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Travailleurs détachés, entre concurrence et productivité

Un artisan du bâtiment pensait qu’il échappait à ce type de concurrence. Et l’Europe, en favorisant la mobilité des travailleurs, l’a mis en concurrence avec un Polonais.

Un artisan du bâtiment pensait qu’il échappait à ce type de concurrence. Et l’Europe, en favorisant la mobilité des travailleurs, l’a mis en concurrence avec un Polonais. - -

En France, 150 000 travailleurs détachés viennent des autres pays de l’Union.Leur rémunération obéit à une règle simple : le salaire net est le salaire français, les charges sont celles du pays d'origine.

Certains députés de la majorité ainsi que les syndicats veulent que l'Union européenne réglemente de façon stricte l'emploi des travailleurs détachés, car ils les accusent de faire une concurrence déloyale vis-à-vis des salariés locaux. Est-ce un problème ?

L’affaire est importante mais reste limitée. Il y a en France 150 000 travailleurs détachés venus des autres pays de l’Union. La moitié est constituée par des Polonais et un quart par des Portugais. Leur rémunération obéit à une règle simple : le salaire net est le salaire français, les charges sont celles de la Pologne ou du Portugal. Cette règle de distinction dans la référence entre le net et les charges avait été édictée en 1976 à une époque où les distorsions entre les salaires et les régimes de sécurité sociale des différents pays étaient moins fortes.
La justification de ce principe est que les travailleurs détachés en cas de problème de santé par exemple feront appel à la sécurité sociale de leur pays et donc qu’il est normal qu’ils gardent les conditions de cotisation de ce système de sécurité sociale.
D’où vient le problème ? De ce que de ce fait, des professions qui se considéraient comme à l’abri de la concurrence internationale doivent en tenir compte. Un ouvrier de l’automobile d’aujourd’hui sait qu’il est en concurrence avec un ouvrier allemand, slovaque ou chinois, dont le salaire est clairement différent du sien.
Mais un artisan du bâtiment pensait qu’il échappait à ce type de concurrence. Et l’Europe, en favorisant la mobilité des travailleurs, l’a mis en concurrence avec un Polonais un peu comme l’ouvrier de l’automobile. Cette extension de la concurrence a des gagnants et des perdants : les gagnants sont les entreprises qui font appel à des salariés détachés et leurs clients car cela leur permet de baisser les prix ; les perdants sont les entreprises qui assument les coûts français.

Que faut-il faire ?

Ce qui est frappant, c’est que désormais en France, la solution proposée à ce type de problème est le protectionnisme. La concurrence est systématiquement présentée comme déloyale et la baisse des prix qui l’accompagne est ignorée.
Symétriquement, en Allemagne, on insiste sur la baisse des prix et les bienfaits de la concurrence, ce qui creuse de plus en plus le fossé entre les deux pays qui sont le cœur de la construction européenne.
Pour l’instant, comme les résistances protectionnistes sont minoritaires en Europe, nous bloquons le système plus que nous n’apportons de solution.
En l’occurrence, la solution est la différenciation entre la qualité du travail fourni par les travailleurs nationaux et celle des travailleurs polonais. C’est vrai pour le travail détaché mais c’est aussi vrai pour les entreprises soumises à la concurrence internationale comme l’automobile.
Soit vous refusez la concurrence, avec comme conséquence que les prix ont tendance à être élevés, soit vous l'acceptez, avec comme conséquence qu’il faut que les salariés soient plus productifs que ceux des autres pays.

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Jean-Marc Daniel