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Vers un cinéma français à deux vitesses

"La vérité si je mens 3",  doté d'un budget de 25,5 millions d'euros, en a consacré plus de 3 millions au cachet de ses stars

"La vérité si je mens 3", doté d'un budget de 25,5 millions d'euros, en a consacré plus de 3 millions au cachet de ses stars - -

Le nombre de films produits en France a atteint un nouveau record. Les films à gros budget se multiplient, tandis que les films à tout petit budget prolifèrent.

Le cinéma français se porte bien, mais pas pour tout le monde. En 2012, 279 films français ont été produits, "un nombre très élevé, un record depuis 30 ans", selon Eric Garandeau, président du Centre national du cinéma (CNC). Mais, selon lui, on ne produit pas pour autant trop de films: "on est un pays démocratique, on ne voit pas comment l'empêcher", a-t-il assuré mardi 26 mars, en présentant à la presse les chiffres 2012.

Si le nombre de films continue d'augmenter, en revanche les montants investis plafonnent. En 2012, ils ont légèrement reculé (-3,4%). Et "l'année 2013 ne devrait pas être très joyeuse, en raison d'un recul des investissements des télévisions gratuites", a-t-il prévenu. En effet, les obligations d'investissement des chaînes sont indexées sur leur chiffre d'affaires -qui est en recul-, à quoi il faut ajouter le plan d'économies à France Télévisions.

Mais les chiffres présentés mardi montrent surtout que seuls les deux extrêmes se développent: les très gros budgets, et les tous petits films, au détriment des "films du milieu" (4 à 7 millions d'euros). "Il y a un certain retour de la bipolarisation", a expliqué Eric Garandeau.

Toujours plus de blockbusters

En haut du panier, 33 films à plus de 10 millions d'euros ont été produits en 2012, alors qu'on en produisait en moyenne cinq fois moins dans les années 90. "Les projets les plus chers ont résisté à la baisse des investissements", a expliqué le directeur du cinéma au CNC, Olivier Wolting.

"Il y a une tendance naturelle à l'inflation des coûts: le cachet des artistes, les effets visuels, les tournages plus longs...", a ajouté Eric Garandeau, auxquels il faut ajouter "TF1 et M6 qui contribuent à la hausse des coûts". En effet, les deux chaînes concentrent leurs investissements sur ces gros budgets. Toutefois, l'an dernier, la Une a choisi d'investir dans des films un peu moins chers.

C'est aussi dans ces blockbusters que les acteurs sont les mieux payés. Mais le CNC souligne que ces gros cachets restent marginaux. En 2012, un seul film, La vérité si je mens 3, a versé plus de 3 millions d'euros à ses stars. Et seulement trois films ont consacré plus de 2 millions d'euros aux rôles principaux: Les seigneurs, Un bonheur n'arrive jamais seul et Carnage.

Sur ce sujet polémique, le CNC souligne que le cachet des rôles principaux représente une part stable dans le budget des films (6,8%), mais admet que ce chiffre ne tient compte ni de la rémnération versée au titre du droit à l'image, ni de la part des recettes sur les entrées en salles.

Méthodes iraniennes

A l'autre extrémité prolifèrent les films avec un budget de moins d'un million d'euros: 58 en 2012, soit quatre fois plus que dans les années 90.

La quasi-totalité de ces films est tournée en numérique et sans aucun argent provenant des chaînes de télévision. La moitié sont des documentaires. Ce sont aussi les films les plus subventionnés: les aides publiques représentent 23% de leur budget (cela sans compter le crédit d'impôt). Une grande partie de ces films bénéficie d'une subvention accordée sur dossier par le CNC, la fameuse "avance sur recettes".

"Nous n'encourageons pas les films à moins d'un million d'euros, mais nous ne les décourageons pas non plus, a expliqué Eric Garandeau. Le nombre de films aidés par l'avance sur recettes est stabilisé autour de 50 par an. Nous ne pouvons pas empêcher des films de se faire en l'absence de l'avance sur recettes, sauf à employer des méthodes iraniennes..."

"Les films les plus difficiles se font plus difficilement", a résumé Olivier Wolting.

Jamal Henni