Union bancaire: Comment réguler l'activité des banques en zone euro?
Les bases de l’un des plus grands chantiers européens vont être posées ce mercredi 12 septembre. La Commission européenne va, en effet, dévoiler officiellement ses propositions visant à créer une union bancaire.
Dans un premier temps, il s’agira surtout de créer un superviseur unique chargé de la régulation l’ensemble des banques de la zone euro. Son but sera d’éviter que le naufrage d’un établissement ne contraigne un Etat à avoir recours au fonds public pour le renflouer, comme cela a été le cas pour l’Espagnole Bankia. Le commissaire européen au marché intérieur, Michel Barnier, a déjà indiqué que l’instance en charge de la supervision des banques de la zone euro sera la Banque centrale européenne (BCE). Et vendredi, le journal italien Il Sole de 24 Ore a publié un projet de propositions. Voici en quatre questions, les contours que devrait revêtir cette supervision... ainsi que les difficultés qui vont inévitablement se poser lors de sa création.
Quel rôle jouera la Banque centrale européenne?
Sauf surprise de dernière minute, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso devrait proposer que la BCE prenne en charge la supervision de toutes les banques de la zone euro.
La BCE endosserait ce nouveau costume dès le début de l'année 2013, prenant alors en charge la moitié des quelques 6000 établissements que compte la zone euro. Et à partir de janvier 2014, la totalité des banques serait alors régulée par l’institution européenne.
Toutefois la BCE définira surtout un cadre global de régulation. L’application des règles écrites par l'institution européenne devrait ainsi donner lieu "à des allers-retours entre les superviseurs nationaux et la BCE", selon Laurent Quignon, responsable de l’Economie bancaire chez BNP Paribas.
Quelles conséquences pour les banques?
Dans son rôle de gendarme, la banque centrale europénne devrait bénéficier de pouvoirs larges. Elle surveillerait étroitement la liquidité des banques et aurait la possibilité d’édicter des règles pour les obliger à renforcer leurs fonds propres, c’est-à-dire leur solvabilité. A cela s’ajoute les sanctions que la BCE pourra formuler et qui iraient de la simple amende jusqu’au retrait de la licence bancaire attribuée à l'établissement.
La BCE va-t-elle vraiment superviser toutes les banques de la zone euro?
Les informations révélées par Il Sole de 24 Ore vont dans ce sens. La Commission aurait en tête l’idée que même la faillite de petits établissements peut être suffisante pour fragiliser tout un système.
L’exemple des cajas espagnoles (caisses d’épargne) qui a d'abord mené à l’effondrement de Bankia puis à un plan de sauvetage européen du système bancaire espagnol hante notamment les esprits des dirigeants bruxellois.
L’Allemagne a déjà manifesté ses inquiétudes quant au nombre d’établissements qui doit être supervisé par la BCE. Le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, a ainsi estimé que la BCE ne disposait pas "du potentiel" pour superviser la totalité des 6000 banques de la zone euro, et qu’elle devait ainsi se concentrer "sur les banques systémiques".
Les banquiers allemands, eux, se sont montrés divisés sur ce sujet. Le coprésident du directoire de la Deutsche Bank, Jürgen Fitschen, plaide pour que la totalité des banques de la zone euro passe sous le giron de la BCE. A l'inverse, le président de la fédération des caisses d'épargne allemandes, Georg Fahrenschon, a considéré que la supervision de centaines, voire de milliers, de banques par une autorité de contrôle unique s'avérerait aussi coûteuse que contre-productive.
Quel rôle pour l'autre autorité de régulation, l'EBA?
C’est l’une des questions les plus épineuses. Si la BCE devra assurer une supervision unique des banques de la zone euro, depuis 2011 l’EBA (European Banking Authority) est, elle, chargée de veiller à la stabilité des banques des 27 pays de l’Union européenne, en coordonnant son action avec les instances nationales.
Les nouveaux pouvoirs accordés à la BCE risqueraient ainsi d’obliger l'institution dirigée par Mario Draghi à marcher sur les plates-bandes de l’EBA. Chose que la Commission européenne souhaite éviter à tout prix. Bruxelles devrait donc proposer d'accorder de nouvelles prérogatives à l'EBA.
Ainsi, selon un document obtenu par Reuters "la BCE coordonnera la position des membres [de l'EBA, NDLR] de la zone euro (...) pour les questions de supervision". Mais, "l'EBA aura les pouvoirs d'agir dans les cas où la BCE n'entend pas se conformer avec une décision de l'EBA." L'institution européenne devra aussi expliquer pourquoi elle ne compte pas se conformer à telle ou telle décision de l'EBA pour résoudre un désaccord ou répondre à une situation d'urgence.
Le but serait également de rassurer le Royaume-Uni qui craint que, forte de ses nouveaux pouvoirs, la BCE ne veuille imposer ses vues à l'ensemble des banques de l'Union européenne. L'EBA ferait ainsi office de garde-fou rassurant pour Londres, principale place financière en Europe.
Quelles suites après la supervision bancaire?
Il convient de rappeler que ce mécanisme de supervision unique ne doit être que le premier pas de l'union bancaire. En principe, la constitution d’un système de garanties commun des dépôts bancaires de la zone euro devrait suivre. Le projet qui sera présenté demain par José Manuel Barroso pourrait donner plus de détails sur le calendrier de ce second volet. Une autre étape pourrait être une harmonisation du système de faillite bancaire.