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Smartphones : pourquoi Apple coule en Europe ?

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- - Emmanuel DUNAND/AFP

Au premier trimestre, les ventes du terminal pommé s’effondrent de 23% sur le Vieux Continent, du jamais vu. Comment expliquer ce gadin et comment Apple peut-il rebondir ?

C’est une chute sans précédent. Selon le cabinet d’études IDC, les ventes d’iPhone d’Apple en Europe (et au Moyen-Orient, Afrique) ont chuté de 22,7% au premier trimestre à 7,8 millions d’unités, soit son niveau le plus bas depuis 5 ans.

Sur un an, sa part de marché est ainsi passée de 18,5% à 14,7%. Seul HMD, (qui exploite la marque Nokia) fait pire avec un gadin de 32% mais dans des volumes bien plus étroits (2,2 millions d’unités).

Comment expliquer une telle chute pour une marque qui jusqu’à aujourd’hui enchaînait quasiment systématiquement des trimestres dans le vert ?

Il y a d’abord la saturation du marché européen qui d’ailleurs se replie globalement de 2,7% sur la période à 53 millions de smartphones vendus.

« Nous prévoyons que le marché de la téléphonie restera relativement stable ou ne progressera que marginalement en unités au cours des cinq prochaines années, compte tenu de sa maturité. Cela est en effet devenu un jeu de valeur, pas un jeu d'unités », relativise ainsi Annette Zimmermann, VP et analyste au sein du cabinet Gartner.

Pour autant, malgré ce recul, d’autres fabricants, voient leurs ventes bondir. C’est le cas de Xiaomi (+33%) et surtout de Huawei (+66% ! à 13,5 millions d’unités).

Sur le marché premium, Huawei a clairement aspiré une partie du cœur de cible d’Apple avec des modèles très performants, notamment autour de la photographie grâce à son partenariat avec la prestigieuse marque Leica. Et surtout moins chers que les terminaux pommés connus pour dépasser allègrement les 1000 euros.

Pas de rebond prévu à court terme

D’ailleurs, le leader mondial, Samsung, souffre également au premier trimestre mais sauve les meubles. Ses ventes ne reculent que de 7% à 15,7 millions d’unités.

Dans le même temps, Apple a plus de mal à retenir ses fidèles utilisateurs dont certains ont été refroidis par la politique de mises à jour de la firme avec des appareils de générations précédentes plombés par ces mises à niveau. Ce que certaines associations ont dénoncé comme de l’obsolescence programmée déguisée.

Autre facteur, la durée de rétention des appareils qui a tendance aujourd’hui à s’allonger compte tenu des arbitrages budgétaires des consommateurs et de l’absence de réelles innovations sur ce marché. « Les consommateurs conservent plus longtemps leurs terminaux, Apple a été challengé avec ses derniers appareils, et les fabricants chinois ont réalisé des progrès chaque trimestre. », résume Simon Baker, analyste chez IDC.

Pour autant, est-ce la fin d’un cycle pour Apple et ses iPhone ? Rien n’est moins sûr. IDC se veut prudent : « En ce qui concerne l'avenir, il n'est plus possible de voir des tendances claires comme avant ». Mais s’en tenir qu’aux chiffres de ventes serait une erreur.

La tendance n’est pas nouvelle et Apple le sait. Si le renouvellement de ses terminaux ne fait plus la pluie et le beau temps sur le marché, la firme de Tim Cook compense avec sa politique de services payants qui eux-mêmes sont des aimants à iPhone.

« Apple est clairement dans une logique de transition », nous expliquait Thomas Husson, Principal Analyst - Marketing & Strategy chez Forrester. « Une base installée de 1,4 milliard d'utilisateurs est un levier extrêmement puissant pour offrir des abonnements à des contenus et services de qualité, personnalisés et respectueux de la vie privée », poursuit l’analyste.

Le géant américain pourrait également profiter des déboires de Huawei avec l’administration américaine. Privé d’Android (le système d’exploitation de Google qui équipe 80% des smartphones de la planète) et des apps de Google pour ses futurs terminaux, Huawei risque de voir ses ventes se retourner. Mais dans cette affaire, les choses peuvent évoluer dans un sens ou dans l’autre très rapidement.

Malgré ces facteurs, un rebond à court terme n’est pas attendu par les analystes. En effet, le deuxième trimestre est traditionnellement le plus faible, les adeptes de la secte à la pomme préférant attendre la présentation des nouveaux modèles à l’automne pour renouveler leurs smartphones.

Olivier CHICHEPORTICHE