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Vivendi: un an pour rien?

Le directeur financier Philippe Capron et le président du directoire Jean-François Dubos présentant les résultats le 26 février

Le directeur financier Philippe Capron et le président du directoire Jean-François Dubos présentant les résultats le 26 février - -

Le groupe a lancé une "révision stratégique" en avril 2012. Un an après, la stratégie reste toujours floue. Et peu de progrès devraient être annoncés lors de l'assemblée générale du 30 avril.

L'histoire se répète. En 2002, Jean-René Fourtou se retrouvait à la tête de Vivendi, un conglomérat rassemblant des actifs dans les télécoms et les médias. Il vendit ce qu'il pu, mais ne parvint pas à bâtir un groupe homogène.

Dix ans après, heureusement, Vivendi n'est plus au bord de la faillite, et bien moins endetté. Mais le cours est retombé au même niveau qu'en 2002. En avril 2012, pour faire remonter le cours, Jean-René Fourtou lançait donc une "revue stratégique" des actifs.

Près d'un an après, aucune cession n'a été annoncée lors de la présentation des résultats, qui s'est tenue ce mardi 26 février. Et il est à craindre que pas grand chose de mieux ne soit annoncé le 30 avril, lors de l'assemblée générale des actionnaires, date butoir que les dirigeants se sont fixés eux-mêmes.

Certes, Vivendi a bien confié l'an dernier à des banques d'affaires des mandats pour céder ses trois filiales télécoms: le français SFR, le brésilien GVT et le marocain Maroc Telecom. Mais les filets ont ramené bien peu de poissons.

SFR pas à vendre... pour l'instant

SFR? "SFR n'est pas à vendre aujourd'hui", a déclaré mardi le président du directoire Jean-François Dubos.

GVT? Cela semble mal parti. Selon Les Echos, la meilleure offre, celle de DirectTV, s'élève à seulement 5,8 milliards d'euros, soit moins que les 7 à 8 milliards attendus par le propriétaire. Selon Bloomberg, une autre offre de 5 milliards aurait été déposée par un groupe de fonds: KKR, Apax, JP Morgan Chase (via sa filiale locale Gavea). En revanche, Telecom Italia a déclaré ne pas être intéressé.

Maroc Telecom? C'est possible, mais pas garanti. Ici, le problème n'est pas vraiment l'argent. Certes, Vivendi espère tirer 6 milliards d'euros des 53% qu'il détient, et qui valent en bourse 4,5 milliards d'euros. Mais plusieurs riches acquéreurs se sont manifestés: l'émirati Etisalat, le qatari Qtel et le coréen KT. Même si "Vivendi n'a reçu aucune offre ferme à ce stade", a précisé mardi le directeur financier Philippe Capron.
Le problème est plutôt politique: Rabat, qui détient toujours 30% de l'opérateur, ne veut pas des qataris. Le Royaume aimerait bien que ce soit France Télécom, mais son PDG Stéphane Richard a répété la semaine dernière que Maroc Télécom n'était pas sa priorité...

Le retour du break up?

Bref, sauf surprise, Vivendi devrait garder à court terme dans son giron plusieurs actifs télécoms. Le désengagement des télécoms, dont parlait Jean-René Fourtou en privé l'an dernier, n'est donc pas pour demain. L'objectif de ce désengagement était de devenir un groupe recentré sur les médias, et, par là, de mettre fin à la décote dont souffre Vivendi en bourse en raison de l'hétérogénéité de ses actifs (décote de holding).

Pour atteindre cet objectif, il y a un autre moyen: scinder le groupe en deux. Les actions de l'activité télécoms pourraient par exemple être distribuées aux actionnaires actuels. "Il n'y a pas de dogme sur le sujet", a déclaré mardi Philippe Capron, qui, pourtant, excluait cette option fin août...

Progrès laborieux

Mardi, les dirigeants ont donc expliqué pourquoi leurs progrès étaient aussi laborieux. "Cela prend plus de temps que prévu", a admis Philippe Capron.

"Nous avons six gros objets à plus de cinq milliards d'euros chacun. Comment voulez vous qu'on règle tous les problèmes en même temps?", a dit Jean-François Dubos.

"Nous n'allons pas brader nos actifs. Si le prix n'est pas là, il n'y aura pas de transaction. Nous ne sommes pas pressés d'accepter une offre si elle n'est pas suffisante, nous ne sommes pas sous contrainte", a ajouté Philippe Capron. Il espère toutefois vendre en 2013 au moins un actif, si ce n'est deux.

Mais il y a sans doute une autre explication que les dirigeants de Vivendi n'avoueront jamais. Leur nouvel actionnaire Vincent Bolloré, lors de son entrée au conseil de surveillance en décembre, a visiblement recadré la stratégie en cours, préférant prendre son temps plutôt que de brader des actifs.

"La trajectoire est claire: devenir un groupe de médias, mais avant d'y arriver, il y a des étapes", a conclu Philippe Capron.

Jamal Henni