce en voie de disparition". Et il concluait: "dans ma vie, j'ai dû céder deux fois des journaux pour des raisons financières: le Matin de Paris puis le Nouvel observateur. Instruit par ces expériences, je ne souhaite pas vendre ou prendre d'actionnaires".

Un groupe déficitaire

Le communiqué indique que l'argent apporté par Renault "permettra de financer les développements du groupe Challenges, notamment dans le numérique et dans l’activité événementielle en forte croissance". Le magazine organise déjà le Sommet de l’économie, les Sommets des start-up, et le Festival de l’histoire populaire à Strasbourg…

Globalement, le groupe de presse de Claude Perdriel réalise 60 millions d'euros de chiffre d'affaires. "Le groupe sera vraiment proche de l'équilibre en 2017", promettait son patron l'an dernier. 

Il voulait avant tout faire sortir du rouge le navire amiral, l'hebdomadaire Challenges, qui avait perdu 2,6 millions d'euros en 2015 comme en 2016.

Le groupe de presse de Claude Perdriel (en 2016)

Les éditions Croque Futur SNC (Challenges)
Chiffre d'affaires: 22 millions d'euros (+3%)
Résultat net: -3,6 millions d'euros (-65%)
Diffusion totale: 209.817 exemplaires (+9%)

Sciences et avenir
Chiffre d'affaires: 14,1 millions d'euros (-1%)
Résultat net: +416.300 euros (-60%)
Diffusion totale: 233.950 exemplaires (-2%)

Sophia Publications (l'Histoire, Historia, la Recherche, le Magazine littéraire)
Chiffre d'affaires: 13,3 millions d'euros (-10%)
Résultat net: +1,2 millions d'euros

Source: comptes sociaux, ACPM

Jamal Henni