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Bientôt, il n'y aura plus qu'un pilote dans l'avion

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VIDEO - Selon le patron de Thales, les dernières technologies permettront de se passer de co-pilote dans le cockpit d'ici cinq années au plus tard. Reste à convaincre les autorités régulatrices du transport aérien et les passagers que la sécurité des vols n'en pâtira pas.

Y aura-t-il bientôt un seul pilote à bord des avions de ligne? En attendant que les avions-robots transportant des passagers sans pilote voient le jour, les industriels de l'aéronautique étudient déjà la réduction du nombre de pilotes présents dans le cockpit.

Selon le patron de Thales, Patrice Caine, les dernières évolutions technologiques vont permettre de passer à terme de deux à un seul pilote à bord des avions de ligne. Intervenant devant l'association des journalistes professionnels de l'aéronautique et de l'espace, Patrice Caine a précisé que "cela prendra quelques années, mais pas dix ans". Selon les propos du PDG de ce groupe spécialisé dans l'électronique embarquée à bord des avions, cités par La Tribune, "quand vous écoutez les grands avionneurs, ils parlent d'un horizon 2020, 2021, 2022, voire 2023".

Bien entendu, pour réduire le nombre de pilotes de deux à un seul sur les avions de ligne, il faut changer toute la conception technologique du cockpit. Thales échange sur ce point avec Airbus sur un certain nombre de solutions dans les domaines des logiciels de gestion de vol, de l’avionique, de la navigation. "On en est à des échanges de solutions techniques, de simulation. L’échéance de 2021, 2022 n’est pas irréaliste dès lors que l’on y met l’énergie et les moyens. Nous ne sommes pas encore dans une phase d’appels d’offres", tempère toutefois Patrick Caine, dans l'Usine Nouvelle.

Il y a 30 ans, le passage de 3 à 2 navigants dans le cockpit avait été mouvementé

Actuellement, la réglementation européenne impose la présence de deux pilotes pour des raisons de sécurité dans les avions à partir de 20 passagers. Tous les grands avions commerciaux de ligne des grand avionneurs (Boeing, Airbus, Embraer,..) ont donc des des cockpits conçus pour un double pilotage. Déjà, le passage des trois à deux navigants dans les années 1980 avait été une révolution amenée par l'A320, provoquant au passage des grèves à répétition chez les pilotes d'Air Inter (absorbée par Air France en 1997).

La réduction envisagée cette fois-ci à un seul pilote sera le résultat du recours à une automatisation renforcée du cockpit à grands renforts de logiciels et d'intelligence artificielle. "Nous pouvons nous poser la question technique ou philosophique de savoir si une machine fait moins d'erreurs que l'être humain ou si la combinaison d'un cerveau humain et d'un cerveau artificiel n'est pas plus sûre, plus performante que deux cerveaux humains" souligne le PDG de Thales. Cette option technique est aussi une réponse partielle possible, pour les compagnies aériennes, à la pénurie de pilotes disponibles qui cloue les avions au sol, se traduit par des coûts élevés de formation ou un risque d'inflation salariale.

Un seul pilote dans l'avion, d'abord pour le fret aérien ?

Mais, depuis la disparition inexpliquée du vol MH370 de Malaysia Airlines et le crash délibéré d'un pilote de Germanwings ces dernières années, il est devenu primordial pour les compagnies de (re)gagner la confiance du public. L'obligation de présence de deux pilotes à bord a été renforcée à l'issue de ces deux accidents gravissimes qui ont marqué les esprits.

C'est pourquoi, pour rendre socialement acceptable la réduction à un seul pilote présent à bord, la présence d'un deuxième pilote au sol, à même de prendre le contrôle à distance de l'avion, fait partie des solutions envisageables. Cela aurait le double avantage de réduire les inquiétudes du public et de tempérer la bronca probable des pilotes de ligne, vis-à-vis de la réduction de leur nombre dans le cockpit.

Chez Boeing, on estime que la solution technique d'un seul pilote aux commandes d'un avion concernera d'abord le fret aérien. "Nous étudions le concept d'un seul pilote à bord des avions et là où vous le verrez d'abord sera probablement dans le fret", a déclaré le vice-président de Boeing Research & Technology, Charles Toups, lors du salon aéronautique qui s'est tenu en février 2018 à Singapour, rapporte Reuters. Selon lui, "il faudra deux décennies pour persuader les passagers de prendre un avion à un seul pilote, a-t-il ajouté, ajoutant que "l'adhésion du public au concept serait un processus progressif commençant par la prolifération des voitures autonomes."

Frédéric Bergé