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Take Eat Easy: la "fin de l’aventure" a un goût amer pour les restaurateurs

En juin et juillet 2016, l’entreprise a empoché des montants qui auraient dû revenir aux restaurateurs déduction faite de la commission de 10%. Tale it Easy a tout gardé.

En juin et juillet 2016, l’entreprise a empoché des montants qui auraient dû revenir aux restaurateurs déduction faite de la commission de 10%. Tale it Easy a tout gardé. - Capture Take it easy

La fièvre de la Food Tech n’est pas passée pour Take Eat Easy, la société belge de livraison de repas qui a brutalement été mise en liquidation judiciaire, sans régler l'addition à ses partenaires restaurateurs. L'un d'eux a déposé une plainte au pénal pour abus de confiance.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Dans le cas de la liquidation judiciaire de Take Eat Easy qui a eu lieu en juillet dernier, son concurrent Deliveroo est aux anges. Mais c’est bien le seul à trouver un aspect positif à la chute de la start-up belge. En fermant son site du jour au lendemain et sans prévenir ses partenaires, l’entreprise créée en 2013 les a gravement mis en difficulté. Depuis, la start-up a laissé un message convenu: "C'est ici que prend fin l'aventure Take Eat Easy. […] Il est temps pour nous de vous dire au revoir." Quant au site, toujours accessible, il ne laisse rien transparaître de la situation.

Après la création d’un collectif de livreurs à vélo – la société en employait entre 2.000 et 3.000 en France sous le statut d’auto-entrepreneurs, c’est au tour des restaurateurs de réclamer leur dû par voie de justice. Une plainte au pénal pour abus de confiance vient d’être déposée par l’un d’eux dans un dossier défendu par Maître Yann Gasnier.

"L’entreprise a empoché des montants qui ne lui revenaient pas en juin et en juillet 2016, a expliqué l’avocat à BFM Business. L’argent des restaurateurs n’aurait jamais dû rentrer dans ses caisses. Il ne lui appartient pas comme le prouve le contrat de restitution conclu avec les fournisseurs". Le dossier semble simple et pourtant, la nomination d’un liquidateur judiciaire complique les choses.

Mieux qu'une levée de fonds

Pour lui, ces restaurateurs sont des créanciers comme les autres, mais il n’en est rien. "Ces sommes ne font en aucun cas partie des montants que pourraient réclamer des créanciers pour des factures impayées", réagit Maître Gasnier qui a tenté de prendre contact avec les représentants français de Take Eat Easy qui font la sourde oreille, malgré une mise en demeure. Même le liquidateur reste injoignable.

Pour son client, le manque à gagner s’élèverait à plus de 10.000 euros pour 600 repas produits. Une somme importante pour un petit commerçant de quartier. Et il n’est pas un cas unique. "Take Eat Easy travaillait avec environ 4.000 fournisseurs et avec un montant moyen de 5.000 euros par restaurateur. C'est une fourchette basse, le total empoché indûment par la start-up représente une somme colossale".

Elle pourrait de fait atteindre 20 millions d’euros qui se sont évaporés dans la liquidation, soit plus que les deux levées de fonds réalisées en 2015 (6 millions d’euros en avril et 10 millions d’euros en septembre). Le service était accessible dans une vingtaine de villes en France, mais aussi en Belgique, en Espagne et en Grande-Bretagne.

Et, c’est à souligner, ces 20 millions d'euros ne comprennent pas l’ardoise laissée aux coursiers qui, avec le statut d’auto-entrepreneurs, ont peu de recours pour récupérer un jour le règlement de leur prestation. Pour eux aussi, l'addition est salée.

Un cabinet de recouvrement aide les coursiers Take Eat Easy

Après la publication de notre article, Actori, un cabinet de recouvrement, nous a contactés pour nous dévoiler son initiative. Sylvain Bouchard, son dirigeant est "fan de vélo" et a décidé de fournir gratuitement aux coursiers Take Eat Easy une aide pour tenter de récupérer les sommes que la start-up n’a pas réglées. Actori a mis en ligne une FAQ (foire aux questions), mais aussi un modèle de déclaration de créances à utiliser au plus vite. Comme le leur rappelle Sylvain Bouchard, gérant du cabinet, les créanciers n’ont que deux mois après la publication du Bodacc (Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales) pour réclamer leur dû auprès du mandataire judiciaire.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco