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Renault-Nissan-Mitsubishi, un attelage atypique en pleine tourmente

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- - Kazuhiro NOGI - AFP

L'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, demeure malgré ses difficultés actuelles un géant industriel qui réalisait, avant la crise du Covid-19, plus de 10% des ventes mondiales de voitures et utilitaires légers.

L'alliance, qui présente mercredi son nouveau plan stratégique pour affronter la tourmente mondiale d'un secteur terrassé par la pandémie, se distingue de groupes comme Toyota ou Volkswagen: ceux-ci comptent aussi de nombreuses marques, mais sont intégrés.

En effet, les trois membres de l'ensemble franco-japonais conservent leur liberté malgré des participations croisées: Renault possède 43% de Nissan, et le japonais détient 15% du groupe au losange, ainsi que 34% de Mitsubishi Motors. Le goût de cette recette internationale complexe est relevé par la présence de l'Etat français à hauteur de 15,01% du capital de Renault, héritage d'une époque où l'entreprise était une régie nationale. 

Les membres de l'alliance gèrent 122 implantations industrielles sur les cinq continents, des usines de Nissan aux États-Unis aux co-entreprises chinoises en passant par l'Afrique du Nord et l'Inde. Le conglomérat revendiquait fin 2018 quelque 450.000 employés, un chiffre appelé à fondre selon les projets de Nissan, ayant déjà filtré. 

Les économies d'échelle, qui devraient figurer au cœur du plan stratégique attendu mercredi, représentaient déjà plusieurs milliards d'euros chaque année selon l'ensemble, grâce au partage de plate-formes, de moteurs ou de technologies. Mais il reste des doublons, désormais en ligne de mire.

Ces synergies passent en outre par une "production croisée" d'une marque dans une usine de l'autre. Par exemple, deux usines françaises de Renault construisent respectivement des utilitaires et la petite berline Micra de Nissan. Les constructeurs du conglomérat partagent depuis 2014 les fonctions ingénierie, fabrication et logistique, achats et ressources humaines.

Cette stratégie a paru couronnée de succès lorsque Nissan, Renault et Mitsubishi ont réussi à conquérir la première place mondiale, hors poids-lourds, en 2017 et 2018: un nouveau véhicule sur 9 sur la planète sortait alors de leurs usines.

Mais le triomphe a été de courte durée puisqu'en 2019, avant l'épidémie du nouveau coronavirus, l'alliance a rétrogradé à la troisième place avec 10,16 millions d'unités, une contraction de 5,6% sur un an. Ses deux rivaux ont continué à croître: Volkswagen a raflé la palme avec 10,97 millions, suivi par Toyota à 10,74 millions.

Renault "joue sa survie"

Renault a perdu de l'argent en 2019 pour la première fois en dix ans, avant même que l'épidémie de Covid-19 paralyse des usines et points de vente automobiles, notamment en Europe. Le constructeur "joue sa survie", a prévenu le ministre de l'Economie français. Les résultats annuels 2019/2020 de Nissan, qui seront dévoilés jeudi, sont également attendus dans le rouge.

Le nouveau plan stratégique de l'alliance, mercredi, devrait rester discret sur les chiffres, et parler davantage d'économies d'échelle. Il faudra attendre sa déclinaison chez Nissan jeudi puis chez Renault, vendredi, pour davantage de détails. Mitsubishi Motors, également dans une situation préoccupante, compte, lui, dévoiler son plan fin juillet ou début août.

Nissan veut désormais "mettre la priorité sur ses marchés cœur: le Japon, la Chine et l'Amérique du Nord". En Europe, où Nissan perd "beaucoup d'argent", il prévoit de "s'appuyer sur ses partenaires" mais pas de se retirer du marché, explique à l'AFP une source proche du constructeur japonais.

Côté maillage industriel, si l'usine Nissan de Barcelone "en surcapacité" pourrait être en danger, l'avenir de Sunderland (nord-est de l'Angleterre), très productive, semble assuré malgré le Brexit, selon cette source.

L'idée reste de "réduire les coûts fixes, tous azimuts" et donc de couper dans la capacité de production, actuellement de sept millions d'unités par an, soit deux de plus que les ventes. Selon la presse japonaise, 15% des effectifs mondiaux du groupe pourraient être supprimés d'ici à début 2023.

Un PGE de 5 milliards d'euros

Emblématique de l'industrie hexagonale, l'ancienne Régie nationale doit retrouver la rentabilité et "en même temps" s'assurer le soutien du gouvernement français, inquiet des conséquences des décisions stratégiques de ce gros pourvoyeur d'emplois directs et indirects. Il doit donner son feu vert à un prêt bancaire de 5 milliards d'euros, mais réclame aussi des engagements en matière d'environnement et de relocalisation.

Une grande partie des modèles de Renault sont déjà produits dans des pays à faible coût, comme la Clio en Turquie, ou la gamme low cost Dacia en Roumanie et au Maroc. Les gammes supérieures, qui se vendent mal, et les utilitaires sortent des usines françaises, héritées des "Trente glorieuses" et parfois sous-utilisées.

"Nous serons extrêmement attachés, voire intransigeants, à la préservation des sites en France", a prévenu mercredi le Premier ministre Edouard Philippe, après des informations de presse faisant état du projet de Renault de fermer des implantations.

Renault avait dit en février tabler sur 2 milliards d'euros d'économies en trois ans, sans exclure de fermer des sites. "Aucun tabou", avait indiqué sa directrice générale par intérim, Clotilde Delbos.

Sandrine Serais avec AFP