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Transports

Trains et autoroutes: voici les nouvelles priorités d'ici à 2038 

Le rapport du conseil d'orientation des infrastructures propose de faire un tri parmi les principaux projets à réaliser dans les vingt ans qui viennent, remis à plus tard ou abandonnés. Et pour les financer, les poids-lourds seraient mis à contribution.

La France des grands travaux d'infrastructure de transport est à l'heure des choix alors que la Cour des comptes a dénoncé le dérapage du Grand Paris Express. La ministre des Transports a sur son bureau le rapport de Philippe Duron, ex-député socialiste, concernant les projets ferroviaires et routiers qui pourraient être réalisés d'ici 2037, décalés ou abandonnés (cf encadré ci-dessous) selon le conseil d'orientation des infrastructures (COI) qu'il copréside.

Dans son rapport remis à Élisabeth Borne, le COI propose trois scénarios, en fonction des capacités budgétaires possibles de l'État, le reste du financement devant être apporté par les collectivités locales et/ou le privé. 

Le premier, le moins favorable aux grands travaux, recense ce qui est envisageable si l'État investit 48 milliards d'euros sur 20 ans, ce qui correspond peu ou prou au maintien du budget actuel. Ce premier scénario condamne de nombreux grands projets d'infrastructure, permettant à peine de rénover l'existant. D'autant que l'État s'est déjà engagé à apporter 10 milliards d'euros pour des opérations en cours. 

Un scénario taillé pour satisfaire les priorités du pouvoir

La deuxième hypothèse est beaucoup plus favorable aux grands travaux puisqu'elle fixe un budget d'environ 60 milliards pour l'État, toujours sur 20 ans. "Bâti pour permettre de satisfaire les priorités du président de la République", selon le document qui affiche clairement sa préférence pour ce scénario, celui-ci devrait permettre de rénover les réseaux ferroviaire et routiers et améliorer les déplacements quotidiens dans et entre les métropoles du territoire. Enfin, le troisième, est très volontariste en matière d'engagements de travaux mais sa facture totale s'élève à 80 milliards d'euros, ce qui est très exigeant (et contraignant) pour les finances publiques. Ces trois scénarios correspondent à des augmentations de respectivement 25%, 55% et 100% sur la dépense moyenne de la période 2012-2016.

Quel que soit le scénario retenu, le Conseil propose de saucissonner la réalisation des infrastructures envisagées, en étalant les travaux dans le temps, notamment en ce qui concerne les créations de nouvelles lignes ferroviaires. Ce phasage des réalisations permettra-t-il de calmer l'impatience des élus concernés ayant promis à leurs administrés des améliorations à venir ?

De nombreux projets "saucissonnés" dans le temps ?

Il en est ainsi du projet de LGV entre Bordeaux et Toulouse. Les travaux de la section Agen-Toulouse pourraient être engagés sur la période 2033-37 avec le premier scénario, en 2028-2032 avec le deuxième (à condition de ne pas construire Montpellier-Béziers) et en 2023-27 avec la troisième hypothèse. Et le tronçon Bordeaux-Agen viendrait plus tard.

Pour trouver des fonds supplémentaires nécessaires au financement des travaux d'infrastructures à venir, le COI propose surtout d'"aller vers un meilleur recouvrement des coûts auprès des utilisateurs". Concrètement, le rapport suggère essentiellement de passer, selon lui, par l'affectation aux transports d'une part plus importante des recettes de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (Ticpe) et, pour les transports publics, une augmentation des prix des billets.

Vers une vignette pour les camions et les utilitaires ?

Mais la suggestion la plus innovante consiste en l'instauration d'une vignette (baptisée "redevance temporelle") qui viserait les poids lourds et véhicules utilitaires de livraison. Les véhicules étrangers circulant sur le réseau routier français seraient aussi concernés. "Elle rapporterait chaque année, 320 millions d'euros, pour les seuls poids lourds" a évoqué l'ex-député Philippe Duron, dans un entretien au Parisien.

Devant ces propositions de ponction supplémentaire, la fédération nationale des transports routiers (FNTR) a déjà effectué un premier tir nourri de barrage. "A l'heure où nous avons le gazole le plus cher d'Europe, nous exprimons notre opposition la plus ferme à toute taxation supplémentaire d'un seul mode de transport routier qui aurait pour conséquence d'handicaper la compétitivité de nos entreprises et leur capacité à poursuivre les efforts considérables engagés pour mener à bien la transition énergétique" ont déclaré de concert Jean-Christophe Pic, président de la FNTR et Yves Fargues, président de l'Union TLF.

La ministre Élisabeth Borne doit annoncer ses choix fin février 2018, un calendrier de réalisation de tous ces projets devant être inscrit dans une loi d'orientation des mobilités, promise pour avril 2018. Le Parlement aura ensuite le dernier mot. 

Les projets d'infrastructure confirmés, étalés dans le temps ou abandonnés

Voici une sélection des quelques grands projets ferroviaires et routiers qui pourraient être réalisés d'ici 2037, remis à plus tard ou abandonnés, selon le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) dans son rapport au gouvernement. Le transport aérien n'est pas concerné par l'étude du COI, de même que certains projets présentés comme étant actés par ailleurs: canal Seine-Nord, métro du Grand Paris Express, liaison ferroviaire CDG Express et tunnel franco-italien du Lyon-Turin.

1.Réalisations jugées prioritaires:

-Aménagement de la gare Saint-Lazare à Paris, puis réalisation de Paris-Mantes pour la liaison Paris-Normandie (qui reste parmi les priorités)

-Ligne à grande vitesse (LGV) Bordeaux-Toulouse: aménagement des sorties de Bordeaux et Toulouse, puis tronçon Agen-Toulouse

-Aménagement de la route centre Europe atlantique (RCEA) en Allier et en Saône-et-Loire (A79, N70, N79 et N80)

-Contournement autoroutier de Rouen (A133 et A134)

-Réaménagement de l'A31 en Lorraine

-Achèvement de l'axe Rouen-Orléans, dans l'Eure-et-Loir (A154): prioritaire, sous forme d'autoroute concédée

2.Réalisations jugées non prioritaires:

-LGV Bordeaux-Dax: remise à beaucoup plus tard

-Achèvement de la LGV Rhin-Rhône: remis à beaucoup plus tard

-Prolongement de la LGV entre Béziers et Perpignan : pas prioritaire

-Projet d'autoroute A45 entre Saint-Etienne et Lyon : poursuite du débat et d'études complémentaires

-Contournement autoroutier de Bordeaux: remis à beaucoup plus tard.

-Contournement autoroutier de Lyon: remis à beaucoup plus tard

3.Réalisations abandonnées:

-Pas de LGV de Paris vers Orléans, Clermont-Ferrand et Lyon (POCL).

-Pas de réouverture de la voie ferrée Pau-Canfranc-Saragosse (Espagne) par le tunnel pyrénéen du Somport.

-Pas de contournement routier sud-est de Lille.

Frédéric Bergé avec AFP