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Tabac: quand les députés donnent un coup de pouce aux buralistes

Les buralistes et les fabricants de tabac ont leurs entrées au Parlement.

Les buralistes et les fabricants de tabac ont leurs entrées au Parlement. - Fabien1309 - WikimediaCommons

40 députés de tous bords ont déposé 20 amendements pour stopper la hausse de la fiscalité sur le tabac. Des textes identiques, mot pour mot. Décryptage des relations ambigües entre politiques et cigarettiers.

Coup de force à l'Assemblée contre les taxes sur les paquets de cigarettes. Quarante députés, de tous bords, hors écologistes, ont tous décidé en même temps qu'il fallait stopper la hausse de la fiscalité sur le tabac. Une vingtaine d'amendements identiques ont ainsi été déposés lundi pour figurer dans le Budget 2015, tous rédigés exactement pareil, au mot près. "Un copier-coller", révélait le Journal du Dimanche mercredi.

Une énième conséquence des relations ambigües entre industriels du tabac, buralistes et politiques, estime Matthieu Pechberty, auteur de l'article du JDD et d'un livre dur le sujet: "L'État accro au tabac", sur BFM Business ce 5 décembre.

L'Etat entre deux feux

Parmi ceux qui l'ont déposé, des députés socialistes comme Jean-Louis Dumont et Razzy Hammadi, des radicaux comme Jérôme Lambert, des centristes comme Charles de Courson et Maurice Leroy, et les UMP Eric Woerth et Claude Goasguen.

"Lorsque vous voyez quarante députés de droite, de gauche, du centre, qui déposent exactement le même amendement pour limiter la fiscalité du tabac, ce n'est pas une coïncidence, ce n'est pas une concertation: ils sont manipulés, notamment par les buralistes, qui ne veulent pas que les prix augmentent au premier janvier".

Dans ce contexte, la position de l'Etat est également ambigüe. "Les recettes du le tabac rapportent 14 milliards d'euros par an aux finances publiques. C'est la taxe qui rapporte le plus à l'Etat après celle sur l'essence", souligne Matthieu Pechberty.

Des revenus calibrés au million près

Autre avantage de ces revenus: ils sont planifiables. "Les fonctionnaires de Bercy appellent les recettes du tabac les recettes magiques, parce qu'on peut les calibrer au million d'euro près une année avant", selon le spécialiste.

Mais depuis deux ans, "ces recettes diminuent légèrement d'environ 100 à 200 millions d'euros par an. Comme l'Etat veut stabiliser ses recettes, il veut limiter la fiscalité, au moins pour une année, le temps que le marché se calme", raconte encore le journaliste du JDD. "Il souhaiterait même baisser les prix, mais cela irait trop visiblement à l'encontre du discours de santé".

"Derrière sa posture de façade, l'Etat agit de manière pro-tabac régulièrement", estime l'auteur de l'article. Notamment en choisissant d'augmenter les prix régulièrement, mais que très légèrement, de 20 à 30 centimes, cela n'incite pas réellement les fumeurs à cesser de fumer. Ils "ralentissent un peu parce qu'ils râlent, avant de reprendre leur consommation habituelle. Pendant ce temps-là, les recettes de l'Etat augmentent, et cela permet à tel ou tel fabricant d'augmenter un petit peu ses prix."

N.G.