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Télécom: Taïg Khris veut faire de sa start-up un opérateur sans frontières

Avec sa nouvelle appli, l'ex-rollerskateur Taïg Khris veut révolutionner les télécoms sans détruire leur modèle.

Avec sa nouvelle appli, l'ex-rollerskateur Taïg Khris veut révolutionner les télécoms sans détruire leur modèle. - OnOff

L'ex-champion du monde de roller lance une application baptisée OnOff qui permet la portabilité sans limite des numéros de téléphone. Elle permet d'émettre et de recevoir des appels et des SMS partout sur la planète avec le numéro de son choix.

Pour sa reconversion, Taïg Khris n’a pas choisi le business le plus simple. Le triple champion du monde de roller sur rampe s’est lancé dans les télécoms avec un concept si simple que personne avant lui n’avait eu l’idée de le développer: le numéro de téléphone virtuel qui, comme une adresse mail, peut être utilisé depuis n'importe quel smartphone. Une simple appli suffit pour disposer d’autant de numéros que l’on veut sur un même smartphone ou d'une même numéro sur plusieurs smartphones, pour un tarif unitaire de 3 euros. Déjà accessible dans une dizaine de pays, ce service en touchera une cinquantaine en 2017.

Cette version marquait déjà une rupture avec le modèle traditionnel, mais avec cette nouvelle version, Taïg Khris va plus loin. Il permet à n'importe qui d'interrompre son abonnement auprès d'un opérateur classique et de transférer le numéro sans que ni SFR, ni Bouygues, ni Free, ni Orange, ne puissent s'y opposer. OnOff est en effet déclaré auprès du régulateur comme un opérateur officiel soumis à la réglementation des télécoms.

Et ce n’est qu’un début. Dans quelques mois, il sera même possible d’obtenir la portabilité d’un pays à un autre sans perdre l’usage de sa ligne d’origine tout en émettant un appel local.

Ce service vise avant tout les geeks, mais aussi les professionnels qui utilisent plusieurs appareils et autant de forfaits téléphoniques qui pourront ainsi réduire leur facture. Il peut également séduire les voyageurs qui pourront disposer d'un numéro local quel que soit le pays et donc payer en conséquence. Entretien avec le fondateur de OnOff.

La portabilité virtuelle, qu’est-ce que c’est ?

C’est un moyen de porter le numéro de sa carte SIM physique dans le Cloud. Avec notre appli, cette portabilité s’effectue en un clic. Jusqu'alors, cette opération était compliquée et nécessitait des démarches administratives. Nous avons simplifié le processus. Avec l’appli, il suffit d'inscrire son numéro et le code RIO (Relevé d'Identité Opérateur), puis de cliquer. L’opération s’effectue en trois jours selon les règles imposées par le régulateur. Mais on peut aussi programmer cette portabilité à la date de son choix. On peut planifier au jour près pour passer d’un abonnement d’une trentaine d’euros, à notre modèle qui coûte 3 euros.

C’est une manière d’ubériser les opérateurs. Même Skype et WhatsApp n’ont pas osé le faire...

En fait, ils ne peuvent pas puisqu’ils refusent d'être régulés. Nous, nous sommes un opérateur légal présent dans une dizaine de pays et nous sommes la seule appli au monde à avoir ses propres tranches de numéros auprès des opérateurs qui se réjouissent de voir une application qui respecte le droit des télécoms. C’est d’ailleurs pour cela qu’aucun d'entre eux ne cherche à nous bloquer. Nous sommes un concurrent légal et la portabilité est une obligation légale. D’ailleurs, si un client a créé son propre numéro chez OnOff, il peut également le conserver pour aller chez Orange, Free, SFR ou Bouygues. Nous jouons le jeu avec les mêmes règles.

Vous vous définissez comme un concurrent et non comme un ennemi ?

En effet, nous ne sommes pas contre eux, comme peuvent l’être les services de VOIP (voix sur Internet) comme Skype ou WhatsApp qui leur piquent le trafic sans payer quoi que ce soit et sur lesquels ils n’ont aucun contrôle. Et nous partageons nos revenus.

Vous donnez également un accès aux appels d’urgence comme l’Arcep l’exige?

Pas pour l’instant, mais l’Arcep l’accepte puisque si nous ne vendons pas de carte SIM, l’utilisateur conserve celle de l’opérateur pour appeler, au cas où, un numéro d’urgence. En composant un appel, OnOff passe par la SIM physique. Nous sommes, comme Spotify, Deezer ou Netflix, un service à valeur ajoutée qui permet aux opérateurs de fidéliser leurs clients. C’est notre modèle et d’ailleurs, nous avons signé un accord historique dans les télécoms avec le groupe Ooredoo, un opérateur présent dans 12 pays avec plus de 100 millions de clients dans le monde. Le détail de l’offre internationale que nous créons avec eux sera dévoilé en février 2017.

Pourquoi ne pas avoir signé avec Orange, Free, SFR ou Bouygues ?

Nous sommes en train de négocier avec eux, mais nous n’avons encore rien signé. Ils nous connaissent depuis la création de OnOff, mais ils ont préféré nous observer pour l'instant. Je les comprends, ils me voyaient comme un sportif qui ne sortait pas du sérail des télécoms. Ils n’allaient pas prendre le risque de mettre leur base d’abonnés chez une petite start-up. Aujourd'hui, ils me prennent au sérieux. Nous sommes passés de la start-up à une véritable entreprise du numérique, comme l'est par exemple DropBox.

Vous avez réalisé des levées suffisantes pour stabiliser financièrement votre projet?

Depuis notre création il y a deux ans, nous avons levé 6 millions d’euros. Nous avons embauché une quarantaine de personnes et nous continuons à un rythme d’un à deux par semaine. En 2017, nous aurons recruté une centaine d’ingénieurs. Nous sommes désormais suffisamment solides pour lever les craintes des "traditionnels". D’ailleurs, nous ne sommes plus perçus comme un ennemi numérique, mais comme un allié. C’est ce que nous leur avons prouvé. La portabilité est un défi qu’ils nous ont demandé de relever. Nous nous sommes engagés à le faire par écrit et nous sommes les premiers au monde à l’avoir fait. 

Cela nous aura pris des années de développement et cela nous a coûté quelques millions d’euros. Ce n’est pas cher payé pour devenir un Virgin Mobile de dimension mondiale. Mais, à la différence d’un MVNO classique, nous n’achetons pas de minutes pour les revendre. Nous utilisons les ressources des opérateurs en les rémunérant. Nous sommes un véritable Uber des télécoms à une différence près: nous ne détruisons pas le modèle de nos concurrents.

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco