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Xavier Niel et Patrick Drahi, une rancune tenace

Xavier Niel et Patrick Drahi  ne se parlent plus depuis 2011

Xavier Niel et Patrick Drahi ne se parlent plus depuis 2011 - Jacques Demarthon & Fred Dufour - AFP ; montage BFMTV

Le patron de Free et celui de Numericable-SFR ne se parlent plus depuis 2011, à cause de leur rivalité dans les télécoms israéliennes. Une fâcherie qui rend difficile une offre commune sur Bouygues Telecom...

L'été dernier, Patrick Drahi a envoyé émissaire sur émissaire auprès de Xavier Niel. Le patron de Numericable-SFR voulait discuter avec son homologue de Free du rachat de Bouygues Telecom.

En effet, un rachat de la filiale de Bouygues par Numericable-SFR devra impérativement obtenir le feu vert du gendarme de la concurrence. Et pour cela, il faut que Numericable-SFR cède une large partie des actifs de Bouygues Telecom. Et l'acquéreur idéal est bien sûr Free. D'où l'idée de trouver un accord avec le trublion des télécoms françaises, comme Martin Bouygues l'a fait de manière symétrique lorsqu'il voulait racheter SFR...

L'origine du conflit

Problème: Xavier Niel ne veut pas faire affaire avec Patrick Drahi, et a éconduit systématiquement tous ses émissaires.

Un refus qui tient aux rapports exécrables entre les deux tycoons des télécoms françaises. Ils ne se parlent plus depuis 2011.

Pourtant, les deux hommes se ressemblent un peu: ce sont des milliardaires audacieux, qui partis de rien, ont fait fortune dans les télécoms.

Mais une brouille persistante les oppose, dont l'origine est à chercher en Israël, où ils détiennent chacun un opérateur de téléphonie mobile.

Leur brouille date de la mise aux enchères de licences mobiles par Tel Aviv en 2011. Lors de ces enchères, chacun a déposé une offre, en concurrence frontale.

Le jour du dépôt des enchères, le quotidien Yediot Ahronoth a publié un portrait à charge de Xavier Niel. Cet article s'étendait largement sur ses déboires judiciaires. Mais aussi ses participations dans des peep shows, et ses débuts dans le Minitel rose, qu'il aurait quitté "car Niel ne voulait pas que ses enfants le voient comme un patron du porno", affirme l'article. Enfin, l'article assure qu'il aurait piraté les voitures de service de l'Elysée...

Un article à charge

Furieux, Xavier Niel voit dans cet article la main de Patrick Drahi: en effet, le propriétaire de ce quotidien, la famille Mozes, est associé à Patrick Drahi dans le câblo-opérateur Hot, et fourni aussi du contenu à sa chaîne d'information i24news. Patrick Drahi niera bien être à l'origine de cet article, mais sans convaincre...

Patrick Drahi a une version différente, et accuse symétriquement Xavier Niel d'être à l'origine de leur brouille. Il lui reproche de s'être lancé dans la téléphonie mobile en Israël contre lui, et en association avec Michaël Boukobza.

Ce dernier est une vieille connaissance de Xavier Niel: il a longtemps été son bras droit chez Free, avant de le quitter brusquement en 2007. Il s'installe alors en Israël, se rebaptise Michaël Golan, et travaille notamment pour Patrick Drahi de mi-2009 à mi-2010.

Passé à l'ennemi ?

Peu après le départ de Michael Boukobza, Patrick Drahi voit donc surgir un projet rival de téléphonie mobile, associant donc Xavier Niel et Michael Boukobza. Furieux, Patrick Drahi accuse Michael Boukobza d'être passé à l'ennemi, et l'attaque même en justice pour l'empêcher de participer aux enchères de 2011, mais en vain...

Reste à savoir combien de temps durera la brouille entre les deux rois des télécoms. Cela pourrait être encore long: "Niel, lorsqu'il a vu l'article contre lui, a promis à Drahi qu'il ne lui parlerait plus pendant 10 ans", assure un proche.

Interrogés, Xavier Niel n'a pas souhaité faire de commentaires, tandis que le porte-parole de Patrick Drahi renvoie à ses déclarations sur Xavier Niel dans Challenges du 6 février 2014: "j'étais sûr dès le départ que Xavier Niel réussirait. Quand j'ai vu l'offre mobile de Free, je me suis dit: génial!"

Merci à Nitza pour la traduction

Un litige en moins

Free et Numericable ont récemment mis fin à un de leurs litiges, via une transaction à l'amiable, qui met fin à une procédure engagée devant le tribunal de commerce de Paris.

Ce conflit remontait à 2005. Cette année-là, Free rachète pour 57 millions d'euros la fréquence WiMax d'un petit opérateur normand, Altitude Telecom. L'accord prévoit qu'en parallèle, Altitude pourra louer le réseau haut débit de Free.

Mais rapidement, un conflit survient sur ce volet de l'accord, Altitude accusant Free de ne pas lui fournir toutes les capacités promises.

Finalement, fin 2010, Altitude porte plainte contre Free, l'accusant de manquements contractuels et réclamant 6,2 millions d'euros de dommages.

Juste après, Altitude se vend pour 58 millions d'euros à Completel, un opérateur spécialisé dans les télécoms pour entreprise et qui appartient au même groupe que Numericable. 

Précisons toutefois que ce litige restait géré par l'ancien propriétaire d'Altitude, Jean-Paul Rivière. Cette issue amiable n'indique donc nullement un réchauffement des relations entre Free et Numericable...

Interrogé, Free s'est refusé à tout commentaire, et Numericable n'a jamais répondu.

Jamal Henni