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Transition énergétique et compétitivité: quels investissements en Europe?

Les pays européens ont choisi des mix énergétiques très différents.

Les pays européens ont choisi des mix énergétiques très différents. - -

La Commission Européenne a défini en mars dernier "un cadre pour les politiques en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030". Mais au-delà de ce cadre, chaque pays fixe sa politique. Le cabinet Kurt Salmon s'est penché sur l'Espagne, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Comment le système énergétique peut-il au mieux contribuer à la compétitivité de l'UE? Comment tenir compte des différences dans la capacité d'action des États membres? A l'heure où l'Europe réagit en ordre dispersé à la transition énergétique, le cabinet de conseil Kurt Salmon, en partenariat avec HEC Paris, est allé observer ce qui se passe chez nos voisins.

Les résultats de cette étude sont présentés ce lundi 25 novembre à l'occasion de l'Université Total consacrée à la transition énergétique et ses perspectives internationales. Ils montrent clairement des stratégies différentes.

Les trois pays retenus dans cette étude sont emblématiques. L'Espagne, l'Allemagne et le Royaume-Uni présentent tous un bilan énergétique très différent avec des bouquets très disparates.

Berlin prend une longueur d'avance. L’Energiewende constitue bel et bien un tournant historique pour l’Allemagne. Elle présente d’ores et déjà des transformations substantielles de son offre en énergie, avec ce choix de la montée en puissance des énergies renouvelables.

Le Royaume-Uni a mis en place une stratégie de décarbonisation sur le long terme. Première étape: la relance par le programme nucléaire.

Du côté de l'Espagne, c'est l'échec économique qui prédomine. Soutenir les énergies renouvelables n'a pas donné le résultat escompté, et aucune relance du projet de transition énergétique ne semble envisageable sans une véritable réforme structurelle du secteur électrique. Madrid se trouve donc confrontée à de lourdes difficultés de restructuration avec une dette cumulée de 26 milliards d’euros de son secteur électrique.

Engagement plus ou moins fort de l'Etat

C'est pourquoi l'étude s'attarde plus longtemps sur le Royaume-Uni et l'Allemagne. Deux approches du financement de la transition énergétique s'opposent.

Londres fait porter l’essentiel du risque aux investisseurs privés pour le financement de ses infrastructures. Ces besoins en investissements s'élèvent à 130 milliards d'euros. Or, le gouvernement a décidé de limite sa prise de risque public pour les politiques de décarbonisation à 11 milliards d’euros à l’horizon 2022.

Il s'agit avant tout de miser sur la productivité afin de consolider la compétitivité prix du pays. Les grands axes retenus sont la sortie du charbon, le développement de cycles combinés à gaz, et la relance du nucléaire dans la prochaine décennie, avec une option désormais ouverte pour un recours aux gaz de schiste.

Le Royaume-Uni s'est fixé pour objectif ambitieux de réduire de 80% ses émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2050 par rapport à l’année 1990.

Changement de modèle?

L'Allemagne prend des risques beaucoup plus lourds: Berlin compte investir 400 milliards d'euros et mise sur tous les leviers, industriels, bancaires, financiers, voire dette publique. Cette somme correspond à un tiers de l’effort engagé pour la réunification de l’Ouest et de l’Est. Le développement des énergies renouvelables représente la plus grosse part des investissements: 200 milliards euros entre 2010 et 2020.

Depuis les années 2000, le gouvernement allemand s'appuie largement sur la contribution des consommateurs, à hauteur de 40% de la capacité. Mais il est impossible d'accentuer davantage la pression.

Le projet politique en négociation propose de coupler la politique énergétique aux marchés financiers, et en particulier à la restructuration du secteur bancaire allemand à travers le conditionnement des apports de recapitalisation par l’État fédéral.

Un programme d’attractivité des investisseurs privés, y compris internationaux est aussi envisagé, ainsi que la mise en place de garanties d’État sur marché obligataire. Des représentants du SPD ont même avancé l’option du recours à la taxation des transactions financières.

Quid de l'endettement public?

Mais sera-t-il envisageable dans ces conditions de maintenir le frein sur l'endettement public, qui sera introduit dans la Constitution allemande à partir de 2016? Une relance fiscale est-elle envisageable? Il est encore trop tôt pour parler de changement de modèle, explique Céline Alléaume, senior manager Utilities&Industry chez Kurt Salmon. L'Allemagne cherche la compétitivité structurelle mais à terme basculera-t-elle vers un nouveau modèle de croissance?

Il n’existe toutefois pas d’étude de référence concernant l’impact de la transition énergétique sur l’emploi. "La mesure précise des mouvements en termes de transferts, création, et destructions d’emploi entre les secteurs conventionnels et les secteurs d’innovation devrait à l’évidence constituer un des critères de décision de la puissance publique", conlue l'étude de Kurt Salmon.

Nathalie Croisé de BFM Business