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  Taxis vs Uber: 5 questions pour en finir avec les idées reçues 

Pourquoi le conflit entre Uber et les taxis prend une telle ampleur en France?

Pourquoi le conflit entre Uber et les taxis prend une telle ampleur en France? - Kenzo Tribouillard - AFP

Pourquoi les taxis paient si cher leur licence? Sont-ils plus vertueux avec le fisc? Le service UberPOP est-il illégal? BFMBusiness vous aide à y voir plus clair

Les images de voitures retournées, de tas de pneus en feu, de chauffeurs agressés ont fait le tour du monde. Si la compagnie américaine Uber suscite l’émoi partout où elle s’installe il n’y a qu’en France qu’elle déchaîne autant les taxis. Pour quelles raisons la situation a à ce point dérapé dans l’Hexagone? Tentative d’explication en cinq points pour battre en brèche quelques idées reçues.

1. Pourquoi le prix des licences de taxis est faramineux ?

C’est le nœud du problème. Les taxis s’étranglent car ils sont obligés pour exercer leur profession, du moins pour les artisans taxis indépendants, de posséder une "licence de stationnement" (la fameuse licence ou plaque comme ils l’appellent). Elle leur permet de stationner sur la voie publique et de marauder c’est-à-dire de se faire héler dans la rue. Or cette licence est délivrée au compte-goutte par les autorités compétentes (la préfecture de police à Paris, les mairies en province). Il faut ainsi attendre 18 ans en moyenne à Paris entre l’inscription sur la liste d’attente (ils sont plus de 6.500 à ce jour sur la liste d'attente) et l’obtention de ladite plaque.

Pour décider de l’émission de nouvelle licence, les autorités consultent des commissions communales ou départementales qui elle-même s’appuient sur un "indice d’activité" qui prend en compte entre autres le PIB par habitant, la croissance du trafic des gares et aéroports, les nuitées d’hôtel... Ça c’est pour la théorie, en pratique c’est le fait du prince (fortement influencé par les lobbys des taxis) puisque par exemple entre 1990 et 2002, aucune nouvelle licence n’a été attribuée alors que le PIB de la région grimpait de 17% et celui du trafic aéroportuaire de 49% peut-on lire dans Le Nouvel Obs.

A cause de ce numerus clausus, il y a quatre à cinq fois moins de taxis à Paris qu’à Londres ou New York. Le résultat de cette pénurie c’est que les aspirants taxis sont obligés de racheter des licences à des artisans qui partent en retraite. Des licences qui se négocient entre 200.000 et 230.000 euros à Paris (300.000 euros dans certaines grandes villes de province comme Nice et jusqu’à 400.000 pour les taxis affiliés à l’aéroport d’Orly !). En face, un VTC paie 100 euros pour avoir sa licence (les frais de dossier).

2. Les taxis ont-ils tous acheté leur plaque ?

Non, seuls les artisans taxis, soit les indépendants de la profession, se sont effectivement acquittés de leur plaque. Ils représentent par exemple à Paris à peine 43% des effectifs de la profession soit 7.500 sur 17.500 taxis. Les autres sont affiliés à des compagnies de taxis qui ont accumulés des plaques qui leur d'employer des chauffeurs qui, en retour, leur versent un loyer. A Paris par exemple, où la compagnie G7 (aussi propriétaire des Taxis Bleus) a un quasi-monopole sur la profession, les chauffeurs lui reverseraient aux alentours de 4.500 euros par mois. Plus 400 euros pour disposer d’une radio dans le taxi qui permet d’être appelé à tout moment. Pour payer les charges et se sortir un salaire, il faut travailler de très nombreuses heures. D’où l’exaspération de certains.

3. Les taxis sont-ils plus vertueux avec le fisc ?

Ils l’assurent en tout cas pointant le fait que les revenus d’Uber ne sont pas taxés et partent dans sa filiale aux Pays-Bas. La société fait certainement de l’optimisation fiscale mais ses revenus (et non ses bénéfices) ne représentent que 20% de la somme facturée à l’utilisateur, soit la commission prélevée sur le paiement de la course. Le reste, l’argent encaissé par le chauffeur, est déclaré pour la bonne et simple raison que les paiements s’effectuent par carte bancaire. Et ce que ce soit Uber X (le service de VTC) ou Uber Pop. Il n’y a jamais d’espèce dans ces véhicules. Ce qui est le plus souvent le cas dans les taxis dont seule une minorité acceptent de posséder un terminal de paiement... Et le compteur qui tourne à l’avant du véhicule ne garantit évidemment pas que la somme sera déclaré. Le fisc, à la différence de ce qui se pratique dans certains pays comme l’Allemagne, n’a pas accès à ces appareils qui se contentent d'établir le montant de chaque course. 

4. Le service Uber est-il légal en France ?

La profession de VTC n’est pas interdite. Les chauffeurs professionnels qui ne possèdent pas de licence de stationnement ne peuvent pas marauder soit prendre des clients dans la rue. A part ça pas de problème pour eux. En revanche, l’application UberPOP n’est, elle, pas légale en France et ce depuis la loi Thèvenoud entrée en vigueur le 1er janvier 2015. Pourquoi alors le patron d’Uber France assurait cette semaine sur BFMBusiness qu’UberPOP allait continuer? Parce que la société américaine a engagé des recours auprès de la justice et dans l’attente d’une décision du Conseil constitutionnel, la cour de cassation refuse de suspendre le service.

5. Les chauffeurs Uber sont-ils assurés ?

Ça fait partie des principales critiques des taxis. Les passagers prennent des risquent en prenant un VTC. Encore une fois il convient de distinguer les VTCistes professionnels des chauffeurs occasionnels d’UberPOP. Les premiers ont la même couverture que les taxis : leur assurance responsabilité civile circulation et exploitation couvre les dégâts matériels et les dommages aux personnes transportées. En revanche c’est plus complexe pour les UberPOP. Ces derniers ne sont pas couverts pour leurs passagers sauf s’ils prennent le statut d’autoentrepreneur (Uber les oblige à le faire mais ne vérifierait pas) qui leur permet de prendre une assurance en responsabilité civile professionnelle. Ce que tous ne font pas.

Le numerus clausus des taxis, un péché originel qui date de 1937

Pour le comprendre il faut remonter à la crise de 1929. Durement touché par le chômage, des nombreux Français se précipitent vers la profession de taxi (alors totalement libre) et leur nombre passe de 15.000 en 1923 à 25.000 en 1932. Or, en 1934, des grèves de taxis suite à la hausse du prix du carburant font deux morts dans la profession et le Front Populaire légifère en 1937 et instaure le fameux numerus clausus qui limite le nombre de taxis à 14.000 afin d’assurer un minimum de rentabilité au secteur. Elle crée aussi la police des taxis, les fameux Boers.

Les licences sont gratuites mais déjà peu nombreuses et les chauffeurs qui souhaitent s’installer commencent à payer des dessous de table délicieusement baptisés "pas de portière" à des taxis souhaitant se retirer. Une pratique initialement illégale mais tellement répandue qu’en 1963 la Cour de cassation, saisie, l’autorise. Cette autorisation obtient force de loi en 1995. Le législateur autorise alors sous certaines conditions le titulaire d’une licence à présenter à présenter à l’autorité compétente un successeur à titre onéreux. Depuis le prix de la licence n’a pas cessé d’augmenter.

Les tarifs des taxis ont explosé en 7 ans

Si les usagers se tournent de plus en plus vers les services du type UberPOP c’est que le taxi ça devient de plus en plus cher. Selon le magazine Challenges, depuis six ans, les tarifs (qui sont décidés par le législateur) ont augmenté nettement plus vite que l’inflation. La hausse atteint 22,75% depuis 2008 quand le même temps le Smic progressait d’à peine 11,1%. Au final, calcule l’hebdomadaire, la même course facturée 50 euros le 1er février 2008, coûte 61,4 euros en 2015.

Frédéric Bianchi