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Y a-t-il vraiment une obsolescence programmée des collants?

Existe-t-il un moyen de faire des collants fins et résistants?

Existe-t-il un moyen de faire des collants fins et résistants? - Gerbe

Les collants sont-ils conçus pour filer plus vite afin que les femmes en achètent davantage? C'est la thèse d'un livre qui sort ces jours-ci sur l'obsolescence programmée. Une affirmation qui ne repose sur aucun élément concret. Explication.

Les fabricants de collants conçoivent sciemment des produits peu résistants afin que les consommatrices en achètent plus souvent. Voilà la thèse d'un livre qui sort ces jours-ci, "Du jetable au durable: En finir avec l'obsolescence programmée" co-écrit par Laetitia Vasseur, fondatrice de l'association HOP (Halte à l'obsolescence programmée). Un reportage a même été consacré à ce thème sur France Inter en début de semaine, qui affirme sans l'étayer que les fabricants de collants font en sorte d'en limiter la durée de vie. 

C'est ce que nous explique Laetitia Vasseur: "Des collants résistants pourraient a priori exister, mais ça n'intéresse pas les marques, ce n'est pas leur stratégie. Dim nous a dit que ce n'était pas une attente des femmes par exemple". Des collants résistants pourraient donc a priori exister. Interrogée, la marque Dim, leader en France avec 40% de part de marché, assure pourtant que ce n'est pas le cas. "Il n'y a pas de mystère, la résistance des collants est liée à l'épaisseur: plus ils sont fins, moins ils seront résistants. Un collant transparent de 10 deniers sera fatalement moins solide qu'un collant opaque de 80 deniers", explique Fabienne Mallat, directrice artistique et communication de Dim en France. Le denier est l'unité de mesure de l'épaisseur du collant. Il correspond au poids en grammes pour 9.000 mètres de fil. Car il faut en moyenne 10 kilomètres de fil pour fabriquer un collant.

Quand Que Choisir vante la résistance des collants

Selon Dim donc, la solidité des collants dépend de l'épaisseur. Or comme les femmes veulent des collants plus fins et transparents, ils sont moins résistants. Mais y'aurait-il moyen malgré tout de faire des collants fins et résistants? "Mais c'est à quoi nous travaillons, assure Fabienne Mallat. C'est une obsession chez nous de faire du résistant: on a des contrôles qualité stricts, on teste la résistance des produits, on lance des nouveautés comme Absolu Resist et Absolu Flex fabriqués à partir de fil Lycra Fusion plus résistant, qui empêche les collants de filer s'il y a un trou". Ce que confirme une étude réalisée en 2012 par Que Choisir. Extrait:

"Avec le Eldys "infaillible, extrême résistance", le Well "indestructible", le Dim Sublim Absolu Resist et son "zéro maille filée", les acheteuses sont à l'abri de l'inélégante échelle capable de gâcher la tenue la plus élégante. Les trous volontairement formés par notre laboratoire n'ont pas fait filer les mailles."

Il semble donc y avoir une volonté de fabriquer des produits plus résistants de la part des fabricants, avec un succès certain si l'on en juge le banc d'essai réalisé par Que Choisir. Évidemment, précise le journal, ils ne sont pas inusables. "Ils ne sont pas à l'abri de fils tirés ni de l'usure due aux frottements, notamment dans la chaussure." Mais existe-t-il des vêtements inusables? 

Difficile donc de démontrer une quelconque volonté de la part des fabricants de collants grand public de proposer des produits peu résistants afin que les gens en achètent plus. Pourtant du côté de HOP on l'assure: "Des collants vraiment résistants pourraient exister. Mais ça coûterait plus cher." 

"Les marques utilisent des fils moins chers pour faire des produits moins chers"

Soit. Nous avons donc interrogé des marques de collants premium comme Berthe aux Grands Pieds ou Gerbe. Des marques qui vendent des collants entre 20 et plus de 40 euros la paire (alors que le prix de vente moyen des collants en France est de 4,46 euros) et pour qui l'image de marque est primordiale. Impossible pour elles de s'amuser à concevoir des produits "jetables" sous peine de voir leur business en pâtir.

Serait-il possible de concevoir un collant indestructible pour moins de 10 euros? Voilà la réponse de Philippe Genoulaz, le directeur général exécutif de la marque Gerbe:

"On peut faire un produit solide oui, mais il ne sera pas beau. Un verre de cantine c'est solide, mais est-ce le verre que vous mettez sur la table quand vous recevez des convives de marque? Non? Et bien les collants c'est pareil. Aujourd'hui on trouve des produits de mauvaise qualité sur le marché car ils sont fabriqués avec des fils moins chers. Et les marques utilisent des fils moins chers pour faire des produits moins chers, pas pour qu'ils se détériorent plus vite." 

Les produits que l'on trouve en grande distribution sont souvent fabriqués en Chine et utilisent des fils de polyamide dite à structure simple, qui coûtent entre 5 et 10 euros le kilo, quand les fils utilisés par les marques premium coûtent entre 30 et 50 euros le kilo. Par ailleurs, les marques haut de gamme font essentiellement produire en France (à Saint-Vallier en Bourgogne pour Gerbe et à Montceau-les-Mines pour la manufacture Perrin qui produit les collants Berthe aux Grands Pieds) et leur process est plus complexe. Conception, tricotage des parties à renforcer, assemblage ou encore traitement thermique afin de stabiliser le collant pour qu'il soit plus résistant. "Cette dernière étape est souvent supprimée, ce qui permet de faire baisser le coût de revient de 10% à peu près mais le collant est au final de moins bonne qualité", explique Philippe Genoulaz. Bref, si Gerbe se targue de proposer des produits de meilleure qualité, il le fait à un prix qui n'est peut-être pas accessible à tout le monde: 35 à 40 euros. "Mais notre produit peut être porté 2 ans", assure la marque. 

Entre des marques connues comme Dim, qui proposent des produits plus résistants et des marques haut de gamme comme Berthe ou Gerbe, difficile de mettre au jour une quelconque obsolescence programmée, qui semble relever de la théorie du complot.

En revanche, l'association HOP pose le débat légitime de la sur-consommation et de son impact sur l'environnement. "Il faudrait sensibiliser les consommatrices au fait qu'il existe des produits plus chers et plus résistants afin qu'elles en achètent moins", explique Laetitia Vasseur. Sauf qu'avec un prix moyen de vente de 4,46 euros le collant, il sera sans doute compliqué de les convaincre de dépenser 30 à 40 euros dorénavant. 

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco