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Vivendi: un groupe centenaire toujours à la recherche d'une vraie stratégie

Jean-René Fourtou, président du Conseil de surveillance de Vivendi

Jean-René Fourtou, président du Conseil de surveillance de Vivendi - -

L'assemblée générale qui se tient mardi 30 avril est très attendue concernant la stratégie après des mois de gestion erratique. L'occasion d'un retour sur l'histoire d'un groupe passé de la distribution de l'eau à la téléphonie et la production audiovisuelle.

Vivendi est au tournant de son histoire. La stratégie du groupe devrait enfin être éclaircie lors de l’assemblée générale qui se tient, ce mardi 30 avril, après un an de gestion erratique.

Même si, selon un proche du groupe, aucune annonce majeure ne devrait intervenir. Toutefois, selon Le Figaro, le groupe pourrait évoquer un désengagement des jeux vidéo. Tandis que le Journal du dimanche assure que son président, Jean-René Fourtou, annoncera son départ et une introduction en bourse de SFR.

1853: naissance de la Compagnie générale des Eaux

Vivendi ouvrira ainsi un nouveau chapître de son histoire plus que centenaire. La société est créée pour fournir de l’eau à Lyon sous le nom de Compagnie Générale des Eaux par un décret impérial de décembre 1853. La société s’étend ensuite dans de nombreuses villes françaises.

Sous la houlette de son huitième président (1976-1996), Guy Dejouany, la CGE se diversifie dans les télécoms (SFR) et dans la télévision (Canal Plus).

1996: Jean-Marie Messier PDG

En 1996, Jean-Marie Messier succède à Guy Dejouany, puis rebaptise le groupe Vivendi. Porté par la bulle internet (le cours atteint 240 euros en 1999), cet énarque passé chez Edouard Balladur se lance dans une série d’acquisitions dans les médias en France (Havas) et surtout aux Etats-Unis: mp3.com (musique), Houghton Mifflin (édition), Cendant (jeux vidéo), Echostar (satellite), USA Networks (télévision) et surtout Universal (cinéma et musique). Il se désengage du BTP (Vinci) et amorce la sortie du métier historique de l’environnement, qui deviendra indépendant sous le nom de Veolia.

Edgar Bronfman Jr (patron et actionnaire dirigeant d'Universal), Jean-Marie Messier et Pierre Lescure célèbrent le rachat d'Universal en juin 2000 (Reuters)

Cette frénésie d’acquisitions, souvent payées en cash, fait exploser la dette du groupe, et le conduit au bord de la faillite. Lâché par l’establishment, "J2M" fait d’abord sauter un fusible, en limogeant le patron de Canal Plus, Pierre Lescure.

Pierre Lescure s'adresse aux salariés de Canal Plus après son limogeage en avril 2002 (Reuters)

2002: Jean-René Fourtou aux commandes

Mais Jean-Marie Messier est finalement acculé à la démission en juillet 2002, et remplacé par Jean-René Fourtou, qui fait venir comme bras droit Jean-Bernard Levy. Le cours atteint son plus bas (8,9 euros) en août 2002.

Jean-René Fourtou vend à tour de bras pour faire rentrer de l’argent. Il vend le reste de l’environnement, l’énergie, l’édition (à Lagardère et Wendel), la presse (à Dassault qui rachète L’Express), le cinéma (à NBC), les télécoms hors de France (sauf le Maroc), les filiales étrangères de Canal Plus…

Mais certains actifs ne trouvent pas preneur, comme Canal Plus (que Lagardère refuse de racheter pour l’euro symbolique), les jeux vidéo (au management douteux) et la musique (attaquée de plein fouet par la piraterie).

Jean-René Fourtou lors de l'assemblée générale d'avril 2003 (Reuters)

Jean-René Fourtou se bat pour garder un seul actif, SFR : il repousse l’offre de rachat du britannique Vodafone, et réussit même à monter à 56% du capital.

Il doit enfin gérer les suites judiciaires de l’ère Messier. En 2010, la société est condamnée à indemniser ses actionnaires américains dans le cadre d’une class action (une provision de 100 millions d’euros est passée). Deux ans après, elle est à nouveau condamnée à payer 765 millions d’euros à Liberty Media, qui avait reçu des actions en paiement de sa participation dans USA Networks.

De son côté, Jean-Marie Messier est condamné en 2011 par le tribunal de grande instance de Paris à trois ans de prison avec sursis et 150.000 euros d’amende (il a fait appel).

Jean-Marie Messier et sa compagne lors de son procès devant le tribunal de grande instance de Paris en 2010 (Reuters)

A partir de 2006, Vivendi reprend ses acquisitions: le bouquet satellite TPS, les chaînes de télévision Direct 8 et Direct Star, l’éditeur de jeux vidéo Activision, la major de la musique EMI, les opérateurs télécoms Neuf Cegetel et GVT au Brésil. En 2011, il monte même à 100% du capital de SFR en rachetant les parts de Vodafone.

2012: le saut dans le vide

Mais, au printemps 2012, le groupe rentre dans une zone de turbulences. Les actionnaires sont mécontents du cours, revenu à son niveau de 2002. Lors de l’assemblée générale, Jean-René Fourtou est critiqué par les petits porteurs. Il décide alors de se lancer dans une "revue stratégique" des actifs, "sans tabou". En désaccord, Jean-Bernard Levy s’en va fin juin 2012.

Jean-Bernard Levy présente les résultats semestriels en août 2011 (Reuters)

Depuis, Vivendi ressemble parfois à un bateau ivre. Plusieurs pistes sont étudiées (vente des jeux vidéo ou des télécoms, scission entre médias et télécoms…), puis abandonnées, et enfin remises à nouveau sur la table.

Le problème est que Jean-René Fourtou n’a plus les mains libres: il a acheté les chaînes Direct 8 et Direct Star en donnant des actions Vivendi à leur propriétaire, Vincent Bolloré. L'industriel breton devient donc le premier actionnaire de Vivendi, et entre au conseil de surveillance le 13 décembre 2012. Selon certaines sources, il se serait opposé à certaines décisions, comme la vente rapide de SFR.

Jean-René Fourtou lors de l'assemblée générale d'avril 2010 (Reuters)

Jamal Henni