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Vivendi: de l'eau dans le gaz entre Jean-René Fourtou et Vincent Bolloré

L'industriel breton était réticent sur la nomination de Jean-Yves Charlier à la tête de SFR

L'industriel breton était réticent sur la nomination de Jean-Yves Charlier à la tête de SFR - -

Les rapports se dégradent entre le président du conseil de surveillance et le principal actionnaire. Tous deux sont réunis, les 21 et 22 juin, pour un séminaire sur l'avenir du groupe.

Chez Vivendi, rien ne se passe comme prévu. En décembre dernier, le président du directoire Jean-François Dubos avait accordé une interview aux Echos –son unique entretien à ce jour. Il annonçait son propre départ pour avril 2013, mais le maintien du management de SFR. Surtout, il disait vouloir se désengager des télécoms, et ouvrait la porte à une vente de SFR.

A peine six mois après, cette stratégie est déjà obsolète. Jean-François Dubos est toujours là. Mais un nouveau directeur général, Jean-Yves Charlier, a été nommé chez SFR. La vente de l'opérateur télécom a été abandonnée. Et aucun actif télécoms n’a été cédé, même si un processus est en cours pour Maroc Telecom.

Charlier "pas au niveau", selon Bolloré

Comment expliquer un tel revirement? Même si Vivendi refuse de l’admettre, difficile de ne pas y voir la patte de Vincent Bolloré. Depuis l’an dernier, l’industriel breton est le premier actionnaire avec 5% du capital, et membre du conseil de surveillance. On savait déjà qu’il s’était opposé à une vente de SFR à Numericable. On avait ensuite appris qu’il s’était opposé à la nomination de Jean-Yves Charlier comme président du directoire de Vivendi, doutant qu’il soit "au niveau".

On apprend aujourd’hui que Vincent Bolloré était en son for intérieur réticent à la nomination du même Jean-Yves Charlier à la tête de SFR. Certains affirment même qu'il aurait fait part de cette réticence à Jean-René Fourtou, ce que dément une source proche de Vivendi.

"Bolloré, un administrateur comme un autre"

Quoiqu'il en soit, ce n’est donc assurément plus le grand amour entre Vincent Bolloré et Jean-René Fourtou, qui se retrouvent aujourd’hui et demain à Paris pour le séminaire annuel sur la stratégie de Vivendi, comme l’a indiqué le Figaro.

Le président du conseil de surveillance de Vivendi s’est même permis une pique publique lors de la dernière assemblée générale: "5% d'une société ne donne pas la propriété d'une société". Lors d’un conseil de surveillance, Jean-René Fourtou, agacé par les multiples interventions du breton, lui aurait même lâché: "mais vous être un administrateur comme un autre!"

Le vieil homme est amer

Certains interlocuteurs de Jean-René Fourtou racontent que le girondin est fort marri de cette situation pour moult raisons. D’abord, la stratégie qu’il avait arrêtée –détaillée dans l’interview aux Echos- a de facto été mise à la poubelle. Vivendi tente bien de donner le change en expliquant n’avoir jamais changé d’avis, mais personne n’est dupe. Et en raison de ce revirement, il ne s’est finalement rien passé en un an, ce que tout le monde met sur le dos de Jean-René Fourtou. "Jean-René se sent trahi car, au départ, Vincent Bolloré n’avait pas objecté à cette stratégie, mais la bloquera plus tard", assure un interlocuteur du patron de Vivendi.

Jean-René Fourtou est d’autant plus amer qu’à 74 ans, il sait qu’il joue son dernier coup. 'Il est orgueilleux et ne veut pas partir sur un échec", assurent plusieurs proches. Or pour l’instant, son bilan à la tête de Vivendi est médiocre: l’action vaut à peu près autant qu’à son arrivée, et la dette est presque aussi élevée…

De plus, Jean-René Fourtou est aussi attaché aux équipes qu’il a mises en place dans le groupe, et peut craindre que Vincent Bolloré, s’il prend le pouvoir, ne les remplacent par des hommes à lui.

Fourtou cherche un plan B

Au final, la question est de savoir si tout cela remet en question le scénario écrit il y a un an, qui verrait Jean-René Fourtou prendre une retraite bien méritée, et confier les clefs du groupe à un actionnaire français et ami, à savoir le groupe Bolloré. On peut logiquement supposer que Jean-René Fourtou a de plus en plus de mal à accepter ce scénario pourtant écrit par lui-même, où le rôle du sauveur sera finalement tenu non par lui-même, mais par l’industriel breton.

Certains assurent même que le girondin réfléchit à un plan B, dans lequel un autre actionnaire plus amical monterait au capital afin de faire contrepoids à Bolloré. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. En effet, pour se payer 5% de Vivendi, il faut dépenser un milliard d’euros. Certes, il y aurait bien le riche Qatar, qui détient 1,6% du capital depuis un an. Mais l'émirat est devenu l'ennemi juré de Canal Plus depuis le lancement de sa chaîne Be In Sport... "Cette idée de plan B est ridicule et de toute façons infaisable", dément un proche du girondin.

Interrogés, Vivendi et Bolloré se sont refusés à tout commentaire.

Jamal Henni