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Ce que Vivendi va faire de son trésor de guerre

Les dirigeants de Canal Plus Bertand Meheut et Rodolphe Belmer entourant Yannick Bolloré.

Les dirigeants de Canal Plus Bertand Meheut et Rodolphe Belmer entourant Yannick Bolloré. - -

Le conglomérat disposera de 10 milliards d'euros à la suite des cessions en cours. Il va en redistribuer la moitié à ses actionnaires. Le reste pourrait être utilisé pour faire des acquisitions dans les médias.

En début d'année, Vivendi était encore lourdement endetté, avec une dette nette de 11 milliards d'euros.

Mais le conglomérat va recevoir cette année deux gros chèques en vendant Maroc Telecom puis SFR.

Après ces cessions, le groupe présidé par Jean-René Fourtou sera totalement désendetté, et disposera même d'une trésorerie nette de 5 milliards d'euros, a-t-il indiqué jeudi 24 avril.

Et ce n'est pas tout. Il pourra ensuite vendre ses participations minoritaires dans Activision Blizzard et SFR. Cette dernière "devrait valoir environ 4 milliards d'euros", selon les déclarations optimistes de Jean-René Fourtou aux Echos.

Au total, le groupe dispose donc d'un trésor de guerre de 10 milliards d'euros, voire même plus s'il décide de s'endetter légèrement. "Vivendi pourrait supporter une dette nette de 1 à 1,5 milliard d'euros", estime ainsi Exane.

Reste à savoir comment ce trésor de guerre va être dépensé. Revue des cinq options possibles.

> 1-rendre de l'argent aux actionnaires

Jeudi, Vivendi a annoncé qu'il allait redistribuer 5 milliards d'euros à ses actionnaires d'ici fin 2015 sous forme de dividendes et de rachats d'actions.

En pratique, Vivendi versera en 2014 un dividende d'un euro par action (soit le même montant que les deux années précédentes), ce qui représente 1,34 milliard d'euros.

Une fois les actionnaires remerciés, il restera encore largement de quoi faire des acquisitions. Vivendi pourrait y consacrer 2 à 4 milliards d'euros, estime par exemple Oddo. Plusieurs options sont possibles.

> 2-de la télévision payante à l'étranger

"Le modèle de Canal Plus nous semble pouvoir être répliqué dans d'autres pays. Nous pourrions octroyer à Canal Plus plus de moyens pour devenir un acteur mondial", expliquait il y a un an l'ancien président du directoire de Vivendi Jean-François Dubos.

C'est le vieux rêve du patron de Canal Plus, Bertrand Meheut. Il a regardé moult dossiers, mais en vain: l'allemand Premiere (finalement raflé par Rupert Murdoch), l'espagnol Digital+, le canadien Bell TV, le turc Digiturk (finalement retirés de la vente), ou encore l'africain GTV (qui a fait faillite).

Toutefois, il a réussi à prendre pied en Pologne et au Vietnam. Il reste potentiellement intéressé par Digiturk, qui pourrait être remis en vente.

> 3-des producteurs étrangers

Ces dernières années, Canal Plus a racheté plusieurs sociétés de production européennes, comme le britannique Red ou l'allemand Tandem.

Cette piste pourrait être poursuivie, en Europe mais aussi aux Etas-Unis. Sans doute pas en rachetant une major, Vivendi ayant été échaudé par le rachat d'Universal en 2000. Mais plus probablement une mini-major indépendante. Natixis cite par exemple LionsGate, Weinstein Co, Relativity, ou encore des chaînes câblées américaines, comme Scripps Networks, A&E ou AMC (célèbre pour diffuser Mad men ou Breaking bad).

Selon cet analyste, "un renforcement aux Etats-Unis semble indispensable pour s’imposer comme l’un des principaux acteurs mondiaux. Il permettrait d’acquérir rapidement une taille mondiale, afin notamment de participer au financement de coproductions ambitieuses et compétitives: séries, documentaires etc. Et ainsi constituer un groupe compétitif face aux acteurs du contenu américain: Discovery, Fox, NBC Universal, etc. Aussi, l’enjeu pour Vivendi serait alors de réussir la jonction entre ses activités européennes et américaines, point sur lequel le groupe avait échoué une première fois au début des années 2000".

> 4-des start up internet

Début mars, la Lettre de l'Expansion affirmait que Canal Plus pourrait prendre la majorité du capital de DailyMotion.

Les deux groupes se connaissent déjà bien: la chaîne cryptée a lancé au Canada une version de son offre pour PC (over-the-top) en utilisant le site de vidéos. Un modèle qui pourrait être reproduit dans d'autres pays.

En outre, le prix du site est abordable: il a été valorisé 127 millions d'euros lors de son rachat par Orange.

> 5-des médias en France

Vincent Bolloré, nouveau président du conseil de surveillance, pourrait vouloir se renforcer dans les médias français.

La rumeur lui prête depuis de longues années un intérêt pour Europe 1. Il pourrait aussi vouloir se renforcer dans la télévision, mais cela se heurte à un obstacle légal. En effet, le groupe détient déjà actuellement 7 chaînes hertziennes (Canal+, Canal+ Cinéma, Canal+ Sport, Planète, D8, D17, iTélé), ce qui est le maximum autorisé.

Selon Challenges, le nouveau Vivendi pourrait aussi s'intéresser à la presse écrite, grande spécialité du nouveau président du directoire Arnaud de Puyfontaine. Dans le passé, Vincent Bolloré avait notamment étudié un rachat de la Tribune puis du Parisien. Avantage: ces actifs sont actuellement bradés. Inconvénient: ce n'est pas vraiment une activité en croissance...

Enfin, l'industriel breton pourrait aussi vouloir rapprocher Vivendi (dont il détient 5%) et l'agence de publicité Havas (dont il détient 37%).

Le titre de l'encadré ici

|||Les cessions de Vivendi

Maroc Telecom
4,2 milliards d'euros (finalisation prévue au printemps 2014)

SFR
13,5 milliards d'euros en cash (finalisation prévue à l'automne 2014)
4 milliards d'euros en actions (cédables un an après la finalisation)

Activision Blizzard
1,2 milliard d'euros en actions (50% cédables entre le 10 avril et le 9 juillet 2014, puis 100% à partir du 7 janvier 2015)

Jamal Henni