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Vivendi: Jean-René Fourtou quitte le groupe sur un bilan mitigé

Jean-René Fourtou, venu assurer l'intérim chez Vivendi, restera finalement 12 ans

Jean-René Fourtou, venu assurer l'intérim chez Vivendi, restera finalement 12 ans - -

Celui qu'on a surnommé "Fourgue tout" quitte Vivendi, ce mardi 24 juin, à l'occasion de l'assemblée générale,12 ans après son arrivée. Il a désendetté le groupe, mais n'est pas parvenu à le rendre homogène, ni à faire remonter fortement l'action.

Mi-2002, lorsque Jean-René Fourtou a pris la direction de Vivendi, il assurait que c'était provisoire. Il assure "qu’il restera PDG jusqu’à ce que les problèmes majeurs de Vivendi soient réglés", indique ainsi le rapport annuel 2002, qui promet qu'il "pourrait quitter ses fonctions opérationnelles à la fin 2004"...

Le provisoire a finalement duré... 12 ans. Ce n'est que ce mardi 24 juin que notre homme, qui vient de fêter ses 75 ans, va prendre une retraite bien méritée. En effet, à l'occasion de l'assemblée générale, il quitte enfin la présidence du conseil de surveillance au profit de Vincent Bolloré. Il quittera en même temps son poste d'administrateur, indique le groupe. 

1-le cours de bourse

En 2003, l'action Vivendi valait 15,9 euros en moyenne. En 2013, le cours moyen est à peine supérieur: 16,5 euros. Toutefois, l'action a grimpé ces derniers mois pour atteindre 19 euros.

Car Jean-René Fourtou a tout fait pour faire remonter le cours. Il a notamment voulu recentrer Vivendi sur les médias, pensant qu'un pure player serait mieux valorisé en bourse qu'un groupe comprenant à la fois des médias et des télécoms.

Hélas, il n'est pas parvenu à laisser un groupe homogène. Si la plupart des actifs sont désormais médias, il reste néanmoins un actif télécoms, l'opérateur brésilien GVT. Et il a aussi dû se résoudre à vendre un actif média, à savoir les jeux vidéo.

2-le périmètre

Le magistère de Jean-René Fourtou se termine comme il a commencé: par une grande braderie, d'où son surnom de "fourgue tout". A son arrivée, il a vendu l'édition, les studios Universal, le reste de Veolia... Juste avant son départ, il a cédé SFR, Maroc Telecom et les jeux vidéo. 

Résultat: le groupe est aujourd'hui totalement désendetté. Mais, depuis 2001, son effectif a été divisé par dix, et son chiffre d'affaires divisé par cinq...

A chaque fois, JRF a dû garder ce qui était invendable, et donc n'est jamais parvenu à constituer un groupe homogène. A son arrivée, il n'a pas trouvé de repreneur ni pour Canal Plus, ni pour Universal Music, ni pour les jeux vidéo. Avant son départ, il a tenté -en vain- de vendre GVT.

Entretemps, il y a bien eu quelques acquisitions, jugées surpayées par les analystes financiers: les 44% de Vodafone dans SFR, l'opérateur de téléphone fixe Neuf Cegetel, l'éditeur de jeux vidéo Activision... Mais tous seront refourgués dans la grande braderie finale. Au final, il ne reste donc que GVT -et encore à contre coeur....

3-le jackpot

A son arrivée mi-2002, Jean-René Fourtou assure qu'il vient en bénévole. Mais cette belle promesse ne sera pas tenue. Vivendi a octroyé à Jean-René Fourtou un généreux salaire: un million d'euros par an de salaire fixe, plus un bonus pouvant aller jusqu'à 2,5 millions d'euros par an. A cela s'ajoute 3,7 millions de stock options...

Toutefois, il est impossible de faire un bilan exact. Certes, le nombre d'actions Vivendi détenues en direct par Jean-René Fourtou est publié dans les comptes. Mais le nombre d'actions détenues par sa femme Janelly, ses trois enfants ou la fondation Fourtou reste secret...

A noter que sa femme Janelly réduit ses impôts en détenant une société de défiscalisation, JF Services SARL, qui utilise une niche fiscale dite Girardin permettant de déduire les investissements dans les Dom-Tom, a indiqué Marianne.

De leur côté, deux des enfants ne sont plus résidents fiscaux français. L'un d'eux a créé une société au Luxembourg, Emilion SCA, où il a apporté 167.548 actions Vivendi. Cette société détient une filiale en France, Ramber SARL, qui a acheté un appartement pour le louer en meublé.

4-les affaires

Le magistère de Jean-René Fourtou a été émaillé de deux affaires.

D'abord, en 2002, l'AMF lance une enquête sur l'achat d'obligations Vivendi par la famille Fourtou. Dans un premier temps, le gendarme de la bourse notifie à Jean-René Fourtou un délit d'initié, mais finalement le met hors de cause pour une raison de forme. En effet, à l'époque, le règlement sur les délits d'initiés ne s’appliquait qu'aux produits financiers se négociant sur un marché réglementé. Or, la famille Fourtou avait souscrit aux obligations juste avant leur émission, et donc avant leur négociation sur un marché...

Une autre affaire sera lancée par Alain Marsaud, directeur de l'analyse et de la prospective de Vivendi, que Jean-René Fourtou mis à la porte juste après son arrivée. Interrogé dans l'enquête pénale sur Vivendi, cet ancien juge d'instruction attire l'attention des enquêteurs sur l'utilisation du jet privé de Vivendi. "Nous avons fait savoir [à Jean-René Fourtou] que l'utilisation du Falcon de l'entreprise pour se rendre au Maroc de manière régulière était susceptible de constituer un abus de bien sociaux", accuse-t-il.

Ces accusations déclenchent une enquête préliminaire, où est interrogé le président d'Aero Services, la filiale de Vivendi qui détient le jet. Ce dernier "a reconnu que le directeur financier de Vivendi lui avait demandé, en 2004, de masquer ou de détruire les documents permettant d'identifier les passagers. Une perquisition chez Vivendi permettait de découvrir que Jean-René Fourtou avait bénéficié de nombreux vols dont certains, réalisés avec son épouse ou des proches, paraissaient avoir un caractère privé. M. Fourtou a remboursé par la suite une partie de ces dépenses. Le procureur de la République classait sans suite cette procédure préliminaire en novembre 2005", indique l'ordonnance de renvoi rédigée à la fin de l'instruction.

Interrogé, le porte-parole du groupe a répondu: "Vivendi est passé d’une entreprise cumulant 38 milliards d’euros de dettes et de pertes, à un groupe totalement désendetté et doté d’une stratégie claire, avec de la croissance".

Jamal Henni