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Vincent Bolloré révèle aux sénateurs que "Canal Plus est redressé"

L'industriel breton a répondu pendant deux heures aux questions des sénateurs

L'industriel breton a répondu pendant deux heures aux questions des sénateurs - Eric Piermont - AFP

Auditionné ce mercredi par le Sénat, le nouveau patron de la chaîne cryptée a annoncé que le nombre d'abonnés était reparti à la hausse en juin. Une audition d'autant plus intéressante que tous les sujets ont été abordés. En voici les meilleurs moments.

Canal Plus va déjà mieux. Tel est le message martelé par Vincent Bolloré, auditionné mercredi 22 juin par la commission des affaires culturelles du Sénat. Cette audition avait été programmée successivement pour le 8 octobre, le 19 novembre, puis le 21 janvier, mais reportée à chaque fois. Revue des principales déclaration du président du conseil de surveillance de Vivendi et de Canal Plus.

1- Les résultats de Canal Plus

"Je pense qu’en réalité, Canal Plus est redressé", a affirmé l'industriel breton. En effet, "le nombre d’abonnés en train d’augmenter beaucoup en juin pour la première fois depuis longtemps".

Toutefois, il a redit que la situation de la chaîne cryptée était "grave", avec des pertes de 400 millions d'euros prévues en 2016, et 460 millions d'euros en 2017.

Le directeur général de Canal Plus, Maxime Saada, a abondé, soulignant que la chaîne cryptée avait "perdu près 500.000 abonnés depuis fin 2012", et "prévoyait de passer sous la barre des 4 millions fin 2016".

Vincent Bolloré a ajouté: "ce sont des pertes qui entraînent des besoins en cash. Or le groupe Canal Plus a déjà 1 milliard de dettes, et n’a pas les moyens de s’endetter davantage. Vivendi a donc la nécessité de remettre de l'argent au pot pour réduire ces pertes". Problème: "hormis Bolloré, les actionnaires de Vivendi n’ont qu’une envie: ne pas donner les 400 millions d'euros". En effet, il s'agit "pour l'essentiel de fonds pour l’essentiel anglo-saxons, Fidelity, Legal & general..., qui sont intéressés par les résultats..."

Vincent Bolloré a certifié de la véracité de ces pertes: "Les chiffres que je donne sont donnés par la direction de Canal. C’est le directeur financier Grégoire Castaing qui donne les chiffres". En outre, "Vivendi est un groupe coté, il y a des commissaires aux comptes..."

L'industriel breton a expliqué pourquoi ces pertes n'avaient pas été révélées jusqu'à présent: "Vivendi ne contrôlait pas ce qui se passait. Et cette situation grave n’avait pas été révélée par l’équipe précédente [à la tête de Canal Plus] car un tel déballage n'aurait pas été pas bon pour l’image". Toutefois, "tout le monde savait Canal était arrivé au bout de son modèle".

Enfin, le nouvel homme fort de Vivendi a "regretté" le veto de l'Autorité de la concurrence au projet d'accord avec beIN Sports. "Le président de l'Autorité de la concurrence Bruno Lasserre a dit que nous avions un plan B, mais il nous surestime, car nous n'avons pas de plan B. Nous allons faire un peu plus de diète que prévu".

De son côté, Maxime Saada a assuré qu'il n'était "pas question de revenir sur les engagements financiers après du cinéma français".

2- Le clair

Vincent Bolloré a ensuite justifié la réduction des émissions en clair prévues pour la rentrée. D'abord, "le clair ne représente que 60 millions d'euros de recettes publicitaires par an, contre 1,5 milliard d'euros provenant des abonnements". Ensuite, "il n’y a pas une chaîne cryptée dans le monde qui fasse du clair". Enfin, "Maxime Saada n’a jamais réussi à montrer qu'une vitrine permet de conquérir des abonnés. Les gens ne vont pas continuer à payer longtemps leur abonnement quand ils voient leurs voisins non abonnés regarder les mêmes émissions".

Maxime Saada a approuvé: "nous n'avons jamais réussi à faire la démonstration que les émissions en clair motivent les abonnements. On a vu une accélération des pertes d’abonnements à la période où le clair était le plus fort en audience".

3- La situation d'iTélé

"Il y un avenir pour itélé au sein du Groupe Canal Plus", mais à condition que la chaîne d'information "retrouve son équilibre", a expliqué le président du directoire de Canal Plus, Jean-Christophe Thiery, qui a souligné que "Vivendi investi une soixante de millions d'euros pour soutenir iTélé".

Jean-Christophe Thiery a justifié le plan de suppressions de 50 CDD d'usage envisagé par la direction d'iTélé: "c'est nécessaire pour rétablir l'exploitation, mais c'est aussi à la demande expresse de l’inspection du travail qui dit: 'vous ne pouvez pas avoir de CDD d'usage sur ce type de postes'".

Même son de cloche avec Maxime Saada, qui a évoqué des pertes de 20 millions d'euros en 2016, puis 25 millions en 2017: "cette situation ne peut être durable pour l’existence même de la chaîne. Les revenus d’itélé ne cessent de décroîtrent, même si la chaîne a tiré son épingle du jeu en audience". Quant aux CDD d'usage, "ils n’ont pas vocation à travailler plus d’une saison. Ce ne sont donc pas des licenciements mais des non reconductions. Ce n'est pas la destruction de la rédaction".

4- L'indépendance éditoriale

Vincent Bolloré a aussi répondu aux critiques sur son ingérence éditoriale. "Il faut de la neutralité et de l'impartialité, c’est essentiel". Il a pris l'exemple de son quotidien gratuit Direct Matin, qui est "neutre et objectif, et n’a eu que deux fois des critiques sur 10 ans".

Et chez Canal Plus, "je ne suis pas capable d’interdire, je ne sais pas comment faire, et je ne peux pas être dans tous les endroits du monde à faire ça. Je n’ai pas le pouvoir physique ou moral de demander à qui que ce soit de retirer quoique ce soit, je suis obligé de passer par la hiérarchie".

Interrogé au sujet du documentaire sur le Crédit Mutuel déprogrammé par Canal Plus à l'été 2015, il a répondu: "je n’ai jamais vu ce documentaire. Et le Crédit Mutuel ne travaille pas particulièrement avec Vivendi ou Bolloré, pas plus que BNP Paribas, la Société Générale ou le Crédit agricole".

Des propos confirmés par Maxime Saada: "Il n’y a jamais eu la moindre intervention sur un programme de Vincent Bolloré, Jean-Christophe Thiery ou du directoire de Vivendi. Ni Vincent Bolloré ni Jean-Christiophe Thiery ne m’ont jamais fait de demande sur un programme d’information, nous n’avons jamais eu ce type de discussion".

Maxime Saada assume sans hésiter la déprogrammation du documentaire sur le Crédit mutuel: "j’ai jugé tout seul ne pas être intéressé car les informations étaient déjà sorties ailleurs". Il a aussi affirmé avoir "refusé de lancer une investigation sur Youtube" car Vivendi venait de racheter son concurrent Dailymotion.

Maxime Saada a assuré: "Il n’y a pas une chaîne dans le paysage audiovisuel français qui se moque de manière quotidienne de ses dirigeants comme Canal". Quant à iTélé, "les journalistes nous ont dit être libres, parfois trop libres".

5- La gouvernance

Enfin, Vincent Bolloré a assuré s'en tenir à son rôle de président du conseil de surveillance de Vivendi et Canal Plus: "Ce n’est pas moi qui dirige le groupe. Je suis très flatté quand on dit que c’est moi qui fait tout, mais je ne suis pas un surhomme, et je suis dans ma 65e année".

Quant aux départs à Canal Plus, "nous avons changé 21 dirigeants dans conditions financières extrêmement agréables pour les intéressés...".

Jamal Henni