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Volkswagen: comment le tout-puissant patron Herbert Diess est brutalement devenu un "canard boiteux"

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- - Odd ANDERSEN / AFP

Fragilisé par le scandale du DieselGate puis par la crise économique, le groupe a décidé de mettre son patron sur la touche. Un conflit interne dont VW se serait bien passé...

Le numéro un mondial de l'automobile Volkswagen, déjà aux prises avec l'impact du scandale de ses moteurs diesel, est secoué par un conflit interne ayant abouti à l'affaiblissement du patron du groupe.

Mardi, le conseil de surveillance de VW a révélé une partie des dessous qui l'ont conduit à retirer la veille à celui qui jusqu'ici était l'homme fort de l'entreprise, Herbert Diess, la direction de la principale marque du groupe, à savoir VW.

Herbert Diess, 61 ans, reste certes président du directoire, mais sans une marque sous sa tutelle, il est un "roi nu" selon l'expression de l'hebdomadaire Der Spiegel, et se retrouve cantonné à un rôle de "président de séance".

Bras de fer

Sous le feu des critiques depuis plusieurs semaines, Herbert Diess a accusé la semaine dernière, lors d'une visioconférence avec plus de 3.000 cadres du groupe, des membres de l'instance de contrôle du groupe de fuites "illégales" dans les médias, selon la presse allemande.

Furieux d'être mis en cause, le conseil de surveillance, qui réunit des représentants des principaux actionnaires ainsi que du personnel, a alors envisagé un possible renvoi du dirigeant. Finalement, lors d'une réunion lundi, Herbert Diess "a présenté ses excuses", a indiqué le groupe mardi dans un bref communiqué.

"Les membres du conseil de surveillance les ont acceptées et soutiendront M. Diess dans son travail". Mais à compter du 1er juillet, Herbert Diess va se retrouver affaibli. Il devra céder la direction de la marque phare VW à l'actuel directeur exécutif de celle-ci, Ralf Brandstätter.

Erreurs en cascade

Herbert Diess, dont le contrat court en principe jusqu'en 2023, va-t-il rester jusqu'au bout dans ces conditions? Rien n'est moins sûr. Le PDG aux manettes du groupe depuis 2018 voit en effet son influence fortement réduite et se transforme en "lame duck" ("canard boiteux"), selon l'expert allemand du secteur automobile Ferdinand Dudenhöffer.

Les critiques en interne montaient depuis fin mai. Plusieurs représentants syndicaux ont publié une lettre ouverte au vitriol en se disant "inquiets" après des "erreurs" qui "nous coûtent beaucoup d'argent et rabaissent encore notre image".

Le géant automobile, qui peine encore à se relever du scandale des moteurs diesel truqués, a en particulier multiplié ces derniers mois les "pannes de communication", ont accusé les syndicats.

"Désastre"

Dernière en date: une vidéo diffusée par Volkswagen sur Instagram à caractère raciste. On y voit une main blanche en gros plan qui saisit un homme noir portant un costume et le renvoie d'une pichenette vers l'intérieur d'un établissement dénommé "le petit colon" pour l'éloigner d'une Golf jaune garée devant l'entrée. Le groupe a dû présenter ses excuses.

Au delà de la communication, les représentants du personnel ont dénoncé un "désastre dans la production". La marque VW peine à résoudre des problèmes de logiciels qui retardent la production de deux modèles cruciaux, la Golf 8 et l'ID.3.

Si la première doit assurer un haut volume de ventes et générer les profits, la seconde est au coeur du virage vers l'électrique de Volkswagen. Le puissant chef du comité d'entreprise, Bernd Osterloh, "a gagné le bras de fer" engagé avec Herbert Diess, commente l'économiste Ferdinand Dudenhöffer.

"Volkswagen se retrouve dans une crise de gouvernance à un moment particulièrement difficile", entre virage électrique et crise économique, ajoute le directeur du Center of Automotive Research. Pour l'instant, Herbert Diess peut encore compter sur le soutien - crucial - de la famille Porsche-Piëch, actionnaire principal du groupe automobile. Elle a demandé mardi le retour à "l'apaisement".

TL avec AFP