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TDF: il y a une vie après le LBO

Les fonds qui avaient racheté TDF en 2007 ont perdu 1,3 milliard d'euros

Les fonds qui avaient racheté TDF en 2007 ont perdu 1,3 milliard d'euros - TDF

"Il y a un an, le diffuseur de chaînes de télévision est sorti du LBO en étant racheté par des fonds investissant à plus long terme. "

Il y a un an, TDF a entamé une nouvelle vie. L'ex-TéléDiffusion de France a changé de propriétaire. Certes, il reste toujours détenu par des fonds. Mais ce sont désormais des fonds investissant dans des infrastructures, et plus des fonds de LBO (leverage buy out, ou rachat par endettement). "TDF n'est plus sous LBO", souligne la société.

Autrement dit, l'horizon de sortie des nouveaux propriétaires est plus lointain, et leur exigence de rentabilité moins élevée: 10% à 12%, contre 15% à 20%. Ils ont ainsi autorisé TDF à investir plus. Le télé-diffuseur va donc se lancer dans la construction de réseaux en fibre optique pour les collectivités locales, et répond d'ores et déjà à un premier appel d'offres, dans le Val d'Oise.

Sortie du junk

Surtout, la dette supportée est moins élevée. Elle s'élève désormais à 3,7 fois l'excédent brut d'exploitation (Ebitda), contre 7,5 fois auparavant. Conséquence: cette dette est mieux notée par les agences: BBB- contre B chez Standard & Poor's. La note est ainsi sortie de la catégorie junk pour entrer en catégorie d'investissement. Résultat: le taux d'intérêt payé a aussi chuté, passant de 7% à 2,5%. Et les intérêts de cette dette n'absorbent plus que 40 millions d'euros par an, soit 7 fois moins qu'auparavant. 

TDF en a profité pour refinancer sa dette. Les emprunts bancaires ont été remboursés au profit d'obligations. En octobre a été levée une première tranche de 600 millions d'euros à rembourser en 2022. Une seconde tranche de 800 millions d'euros à échéance 2026 vient de suivre. 

Diversifications mitigées

Pourtant, TDF revient de loin. Son coeur de métier historique, la diffusion terrestre de chaînes de radio et de télévision, a subi à la fois l'ouverture à la concurrence, et l'évaporation de pans entier de chiffre d'affaires, comme la disparition de la télévision analogique en 2011 (-300 millions d'euros). Et ce n'est pas fini. L'arrêt de la diffusion de la télévision en simple définition, intervenu le 5 avril, fait encore disparaître 55 millions d'euros.

Certes, TDF a bien essayé de se diversifier, mais avec un succès mitigé. La télévision mobile est mort-née. La télévision en ultra-haute définition tarde à naître (TDF espère de premiers tests en 2017). Et la radio numérique nait dans la douleur, et n'a rapporté que 700.000 euros de chiffre d'affaires l'an dernier.

En revanche, la diversification dans les télécoms a plutôt réussi, tant et si bien que les opérateurs assurent aujourd'hui 41% du chiffre d'affaires. En pratique, TDF propose aux opérateurs mobiles d'utiliser ses pylônes pour installer leurs antennes. Et la tendance est à la hausse avec le déploiement de la 3G, de 4G, et du réseau de Free. Toutefois, SFR n'a pas renouvelé l'an dernier le contrat de maintenance confié à TDF, mais un accord amiable a été trouvé au désaccord sur l'investissement dans les antennes.

47% de marge

Malgré ce déclin du chiffre d'affaires, la rentabilité reste élevée: la marge brute d'exploitation est toujours à 47%. 

Explication: les coûts ont été réduits, et notamment les effectifs. L'an dernier, un accord de gestion prévisionnelle des emplois et compétences, d'un coût de 27 millions d'euros, a été adopté pour réduire d'ici fin 2017 -essentiellement via des préretraites- l'effectif de la maison-mère TDF SAS entre 1.220 et 1.260 salariés, soit deux fois moins qu'il y a dix ans. Et un plan de départs volontaires portant sur 70 postes et coûtant 3,5 millions d'euros vient d'être adopté chez Smartjog et Arkena (ex-Cognaq Jay Images). 

Au plus haut de la bulle

Au final, TDF s'est avéré une bien mauvaise affaire pour les fonds de LBO qui l'avaient racheté en 2007. On était alors au plus haut de la bulle, et la valorisation (6 milliards d'euros) était très élevée (12,5 fois l'excédent brut d'exploitation).

Ces fonds ont remis en vente TDF en 2013, mais le processus fut laborieux. N'arrivant pas à trouver un acquéreur pour tout le groupe, ils décidèrent de le vendre à la découpe. Les filiales en Allemagne, en Espagne, en Hongrie, aux Pays-Bas et en Finlande ont été vendues successivement. L'Allemagne a même été vendue à perte, avec une moins-value de 340 millions d'euros.

Optimisation fiscale

Après cela, il ne restait donc plus que les activités en France et en Estonie, qui ont finalement été rachetées il y a un an pour 3,56 milliards d'euros (soit 9,5 fois l'excédent brut d'exploitation), moins que les 4 milliards initialement espérées. Au total, les anciens propriétaires ont perdu 1,3 milliard d'euros entre la valorisation de 2007 et le produit des ventes. Parmi eux figure la BPI, qui a souhaité sortir du capital, nonobstant le caractère stratégique de TDF...

Le consortium qui a racheté la France est mené par le fonds Brookfield. D'origine canadienne, ce fonds est visiblement un adepte de l'optimisation fiscale: il a son siège aux Bermudes, et détient sa participation dans TDF via BIF Tivana SARL, société immatriculée au Luxembourg et détenue par une autre filiale située aux îles Barbades... Le consortium est complété par des fonds britanniques et néerlandais, mais aussi une filiale du Crédit Agricole. En effet, les nouveaux propriétaires ont tenu, pour des raisons politiques, à avoir un actionnaire français dans le tour de table... 

La répartition du chiffre d'affaires de TDF (en millions d'euros, en 2015)

Télévision numérique: 218,5 (31%)
Radio: 132 (18%)
dont     FM: 97 (14%)
            AM: 20 (3%)
            numérique: 0,7 (0%)
Télécoms: 350 (41%)
dont     hébergement de sites 258 (36%)
Services médias: 56 (8%)

Total: 713 (100%)

Source: comptes de TDF

Les chiffres clés de TDF

Chiffre d'affaires (en millions d'euros, retraité)
Avril 2010-mars 2011: 832
Avril 2011-mars 2012: 793
Avril 2012-mars 2013: 771
Avril 2013-mars 2014: 743
Avril 2014-mars 2015: 734
Janvier 2015-décembre 2015: 713

Marge brute d'exploitation (en millions d'euros, retraité)
Avril 2013-mars 2014: 359
Avril 2014-mars 2015: 373
Janvier 2015-décembre 2015: 337

Résultat opérationnel (en millions d'euros, retraité)
Avril 2013-mars 2014: +185
Avril 2014-mars 2015: +185
Janvier 2015-décembre 2015: +146

Résultat net (en millions d'euros)
Avril 2013-mars 2014: -62
Avril 2014-mars 2015: -355
Avril 2015-décembre 2015: -36

Parts de marché (en volume, à fin 2015)
Transmission TNT: 67%
Accès TNT (hébergement): 81% 
Radio FM: 57%

Effectif du groupe
Fin mars 2014: 3.102 dont France 1.993
Fin mars 2015: 2.155 dont France 1.917 
Fin décembre 2015: 2.059 dont France 1.840

Effectif de TDF SAS 
2004: 2.914
2008-2009: 2.416
2013-2014: 1.677
Fin mars 2015: 1.537
Fin 2017: 1.220 à 1.260

Actionnaires
De 2007 à 2015:
TPG Capital: 41,57%
Bpifrance Participations (ex-FSI): 23,99%
Ardian (ex-Axa Private Equity): 17,74%
Charterhouse Capital Partners: 13,87%
Autres: 2,83%

Depuis 2015: 
Brookfield Asset Management (fonds canadien): 45%
Public Sector Pension Investment Board (fonds de pension des fonctionnaires canadiens): 22,5%
APG (fonds de pension néerlandais): 22,5%
Predica (filiale du Crédit Agricole): 10%
NB: le fonds britannique Arcus détient une participation indirecte

Source: comptes de TDF

Jamal Henni