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Trois cadres de Lafarge mis en examen

Lafarge est accusé d'avoir indirectement financé des groupes jihadistes en Syrie.

Lafarge est accusé d'avoir indirectement financé des groupes jihadistes en Syrie. - Martin Bureau - AFP

Les trois employés sont au coeur de l'enquête française visant à vérifier si le cimentier a indirectement financé des groupes jihadistes en Syrie. Ils ont été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste".

Trois cadres du groupe cimentier Lafarge, soupçonné d'avoir indirectement financé des organisations jihadistes dont Daesh pour se maintenir en Syrie malgré la guerre, ont été présentés vendredi à des juges en vue d'une éventuelle mise en examen, a-t-on appris de source judiciaire.

Après 48 heures de garde à vue, Bruno Pescheux, directeur de l'usine de 2008 à 2014, Jean-Claude Veillard, directeur sûreté chez Lafarge, et Frédéric Jolibois, qui avait repris la direction du site à partir de l'été 2014 ont été déférés devant le tribunal. Les trois hommes ont été mis en examen pour "financement d'une entreprise terroriste".

Le dossier est hors-norme: le groupe, qui a fusionné en 2015 avec le suisse Holcim, est soupçonné d'avoir pactisé avec l'organisation d'Abou Bakr al-Baghdadi, derrière les attentats les plus meurtriers commis en France ces dernières années, pour continuer à faire fonctionner en 2013 et 2014 son usine de Jalabiya (nord de la Syrie).

Lafarge est soupçonné d'avoir fait transmettre de l'argent à Daesh en échange de l'obtention de laissez-passer pour ses employés et de s'être, sous couvert de faux contrats de consultants, approvisionné en pétrole auprès de l'organisation, qui avait pris le contrôle de la majorité des réserves stratégiques du pays à partir de juin 2013.

Versements litigieux

Entendu une première fois début 2017 par les douanes judiciaires, Frédéric Jolibois avait reconnu avoir acheté du pétrole à "des organisations non-gouvernementales" notamment kurdes ou islamistes, en violation de l'embargo décrété par l'Union européenne en 2011.

Bruno Pescheux avait pour sa part confirmé des versements litigieux. Pour permettre à ses employés de continuer à venir travailler sur le site, la branche syrienne du groupe (Lafarge Cement Syria, LCS) versait "de 80.000 à 100.000 dollars" par mois à un intermédiaire, Firas Tlass, ex-actionnaire minoritaire de l'usine, qui ventilait ensuite les fonds entre différentes factions armées, d'après l'ex-directeur. Cela représentait pour Daesh "de l'ordre de 20.000 dollars", selon lui.

L'enquête s'attache aussi à déterminer si le groupe a tout fait pour assurer la sécurité de ses employés syriens, restés seuls sur place alors que la direction de l'usine avait quitté Damas pour Le Caire à l'été 2012 et que, quelques mois plus tard, les expatriés avaient été évacués par vagues successives.

Les investigations se sont accélérées ces dernières semaines. Trois ex-employés syriens ont été entendus par les juges fin septembre et une vaste perquisition a été menée les 14 et 15 novembre au siège du cimentier à Paris.

Y.D. avec AFP