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Après les dividendes, les grands patrons lâchent du lest sur leur rémunération

Certains observateurs estiment que derrière cette indéniable preuve de solidarité, se cache une volonté de remporter l'adhésion du grand public.

Certains observateurs estiment que derrière cette indéniable preuve de solidarité, se cache une volonté de remporter l'adhésion du grand public. - Pixabay

Pour se montrer solidaire vis-à-vis de leurs salariés, plusieurs patrons de grandes entreprises ont décidé de diminuer leur rémunération.

Alors que l'économie est paralysée à cause du coronavirus un peu partout sur le globe, les entreprises sont en difficulté et nombre de salariés se retrouvent au chômage partiel ou perdent leur emploi. Afin de se montrer solidaire de leurs salariés, de plus en plus de grands patrons décident de réduire leur rémunération. 

Début avril, les dirigeants du manufacturier français de pneumatiques Michelin annonçaient ainsi avoir diminué leur salaire afin de se montrer solidaire "avec toute la communauté des salariés, les gérants, le comité exécutif et le conseil de surveillance du groupe Michelin".

Les deux gérants du groupe, Florent Menegaux et Yves Chapot, avaient alors décidé de réduire d'environ 25% leur rémunération pour les mois d'avril et mai. Même son de cloche du côté des membres du comité exécutif qui verront durant cette période leur salaire rabotés de 10%.

Et Michelin est loin d'être la seule entreprise dans ce cas. D'autres industriels, tant en France qu'à l'étranger, ont pris des décisions similaires. C'est le cas, par exemple, des dirigeants du groupe Plastic Omnium (dont les usines sont à l'arrêt depuis le confinement) qui annonçaient le 24 mars dernier diminuer leur rémunération pour "contribuer à l'effort du groupe (…) pendant le temps d'arrêt de l'activité".

Idem chez Sodexo. Les patrons du numéro deux mondial de la restauration collective, ont aussi indiqué avoir choisi de renoncer à une partie de leur rémunération. L'argent économisé servira à abonder un fonds d'aide qui s'élève à 30 millions d'euros et destiné aux employés ayant perdu leur emploi. Ainsi, la présidente du conseil d'administration Sophie Bellon renonce à la moitié de son salaire fixe pour les six prochains mois. C'est aussi le cas Denis Machuel, le directeur général. Ce dernier renonce en outre à toucher son bonus annuel.

Du côté du groupe automobile italo-américain Fiat, les principaux dirigeants ont décidé de temporairement diminuer leur salaire. Depuis le 1er avril, le PDG de Fiat Chrysler Automobiles, Mike Manley, a ainsi annoncé avoir révisé de moitié son salaire. Une baisse qui sera maintenue au cours des trois prochains mois et qui a pour but d'éviter des suppressions d'emplois au deuxième trimestre.

De Fiat à Disney

Chez Disney, on joue également le jeu. Les patrons dont les rémunérations sont régulièrement pointés du doigt, ont décidé de montrer l'exemple. Le patron, Bob Chapek, a annoncé qu’il renonçait à 50% de ses revenus jusqu’à ce que l’industrie soit remise des conséquences de la pandémie.

Dans un communiqué publié jeudi, le constructeur automobile Renault a annoncé que "l’ensemble des membres du Conseil d’administration de Renault [avait] décidé de revoir à la baisse leur rémunération". A commencer par Jean-Dominique Senard, le président du conseil d’administration, qui voit donc son salaire révisé de 25% pour le second trimestre 2020 "au minimum". Les administrateurs ont également pris le parti à l'unanimité de diminuer de 25% le montant de leurs jetons de présence 2020. Un engagement collectif qui advient au moment même où Jean-Dominique Senard envisage de recourir aux prêts bancaires garantis par l'Etat. Lesquels, espère-t-il, pourraient atteindre 4 à 5 milliards d'euros et aider le groupe à surmonter la crise.

Dernier exemple en date: François-Henri Pinault. Le PDG de Kering a, lui, aussi, choisi de baisser son salaire de 25% jusqu'à décembre prochain. Il ne devrait plus toucher que 960.000 euros en 2020, contre 1,2 million habituellement.

Appel du pied de l'Etat

Mais ces marques de solidarité s'inscrivent aussi dans un contexte de pression des gouvernements et de l'opinion publique. En France, fin mars, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie, Agnès Pannier-Runacher, demandait aux organisations "qui auraient recours aux dispositifs d’Etat, de ne pas procéder à des rachats d’actions et de diminuer de 25% la rémunération globale des dirigeants”. Une incitation qui a donc été entendue par nombre de grandes compagnies. Lesquelles n'hésitent pas, en outre, à enclencher un virage à 180 degrés pour réorienter leur production et à concevoir masques, gels et autres respirateurs afin de soutenir les services d'urgence et de santé en pleine pandémie.

Au même moment, la ministre du Travail, Muriel Pénicaud confirmait sur BFM Business que le gouvernement proposerait des exonérations de charges sociales aux employeurs qui accepteraient de compléter le salaire du chômage partiel jusqu’à 100%. Une forme de donnant-donnant là encore.

Après avoir été sommés par l'exécutif de ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires cette année, les grands groupes se voient donc fortement incités à raboter la rémunération de leurs dirigeants. 

C'est enfin une question d'image, alors que nombre de Français se retrouvent placés en chômage partiel (ils sont aujourd'hui 6,9 millions de salariés) et donc, à ce titre, ne perçoivent que 84% de leur salaire net (100% s'ils sont au SMIC). Au-delà d'apaiser les éventuelles tensions au sein des entreprises et de donner des gages à l'exécutif, ces mesures servent également à communiquer auprès du grand public et à mettre en avant la politique sociale de l'entreprise dans ces temps de pandémie.

Julie Cohen-Heurton