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Travail le dimanche: des marques tentées de contourner la loi

Les démonstrateurs officiant dans les grands magasins le dimanche ne sont pas couverts par des accords syndicaux. (image d'illustration)

Les démonstrateurs officiant dans les grands magasins le dimanche ne sont pas couverts par des accords syndicaux. (image d'illustration) - Ludovic Marin - AFP

Maillons essentiels des grands magasins, les démonstrateurs, ces salariés des marques qui officient sur les stands ne sont pas encore tous couverts par un accord sur le travail dominical.

Un an et demi après la loi Macron, tous les grands magasins parisiens sont désormais dotés d’un accord leur permettant d’ouvrir tous les dimanches. Mais ces textes ne couvrent que leurs propres salariés. Or, les démonstrateurs peuvent représenter jusqu’à 80% du personnel présent, comme au Printemps Haussmann. Aux Galeries Lafayette, où le magasin amiral du boulevard Haussmann est ouvert chaque dimanche depuis le 8 janvier, la question se fait pressante. À tel point que des marques, à défaut d’avoir pour l’instant conclu un accord, sollicitent auprès de la préfecture des dérogations à la règle du repos dominical.

Pour le Clic-P, un collectif de syndicats du commerce parisiens opposés à la généralisation du travail dominical, elles essaient tout bonnement de "contourner la loi". Or, celle-ci est claire: "pas d’accord, pas d’ouverture le dimanche" rappelle le Clic-P (SUD Commerce, CGT, Seci-Unsa et SCID). En effet, selon la loi Macron d’août 2015, l’ouverture des magasins tous les dimanches et en soirée dans les zones touristiques internationales (ZTI), ce qui est le cas pour les grands magasins parisiens, est subordonnée à la conclusion d’un accord avec les organisations syndicales.

Des "pressions" seraient exercées sur certaines enseignes 

Pour résoudre la difficulté, la succursale française de la société Giorgio Armani Retail SRL, qui n’a pas trouvé de compromis avec la CGT, a demandé une dérogation temporaire au repos dominical pour ses huit corners des Galeries Lafayette Haussmann. Dans son courrier adressé à la préfecture d’Ile-de-France, la société évoque la "pression" du grand magasin pour que des salariés de Giorgio Armani soient présents. Les galeries indiquent qu’elles "fermeront, bâcheront" les corners dans le cas cas contraire, explique la société qui craint des conséquences sur ses "prochains accords commerciaux".

Giorgio Armani Retail n’est pas la seule à solliciter une dérogation à la préfecture. Féraud (vêtements pour hommes), Sunglass Hut et Manbow (chaussures) ont récemment fait de même. Des demandes qui portent sur des périodes allant de quelques semaines jusqu’à… trois ans et sur le fondement de l’article 3131-30 du code du travail. Ce dernier prévoit une dérogation lorsque "le repos simultané, le dimanche, de tous les salariés d’un établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement".

Des recrutements en urgence 

Fin décembre, la préfecture d’Ile-de-France avait ainsi accordé à Burberry France, où des négociations sont en cours, une dérogation pour ses stands des Garleries Lafayette Haussmann jusqu’à fin février. Mais le 30 janvier, trois jours avant une audience au tribunal administratif, saisi par le Clic-P, la préfecture est revenue sur sa décision. Elle a reconnu que "malgré les circonstances particulières qui ont conduit à lui accordée une autorisation", Burberry France "ne peut être autorisée à donner le repos hebdomadaire par roulement sur le fondement de l’article 3132-200 dans l’attente de la conclusion d’un accord collectif". 

De leur côté, les Galeries Lafayette ont recruté des intérimaires pour pallier l’absence de démonstrateurs le dimanche sur certains stands. Environ "200 à 300 personnes ont été recrutées de toute urgence début février" indique le syndicat SCID. Des recrutements qui pourraient s’apparenter à du délit de marchandage ou de prêt de main d’œuvre illicite, s’interroge le Clic-P. Interrogée, la direction des Galeries Lafayette n’a pas souhaité faire de commentaire.

En janvier, 60% des marques présentes dans le grand magasin n’étaient pas encore couvertes par un accord selon le SCID. Une chausse-trape que devront aussi résoudre le Bon Marché et le Printemps Haussmann, qui ouvriront à leur tour tous les dimanches dans les prochains mois.

A.M. avec AFP