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Vente avortée de Virgin Radio à Goom: la justice blanchit Fimalac

La radio a vu ses résultats se redresser depuis sa reprise en main par Roberto Ciurleo

La radio a vu ses résultats se redresser depuis sa reprise en main par Roberto Ciurleo - Virgin

En 2012, le groupe de Marc Ladreit de Lacharrière avait promis de financer le rachat de Virgin Radio par la start up Goom avant de se retirer au dernier moment, faisant capoter la vente. La justice vient d'estimer que Fimalac n'était pas responsable de cet échec.

"Virgin Radio n'est pas à vendre", répétait en 2012, son propriétaire, Lagardère. En réalité, le groupe d'Arnaud Lagardère était mécontent des performances de sa station, qui perdait 4 millions d'euros sur un chiffre d'affaires de 20 millions, et avait perdu un tiers de son audience depuis l'abandon du nom Europe 2 en 2008. Un processus de vente avait donc été lancé par l'intermédiaire du cabinet d'avocats Bredin Prat. De nombreux groupes avaient regardé le dossier: TF1, NRJ, NextRadioTV, Arthur, le duo Jean-Charles Mathey-Marc Laufer...

Mais, dès le départ, Lagardère voulait faire affaire avec Goom Radio, une start-up lancée par deux anciens de NRJ. Notamment car Goom, contrairement à d'autres candidats, acceptait de laisser la régie publicitaire de la radio chez Lagardère. Goom acceptait aussi que Lagardère conserve une participation minoritaire durant une période transitoire (Goom avait une option d'achat sur la totalité du capital exerçable à partir de 2016).

Prix d'ami

Goom signe donc avec Lagardère d'abord le 2 août 2012 une lettre d'ouverture de négociations, portant sur un rachat de la majorité du capital de Virgin Radio. La lettre valorise Virgin un peu plus de 20 millions d'euros: précisément, à une valeur d'entreprise de 25 millions d'euros, diminuée de la dette nette (dette nette qui s'élève entre 2 et 4,26 millions d'euros, selon les parties). Un prix d'ami, car NRJ proposait par exemple 70 millions d'euros.

Problème: Goom ne disposait pas d'une pareille somme. Certes, la start up avait levé 18 millions d'euros depuis sa création, mais avait quasiment tout dépensé. Elle se tourne alors vers Fimalac, qui accepte de rentrer au capital de Goom, apportant ainsi l'argent nécessaire au rachat de Virgin Radio. 

Goom signe donc le 12 septembre 2012 une lettre d'intention avec Fimalac. Il ne reste plus alors qu'à finaliser l'accord de vente de Virgin. Mais le 7 octobre, Fimalac retire ses billes à la dernière minute, faisant capoter la vente. Finalement, Lagardère ne vendra jamais la radio, se contentant de confier sa direction au président de Goom, Roberto Ciurleo. 

"Brutal et abusif"

Goom, furieux contre Fimalac, portera plainte devant le tribunal de commerce de Paris contre le groupe de Marc Ladreit de Lacharrière. Arguant que son retrait était "brutal et abusif", Goom réclame 26,4 millions d'euros de dommages. "Le montant du préjudice a été déterminé par le président de la chambre des experts près de la cour d'appel de Paris", souligne Goom.

Quatre ans après les faits, les juges viennent enfin de rendre leur verdict. Ils déboutent intégralement Goom. Pour les juges, la lettre d'intention signée par Fimalac "ne peut se comprendre comme un engagement ferme et irrévocable" (cf texte du jugement ci-dessous). Fimalac, qui réclamait en retour 500.000 euros pour procédure abusive, obtient seulement 30.000 euros de Goom pour le rembourser de ses frais de procédure. Goom indique qu'il entend faire appel.

A l'occasion de cette procédure, Fimalac a dû enfin expliquer pourquoi il s'était retiré à la dernière minute le 7 octobre 2012. Il a assuré au tribunal avoir alors "découvert dans la presse les difficultés financières sérieuses de Goom, et le déclenchement d'une procédure d'alerte par les commissaires aux comptes, que Goom lui avait délibérément cachés". Une explication démentie par Goom: "la procédure d'alerte du commissaire aux comptes a été déclenchée fin octobre 2012, suite au retrait de Fimalac".

Procédure de sauvegarde

Les difficultés financières de Goom ne feront que s'aggraver. Mi-2013, elle se placera en procédure de sauvegarde, dont elle sortira un an plus tard. Elle devra abandonner ses activités sous sa propre marque, notamment fermer ses web radios thématiques, et "suspendre temporairement" ses deux radios numériques terrestres (RNT) à Paris. Elle se recentrera sur la fabrication de radios pour le compte de grandes marques, comme Libération (à qui elle fournit Libéradio diffusé sur la RNT), et surtout la SNCF (le contrat pour les lignes Transilien a été renouvelé en juillet 2016). Mais elle a perdu l'an dernier deux clients importants, Bayer et Lagardère (à qui Goom fournissait les sites de Virgin Radio et RFM). Résultat: son chiffre d'affaires s'est réduit de moitié, tout comme ses effectifs, notamment via des licenciements économiques.

Quant à Virgin Radio, son chiffre d'affaires, sa rentabilité et ses audiences ont progressé depuis que la radio est dirigée par Roberto Ciurleo, qui a vu son contrat renouvelé par Lagardère. Le site de la station a été confié à Melty en 2014.

NB: l'article a été mis à jour avec les réponses de Goom

Mise à jour: le 21 avril 2017, la cour d'appel de Paris, saisie par Goom, a confirmé le jugement du tribunal de commerce

Les chiffres clés de Goom

Chiffre d'affaires (en millions d'euros)
2010: 6,3
2011: 5,5
2012: 7,5
2013: 5,9
2014: 5,9 (5,1 hors opérations intra-groupe)
2015: 4,5 (4 hors opérations intra-groupe)
2016: 3,4

Résultat net (en millions d'euros)
2010: -8,7
2011: -5,9
2012: -0,8
2013: +0,2
2014: -0,2
2015: -0,1
2016: -0,2

Effectif
2010: 75
2011: 64
2012: 46
2013: 47
2014: 62
2015: 41

Actionnaires
Emmanuel Jayr: 51,23%
Wellington Partners: 22,88%
Autres: Partech, Elaia Partners, Bruno Guillon, Marc Zaleski, Thierry Pépin, Alain de Mendonca, Daniel Dugeny, Pierre Monnier, Nathalie Cheleman, Nadia Bosc, Emmanuel Guyot

Source: comptes sociaux hors filiales

L'audience cumulée de Virgin Radio (de septembre à juin, en %)

2015-16: 5

2014-15: 4,4
2013-14: 4,1
2012-13: 4,3
2011-12: 4,5

Source: Médiamétrie