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Transport aérien : le chinois Comac peut-il déstabiliser Boeing ?

Les premières livraisons de l'avion chinois C919 sont attendues en 2021.

Les premières livraisons de l'avion chinois C919 sont attendues en 2021. - STR / AFP

Si tous les signaux sont au vert pour Airbus, Boeing traverse un sérieux trou d’air. Le jeune constructeur chinois Comac espère bien en profiter pour en fissurer le duopole historique.

Peu de secteurs technologiques échappent encore à la domination chinoise. Le transport aérien, largement dominé par Airbus et Boeing fait d'ailleurs partie des marché dominés, sans partage, par les Européens et les Américains. Pour combien de temps ? Pékin s’est lancé, il y a une vingtaine d’année, dans la course avec pour finalité la création, en 2008, de Comac (Commercial Aircraft Corporation of China). L’ambition du constructeur chinois est claire : en finir avec le duopole euro-américain et devenir l’acteur majeur d’un secteur très lucratif.

« Le marché aérien se porte bien, très bien même » témoigne Paul Chiambaretto, professeur à la Montpellier Business School et spécialiste du secteur. En 2017, plus de 4 milliards de passagers ont été transportés en avion, un record. Les taux de croissance de ce marché atteignent 8 à 9% en Asie et le secteur a renoué avec les bénéfices. Pour Airbus et Boeing, qui représentent 85 à 90% des commandes, cela augure donc de belles années à venir. Et pour Comac, une belle opportunité…

Un seul appareil en service

Pour le moment, Comac ne propose qu’un seul appareil pleinement opérationnel : l’ARJ21, un biréacteur de 70 à 90 places, capable de voler sur 3700 km… en Chine uniquement, faute de remplir les conditions nécessaires pour voler en Europe ou aux Etats-Unis. Il n’empêche, les compagnies locales enchainent les commandes pour cet avion régional qui concurrence, en réalité, surtout Bombardier en Chine.

La véritable offensive chinoise s’appelle plutôt le C919. Cette fois, il s’agit de marcher sur les platebandes de l’Airbus A320 et du Boeing 737. Capable de transporter 168 passagers sur 5 500 km, il a effectué son premier vol, l’année dernière. Le 26 juillet dernier, un troisième prototype a réalisé de nouveaux essais avec l’objectif ambitieux d'être opérationnel dès 2021. Le trou d’air que connait actuellement Boeing serait même une belle opportunité pour Comac, qui a déjà rempli ses carnets de commande.

A y regarder de plus près, ce sont principalement des compagnies chinoises qui ont ouvert leurs carnets de commande (environ 720 engins commandés). Ou plutôt des entreprises publiques de leasing : une douzaine de banques et d’assureurs ont été incités à développer des filiales de leasing pour acheter l’avion chinois, subventionné par l’Etat central. Un remplissage forcé qui laisse penser que le C919 n’a pas vraiment convaincu…D’autant plus que les certifications à l’étranger, forcément politiques, mettront du temps à être accordées.

Poids de la régulation

En parallèle, la Chine s’est alliée à la Russie pour créer le joint-venture CRAIC (China-Russia Commercial Aircraft International Corporation). Le but, développer le CR929, censé concurrencer l'A350 et le B787. Là encore, l’appareil n’est pas attendu avant au moins 10 ans… Là encore, l’enjeu se situe au niveau de la certification, dans le contexte de guerre commerciale et de conflit idéologique entre deux blocs.

Sur ce plan, la crise du 737 MAX a d'ailleurs été une bonne opportunité pour Pékin qui a rapidement interdit de vol l’avion en question après les deux accidents. Surtout, elle l'a fait avant l'Agence européenne de la sécurité aérienne, qui hésitait encore à se ranger derrière la Federal Aviation Administration américaine qui cherchait à protéger Boeing de la crise. En ce sens, la Chine a démontré sa crédibilité face aux concurrents européens et américains. De la même façon, Pékin a bien l’intention de monnayer son marché en pleine expansion contre une meilleure place de la Civil Aviation Administration of China (CAAC) sur l’échiquier mondial. En clair, le duopole devra lâcher du lest s'il veut toujours une part du gâteau chinois. Pour Comac, et donc Pékin, c'est une première étape avant de s’attaquer frontalement au marché du transport aérien. 

Thomas LEROY