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Yannick Noah perd son procès contre le fisc

Yannick Noah fêtera la victoire de François Hollande à la Bastille le 6 mai 2012, ce qui lui vaudra les critiques de la droite

Yannick Noah fêtera la victoire de François Hollande à la Bastille le 6 mai 2012, ce qui lui vaudra les critiques de la droite - AFP Franck Fife

Le Conseil d'État a définitivement débouté le chanteur, qui contestait un redressement fiscal d'un million d'euros effectué il y a 20 ans.

Enfin! Après 20 ans de procédure, le Conseil d'État vient de mettre un point final au conflit entre Yannick Noah et le fisc, en déboutant définitivement le tennisman (cf. jugement ci-dessous). 

Le conflit portait sur la résidence fiscale du champion de tennis, qui avait déclaré être résident fiscal en Suisse entre 1988 et 1993. Mais le fisc français ne l'entendait pas de cette oreille, estimant qu'il était en réalité résident fiscal français durant l'année 1993. Après un contrôle, Yannick Noah s'était vu notifier un redressement fiscal d'un million d'euros, révélé par le Canard enchaîné

Guérilla juridique

L'ex-gloire du tennis français s'est alors lancé dans une guérilla juridique tous azimuts pour contester cette ardoise. Il a estimé son redressement contraire à la Convention européenne des droits de l'homme, et à la Constitution (mais le Conseil constitutionnel le déboutera), mais aussi fait remonter l'affaire deux fois jusqu'au Conseil d'État.

Yannick Noah a gagné toutefois sur deux points. D'abord, il a pu déduire de ses revenus la pension alimentaire versée à son ex-épouse Cécilia (126.000 euros par an). Ensuite, il n'a finalement pas eu à payer les pénalités (+40%) que le fisc inflige aux contribuables faisant preuve de mauvaise foi. Pour les juges, "l'administration [fiscale] ne justifie pas de l'intention d'échapper à l'impôt en France". Au final, il a pu ainsi réduire le montant du redressement à 661.457 euros, qui ont été payés depuis. 

Le fisc épluche les dépenses

Mais le fait qu'il soit résident fiscal français et non suisse en 1993 a bien été confirmé par la justice. Pour parvenir à cette conclusion, les limiers du fisc ont épluché jour par jour ses dépenses cette année-là: chèques, relevés de carte bleue, factures de téléphone mobile... Ils en ont conclu que Yannick Noah avait bien passé la majorité de l'année (183 jours) en France, alors qu'il affirmait avoir passé 240 jours en Suisse. Certes, il louait un chalet à Montreux et possédait une clinique de remise en forme en Suisse. Mais il détenait surtout un appartement à Paris et une maison dans l'Essonne qu'il "occupait régulièrement", et où il hébergeait aussi ses soeurs, sa mère, ainsi que son père lors de ses passages en France. En outre, ses enfants résidaient aussi en France, où il possédait aussi sept voitures et dix-sept comptes bancaires...

À partir du moment où il était résident fiscal français, Yannick Noah aurait donc dû déclarer au fisc français ses comptes bancaires en Suisse, aux États-Unis et aux Pays-Bas, ce qu'il n'avait pas fait. Le fisc considérera donc que les sommes transférées depuis ces comptes vers la France (584.000 euros en 1993 puis 300.000 euros en 1994) étaient bien imposables. 

Après la Suisse, Yannick Noah a été résident fiscal en Grande-Bretagne, puis à nouveau en France depuis 2003, indique son avocat fiscaliste, Me Alain Sarrazin, qui n'a pas souhaité faire de commentaires sur la décision du Conseil d'Etat.

Pour sa part, Yannick Noah s'est exprimé une fois sur le sujet, en 2012, devant le Sénat (cf. encadré ci dessous). En 2013, il a fait condamner le sénateur UMP Pierre Charron qu'il l'avait qualifié de "délinquant fiscal". Mais il n'a pas réussi à faire condamner Marine Le Pen, qui l'avait traité d'"exilé fiscal". En 2016, Me Sarrazin avait expliqué que Yannick Noah ne devait plus rien au fisc, et que sa dette vis-à-vis du fisc ne pouvait donc avoir été effacée, comme l'affirmait une rumeur. 

Les déclarations de Yannick Noah au Sénat en 2012

"Certains sportifs français font toute leur carrière et leur après-carrière à l'étranger. Lorsque je jouais au tennis, je résidais en France. [...] J'ai pris ma retraite en 1990 et j'ai décidé de m'installer en Suisse en 1991. J'avais la crainte du lendemain. C'était avantageux pour moi. Toutefois, il aurait fallu adopter un certain mode de vie pour continuer à vivre à Montreux. Au bout de trois ans, le temps m'a semblé long et j'ai décidé de revenir en France. [...] Le mode de vie en Suisse ne me satisfaisait pas, même si j'avais envie de faire des économies. [...] Un joueur de tennis perçoit la plupart de ses revenus à l'étranger, contrairement au chanteur que je suis maintenant, qui fait 80% de sa carrière en France. Il est hors de question que j'aille ailleurs. Je gagne mon argent ici, je paye mes impôts ici et, naturellement, je vis ici. [...] Je gagne mon argent ici, grâce au public français. Il me semble donc normal de partager avec lui. [...] Je suis effectivement en procédure. Le fisc me réclame, au titre de l'année fiscale 1993, une certaine somme, que je conteste. Certains pensent qu'il y a ambiguïté ; moi, j'estime que je défends mes droits, comme tout citoyen. Je conteste la somme qui m'est réclamée et continuerai à la contester jusqu'au moment où la justice décidera. À l'heure où l'on parle, je ne dois rien. Pour ce qui est de l'exemplarité, il est effectivement très important de s'acquitter de l'impôt et, pour certains, plus rares, d'aller au-delà".

Jamal Henni