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Suez veut racheter une filiale de GE pour s’émanciper d’Engie

Le directeur général Jean-Louis Chaussade veut racheter la filiale de General Electric spécialisée dans l'eau.

Le directeur général Jean-Louis Chaussade veut racheter la filiale de General Electric spécialisée dans l'eau. - ERIC PIERMONT / AFP

L’entreprise veut racheter une filiale de General Electric spécialisée dans la gestion de l'eau pour les industriels. Un projet tactique qui lui permettrait de gagner son indépendance et s’éloigner du giron de son actionnaire.

Le bras de fer entre Suez et Engie n’en finit pas. Depuis plusieurs mois, le groupe dirigé par Isabelle Kocher souffle le chaud et le froid sur sa volonté de prendre le contrôle de Suez ou le statu quo à 33% du capital. De son côté, le patron de Suez, Jean-Louis Chaussade tient coûte que coûte à son indépendance et l’a bien fait savoir à son actionnaire. Selon plusieurs sources proches de Suez, il a lancé ces dernières semaines, le projet de rachat une filiale de General Electric spécialisée dans la gestion de l’eau pour les industriels. Un métier à la mode dans le secteur. Veolia, son premier concurrent, a d’ailleurs poussé les feux sur ces métiers depuis quelques années.

Le rachat de "GE Water" serait une opération d’envergure puisque le prix oscille entre 2 et 3 milliards alors que Suez vaut 8 milliards d’euros en Bourse. L’entreprise doit déposer une offre ferme dans les prochains jours. General Electric choisira le repreneur mi-mars. Suez a de bonnes chances face aux deux fonds d’investissement également sur les rangs. Suez est proche de GE qui est déjà son fournisseur. Le spécialiste de l’eau et des déchets réalise déjà 500 millions de chiffre d’affaires dans ces métiers dédiés aux industriels. Le rachat de cette filiale de GE lui permettrait de faire un bond de 3 milliards de plus. Un relais de croissance important alors que les traditionnels métiers de gestion de l’eau aux collectivités locales souffrent.

Toute la direction du groupe est mobilisée sur cette acquisition. Le patron de Suez a reçu ces derniers jours le soutien unanime de son conseil d’administration. Des réunions ont eu lieu ces derniers jours pour plancher notamment sur le financement. Selon nos informations, il serait prévu de le partager entre un emprunt et une augmentation de capital.

Empêcher un rachat par Engie ou Veolia

C’est là que ce projet cache une dimension tactique majeure. Une augmentation de capital obligerait Engie à clarifier sa stratégie pour Suez. Selon nos informations, Engie serait prêt à participer à cet appel de fonds mais jusqu’à un certain montant. "Isabelle Kocher ne souhaite pas abaisser sa participation dans Suez" confirme un proche d’Engie. Au contraire, elle caresse l’idée de reprendre le contrôle de sa filiale de gestion de l’eau. Mais l’acquisition et l’intégration de GE Water empêcherait toute opération de rachat de Suez pendant un ou deux ans.

"Cette opération est clairement une pilule empoisonnée de la direction de Suez vis-à-vis d’Engie" explique un proche du dossier. Il se murmure d’ailleurs, en interne, qu’Isabelle Kocher n’est pas favorable à ce projet même si elle a voté pour au conseil d’administration de Suez. Révéler son opposition aurait cristallisé un affrontement avec Suez.

Le rachat de GE Water permettrait aussi d’écarter pour longtemps toute intention de marier Suez à Veolia. Un scénario qui circule de nouveau depuis quelques mois. Et qui rencontre encore des désaccords entre le président d’Engie et de Suez, Gérard Mestrallet, et la directrice du groupe Isabelle Kocher. "Mestrallet réfléchit réellement à cette opération, confirme l’un de ses amis. Il veut quitter le groupe sur une dernière opération d’envergure".

D’ailleurs, Veolia a aussi regardé le rachat de la filiale de General Electric. Et l’a aussitôt refermé. "L’entreprise ne marche pas très bien et le prix est démesuré, justifie un proche de Veolia qui ne résiste pas à la tentation d’enfoncer son concurrent. On ne pensait pas que cela intéresserait Suez".

Matthieu Pechberty