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Vers un match nul entre Arnaud Lagardère et le fonds Amber?

L’assemblée générale du groupe se tient ce mardi à huis clos. Après quatre années de bras de fer, la guerre entre Arnaud Lagardère et son premier actionnaire, le fonds Amber, pourrait déboucher sur un compromis. Les autres actionnaires, le Qatar, Vincent Bolloré et Marc Ladreit de Lacharrière ont intérêt à un armistice pour remporter la mise. La fin de la commandite d’Arnaud Lagardère est inévitable.

Personne n’a intérêt à la guerre totale. Depuis 2016, Arnaud Lagardère fait face à un actionnaire coriace. Le fonds Amber, parti de 4%, détient aujourd’hui 18% du capital du groupe Lagardère et 14,5% de ses votes lors de l’assemblée générale qui se tient ce mardi, à huis clos. Le premier actionnaire de Lagardère demande la révocation de tous les administrateurs du groupe, afin d’évincer dans un an Arnaud Lagardère de la gérance du groupe à l’occasion de la fin de son mandat.

Après des mois de silence, l’héritier de l’empire familial a invité deux milliardaires à entrer à son capital pour le soutenir. Le redoutable Vincent Bolloré qui a pris 10,6% du capital à travers son groupe Vivendi. Ainsi que Marc Ladreit de Lacharrière qui a racheté un peu plus de 3% grâce à sa société Fimalac.

Amber brandit des menaces

Avec le Qatar, qui détient 13% du capital et 20% des votes, l’assemblée générale de Lagardère s’annonce comme l’une des batailles tactiques les plus intenses du capitalisme français. D’autant que malgré ses 11% de votes, Arnaud Lagardère ne pourra pas prendre part au vote des propositions d’Amber qui concerne le conseil de surveillance, chargé de contrôler sa gérance.

Du coup, le Qatar, Vincent Bolloré et Fimalac vont devoir faire front pour défendre Arnaud Lagardère bec et ongle. Mais au regard de la situation, ils n’y ont pas totalement intérêt. "Si tout le monde vote de la même manière, il y a aura des suspicions d’actions de concert", prévient un proche d’Amber. La menace est claire : si Amber perd, il n’hésitera pas à alerter l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) sur l’entente de ces trois actionnaires qui, ensemble, pourraient contrôler un peu plus de 30% des votes, seuil au-dessus duquel ils doivent lancer une OPA.

Au-delà de ce risque lourd d’action concertée, le Qatar a plutôt intérêt à maintenir à flot Amber qui dit tout haut ce qu’un Etat actionnaire comme lui ne peut même pas chuchoter. Il y a deux ans, le Qatar avait soutenu l’entrée d’Amber au conseil de surveillance de Lagardère avant de se rétracter au dernier moment. "Le Qatar aura besoin d’Amber pour faire bouger Arnaud Lagardère" décrypte un proche du dossier.

Calmer le jeu avec Amber

Pour d’autres, même Arnaud Lagardère serait malin de calmer le jeu et d’entrouvrir la porte de son conseil à Amber. "Amber a investi tellement d’argent que s’ils échouent, ils n’auront plus rien à perdre, prévient un allié d’Arnaud Lagardère. Et il n’y a rien de pire qu’un adversaire qui n’a plus rien à perdre". D'autant que la plupart des investisseurs institutionnels soutiennent Amber et ont appelé à la nomination de cinq administrateurs sur les huit proposés par le fonds.

Pour toutes ces raisons, plusieurs sources estiment qu’un ou deux administrateurs d’Amber pourraient être élus au conseil. Ce qui serait déjà "une victoire pour Amber", note un protagoniste. Les candidats d’Amber les plus en vue comme Patrick Sayer et Brigitte Taittinger seraient ainsi ciblés. Amber étant aussi favorable aux nominations de Nicolas Sarkozy et Guillaume Pepy, c’est ensuite ce dernier qui pourrait prendre la présidence du groupe, succédant à Patrick Valroff, expliquent plusieurs sources.

Mettre fin à la commandite

Reste à connaitre les réelles intentions de Vincent Bolloré. Mission impossible tant l’homme d’affaires excelle dans les jeux tactiques. A priori, il est entré chez Lagardère pour éviter à son patron, Arnaud, une déroute. Mais lui aussi pourrait avoir beau jeu de voter en faveur d’un ou deux candidats d’Amber à entrer au conseil de surveillance de Lagardère. Une manière pour lui de jouer sur les deux tableaux et de gagner à tous les coups. D’un côté, il préserve Arnaud Lagardère. De l’autre, il ne s’oppose pas à Amber et laisse la voie libre à une suppression de la commandite.

Un point crucial car tous les belligérants veulent qu’Arnaud Lagardère abandonne ce statut qui lui confère les pleins pouvoirs. Et enlève, de fait, la capacité des actionnaires à peser réellement sur la stratégie de Lagardère. Amber, le Qatar, Vincent Bolloré et Marc Ladreit de Lacharrière poussent dans ce sens. Une décision majeure qui nécessite l’aval de 66% des votes en assemblée générale. A eux quatre, ils pèsent déjà 45%, sans compter les 30% d’investisseurs qui y sont aussi favorables. "La fin de commandite est inéluctable", tranche une source proche de l’un de ces grands actionnaires. Et elle passe par une paix des braves.

Matthieu Pechberty