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Taxe pour la presse en ligne: les quatre parades de Google

François Hollande a donné trois mois à Google pour s'entendre avec les journaux

François Hollande a donné trois mois à Google pour s'entendre avec les journaux - -

Les éditeurs de presse proposent d'instaurer une taxe qui paraît difficilement applicable.

Mise à jour mardi 30 octobre
Dans un communiqué publié lundi 29 octobre après l'entretien avec Google, François Hollande "souhaite que des négociations puissent rapidement s'engager et être conclusives d'ici la fin de l'année entre Google et les éditeurs de presse". Pour le président, "le dialogue et la négociation entre partenaires lui paraissaient la meilleure voie, mais si nécessaire, une loi pourrait intervenir sur cette question, à l'instar du projet en cours en Allemagne".

Taxer Google, oui! Mais comment? Il y a quelques semaines, le SPQN (syndicat des éditeurs de quotidiens) a proposé d'instaurer, par la loi, une taxe sur les liens pointant vers les sites de presse (cf. le texte disponible ci-contre). Une idée soutenue par la ministre de la Culture Aurélie Filippetti: "C'est normal que ces moteurs de recherche participent au financement de la presse, puisqu'ils font circuler sur leur réseau des liens vers des sites de presse", a-t-elle répété lundi 29 octobre sur France Inter. Et qui devrait figurer au menu des discussions de l'après-midi entre François Hollande et le patron de Google Eric Schmidt.

Certes, la proposition de loi des éditeurs de journaux ne porte que sur les liens pointant vers les sites de presse. Mais si la taxe est acceptée pour ces sites, on voit mal pourquoi, demain, les blogs, les portails, voire tout site Internet n'en demanderait pas autant... Google considère donc que cette idée constitue une menace mortelle pour son modèle économique: "Google ne peut accepter que [cette loi] mette en cause son existence même", écrit le moteur dans une note sur le sujet, qui a d'abord fuité auprès de l'AFP le 18 occtobre avant que le moteur américain ne la publie sur son blog. On peut donc supposer que le californien fera tout pour éviter l'application de cette loi. Et il dispose pour cela d'une panoplie de solutions...

1/ Ne plus référencer les sites de presse

"Google serait en conséquence contraint de ne plus référencer les sites français", menaçait le moteur dans sa note. Cela signifie en pratique que les liens vers les sites de presse français n'apparaîtront plus ni dans Google Actualités, ni dans les résultats du moteur de recherche (en effet, la proposition de loi ne distingue pas l'un de l'autre, et porte indistinctement sur tous les liens vers les sites de presse).

Un tel déréférencement forcé a eu lieu en Belgique, lors d'un conflit avec les journaux belges, qui ont vite repris les négociations avec Google après quelques jours de bannissement.

En revanche, au Brésil, les journaux ont retiré il y a un an de Google Actualités leur contenu payant issu de leur version papier, tout en laissant leur contenu gratuit. Ils affirment n'avoir perdu que 5% d'audience suite à cela. 

Un chiffre surprenant, car Google apporte une part bien plus importante du trafic des sites d'actualité. L'an dernier, une note du Conseil d'analyse économique, citée par Google, rapportait qu'aux Etats-Unis, 40% du trafic venait des moteurs de recherche, dont 28,4% pour le seul Google. Ceci explique pourquoi les journaux français, bien qu'ils se plaignent d'être "pillés" par Google, y restent paradoxalement, alors qu'ils pourraient très bien en partir d'eux-mêmes...

Google ajoute dans sa note: "le quotidien anglais The Times, qui avait souhaité interdire le référencement de ses pages en 2010 vient de décider d’abandonner cette politique trop coûteuse en lecteurs. Son rédacteur en chef reconnait qu’entre 30 et 40% de son trafic vient des moteurs de recherche".

2/ Fermer Google Actualités

"Les moteurs de recherche génèrent une grande partie de leur publicité grâce à l'orientation qu'ils font vers des sites de journaux", fustige Aurélie Filippetti sur France Inter, reprenant ainsi le discours des quotidiens. C'est largement faux. En effet, il n'y a pas de publicité sur Google Actualités, ce qui permet à l'américain d'éconduire toute demande de "partage" des revenus (la même stratégie a été rééditée avec la Google TV).

Google Actualités ne profite donc qu'indirectement au californien, en augmentant son audience globale. Mais, si les inconvénients dépassent les avantages, il pourrait très bien fermer ce service. "Google n’a pas besoin du contenu produit par la presse pour survivre, mais la presse a besoin d’être trouvée pour survivre", résument une tribune de trois web journalistes.

En revanche, il y a bien de la publicité autour des résultats du moteur de recherche, résultats qui incluent souvent quelques liens provenant de Google Actualités. "C'est d'ailleurs de là que vient l'essentiel trafic issu de Google Actualités vers les médias, qui se battent pour être les premiers indexés", assure Benoit Rapahël, créateur du Post.

3/ Quitter la France

La présence de Google en France est assez symbolique. Le moteur emploie 400 personnes, et déclare un chiffre d'affaires ridicule. En réalité, toute son activité est facturée depuis l'Irlande, ce qui est très facile à faire quand on vend de la publicité sur Internet. Bref, si les lois françaises deviennent trop contraignantes, il lui serait donc assez facile de quitter la France, voire même l'Europe.

4/ Diviser pour mieux régner

Une ultime difficulté est que les sites d'informations sont opérés soit par des journaux payants (comme les quotidiens papier), soit par des médias gratuits financés par la publicité (TF1, France Télévisions, Metro, 20 Minutes, BFM TV...), soit par de pure players internet vivant en général de la publicité (Rue89, Atlantico...). La proposition de taxer les liens provient des seuls quotidiens payants, mais n'a pas été endossée par les autres. Le Spiil, syndicat des pure players, s'y est même opposé. Surtout, pour les médias vivant de la publicité, il sera difficile d'arguer que leurs informations valent plus que la publicité qu'elle rapporte. Le risque est donc que seuls les journaux payants sortent de Google, mais que les médias financés par la publicité y restent, ce qui ne serait finalement guère pénalisant pour l'internaute.

Le titre de l'encadré ici

|||Un semi-départ
Pour les journaux, une option serait de sortir de Google Actualités tout en apparaissant toujours dans les résultats du moteur de recherche. En Italie, Google s'est engagé à le permettre. En France, "il est très important que les éditeurs de presse puissent demander et obtenir [cela], soulignait l'avis de l'Autorité de la concurrence rendu en 2010. L’indexation des contenus de presse dans Google Actualités doit être découplée –par une démarche simple et préalable des éditeurs– de celle des contenus accessibles grâce au moteur de recherche généraliste. L’Autorité de la concurrence française veillera à ce que ces engagements soient respectés en France. Cela devrait contribuer à redonner aux éditeurs de presse un certain pouvoir de négociation".

Jamal Henni