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Réunion: la peur des requins fait fuir le business du surf

L'île de la Réunion, réputé pour ses spots de surf, perd son attractivité à cause des attaques de requins.

L'île de la Réunion, réputé pour ses spots de surf, perd son attractivité à cause des attaques de requins. - RICHARD BOUHET / AFP

Les écoles de surf ferment, les surfeurs quittent l'île, et la Réunion est en train de perdre son statut de vivier à champions à cause des attaques meurtrières des requins.

Les spots de La Réunion comptent parmi les plus réputés au monde et ses surfeurs collectionnent les médailles à chaque championnat de France. Mais aujourd'hui, ces sportifs de haut niveau sont obligés de quitter leur île, traumatisés par les attaques de requins.

"J'ai décidé d'arrêter de surfer à La Réunion en 2011 après la mort de mon ami Mathieu Schiller" (champion de bodyboard tué par un requin à quelques mètres du rivage, ndlr), lâche Hugo Savalli, champion de France de surf en 2012. "L'année dernière, je me suis mis à l'eau deux fois, et encore, à deux mètres du bord comme un ti marmaille!" ("petit enfant" en créole réunionnais, ndlr), raconte-t-il.

Le 12 avril, les attaques de squale ont fait un septième mort depuis 2011: un ado de 13 ans, qui était déjà un surfeur confirmé. Elio, champion de La Réunion benjamin en 2013, était l'un des éléments les plus prometteurs du pôle espoir de la ligue locale. Sa mort a mis en lumière de façon dramatique les menaces qui pèsent sur le surf de compétition à La Réunion, d'autant que toutes les attaques --seize au total-- ont eu lieu sur la côte ouest, où se trouvent les plus beaux spots.

400 licenciés restant sur 1.600

"En 2011, avant la crise requin, nous avions 1.600 licenciés. Il en reste à peine 400", se désole Eric Sparton, président de la ligue locale. "Et encore, certains sont restés licenciés chez nous par solidarité, mais ils ne pratiquent plus du tout à La Réunion", soupire Christophe Mulquin, entraîneur des équipes de France espoir, minimes, cadets et juniors. Un crève-coeur quand on sait que La Réunion est "la plus grosse pourvoyeuse de champions français".

"A chaque championnat La Réunion rafle au moins 50% des médailles", souligne Christophe Mulquin, habitant de Saint-Leu, où se trouve une déferlante mondialement connue.

Janique Hoarau a été plusieurs fois championne de France et vice-championne d'Europe de bodyboard. Elle a quitté La Réunion en 2013 "avec trois valises et sans travail" parce qu'elle avait "trop peur pour (ses) enfants", Youri, 13 ans, et Hina, 11 ans. "Ils surfent, ils ont ça dans le sang, ils étaient d'ailleurs dans le même club qu'Elio", explique-t-elle, en avouant avoir été "prise de panique après l'attaque de Fabien Bujon". Ce surfeur a été attaqué en 2012 sur le spot de Saint-Leu. Il a survécu, mais le squale lui a arraché la main et le pied droits. Depuis, la famille Hoarau est installée en Vendée, à Saint-Gilles-Croix-de-Vie.

1 école restante sur 14

Le nombre d'écoles de surf a lui aussi fondu. Elles étaient 14 avant la crise, il n'en reste qu'une. "C'est préoccupant car les écoles sont le vivier où le pôle Espoir puisait les meilleurs éléments", s'alarme Nicolas Berthé, conseiller technique national de surf et entraîneur des 25 sociétaires du pôle Espoir.

Depuis 2013, un arrêté préfectoral interdit la baignade et les activités nautiques hors du lagon et des zones surveillées. Cela a considérablement réduit le terrain d'entraînement des surfeurs. Pénalisant lorsqu'on pratique à haut niveau. Du coup, la Ligue a mis en place un dispositif pour permettre aux meilleurs espoirs de s'entraîner loin de La Réunion.

"L'année dernière, je n'ai vu mon fils que 4 mois dans l'année", note Marc Bernard. Son fils Lucas, 15 ans, est membre du pôle espoir. Il suit un enseignement scolaire à distance et partage son temps d'entraînement et de compétition entre l'Afrique du Sud et la France métropolitaine. "Le dispositif n'a pas été renouvelé cette année puisque nous étions sur le point d'avoir des spots sécurisés", explique Nicolas Berthé.

"Nous ne voulons pas que tout s'arrête"

Après des mois d'étude, un dispositif expérimental de surveillance, autorisé par le préfet, s'apprêtait à entrer en vigueur au moment où Elio a été tué. Depuis le drame, aucune date n'a été fixée pour le lancement de ces zones sécurisées, avec vigies immergées, bateaux de surveillance et caméras.

Après sa visite sur l'île en début de semaine, le président de la Fédération française de surf, Jean-Luc Arassus, sera reçu lundi par la ministre des Outre-mer, George Pau-Langevin. Beaucoup de surfeurs pensent qu'il sera très dur de revenir à la situation d'avant la crise. Mais ils espèrent sauver leur sport. "Nous ne voulons pas que tout s'arrête", martèle Anne-Gaëlle Hoarau, plusieurs fois championne de France et d'Europe, avant de montrer l'océan: "On ne peut pas l'admettre lorsqu'on a ça devant soi".

N.G. avec AFP