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Vin: une start-up reproduit des grands crus… sans raisin

La start-up a étudié les composants du vin et les a recréés en laboratoire.

La start-up a étudié les composants du vin et les a recréés en laboratoire. - Patrick Bernard - AFP

"Ava Winery crée des vins en laboratoire. Cette start-up analyse les composants et les molécules des vins et imite ainsi des grands crus en mélangeant de l'éthanol et des arômes artificiels. Si cette start-up affirme copier les grands vins, certains doutent du résultat final. "

Que les amateurs de grands vins au petit portefeuille se réjouissent, une entreprise américaine affirme récréer les meilleurs crus pour 50 dollars. Pour Mardonn Chua, fondateur d'Ava Winery, l'idée n'est pas de faire de la contrefaçon. Il veut simplement rendre accessible l'exceptionnel. Alors qu'un jour où il eut l'opportunité de goûter au délicieux Château Montelena 1973, il s'est rendu compte qu'il ne pourrait jamais s'offrir un vin pareil où la bouteille vaut plus de 10.000 dollars. Et cela l'a fait réfléchir.

La start-up basée à San Francisco mélange en laboratoire de l'éthanol, des acides aminés, du sucre et quelques agents de saveur, et – grâce à l'absence de fermentation - en 15 minutes leurs meilleurs vins peuvent être reproduits. Après des mois de recherches pour combiner les bonnes molécules, Mardonn Chua et Alec Lee, les fondateurs de la start-up, affirment avoir récréé un Moscato d'Asti. Leur prochaine étape est un Dom Pérignon de 1992.

Un scandale, hurleront certains puristes. Et ils n'auront pas forcément tort. Des journalistes du New Scientist ont réalisé un test à l'aveugle. Et l'une des goûteuses a trouvé que ce vin synthétique sentait "comme les requins gonflables que l'on prend à la piscine". Si elle estime que le goût est meilleur que l'odeur, nous sommes quand même loin du millésime.

Ava Winery a voulu répondre à cette dégustation décevante par une petite histoire. "Le lendemain de cette vidéo, nous avons versé un verre de vin à un ami en disant 'ils estiment que ça sent les produits chimiques, tu trouves que c'est vrai?'. L'ami en question a répondu 'hmmm ça sent bon. Mais je trouve que ça sent aussi l'essence'. Et pourtant, c'était le vrai vin, pas la version laboratoire". La start-up explique que l'échantillon donné à New Scientist était une version non aboutie et que la dégustation est quelque chose de subjectif. D'ailleurs, les bouteilles ne sont pas encore à vendre, Ava Winery veut encore améliorer son vin. Il est seulement possible de les pré-commander.

Le terroir, le soleil, le cépage sont autant de petits détails qui donnent leur valeur au vin. Celui créé en laboratoire sera donc un vin sans histoire. Pour autant, plus de 1.000 substances, qui entrent dans la composition du vin, ont été identifiées. Des composants chimiques qui peuvent donc parfaitement être reproduits en laboratoire. Ces breuvages ne seront donc pas forcément de réels grands crus, mais ils ne sont pas mauvais pour autant.

Si les vignerons américains ont peut-être du mouron à se faire, les Français, eux, devraient être plus tranquilles. En effet, la législation hexagonale est claire: "Le vin est une boisson obtenue par la fermentation naturelle du jus de raisin mûr". Une définition qui ne colle pas exactement à cette boisson de laboratoire. Ava Winery risque de ne pas pouvoir vendre ses bouteilles sous cette appellation en France.

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Diane Lacaze