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Coronavirus: hôtels et restaurants se réinventent pour pouvoir rouvrir

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- - PATRICK KOVARIK - AFP

Petit-déjeuner sans buffet à l'hôtel, convives éloignés au restaurant... les normes sanitaires renforcées et la distanciation qui s'imposeront dans les mois à venir forcent les professionnels de l'hôtellerie et la restauration à réinventer leur métier, afin de rassurer les consommateurs.

"La profession est devant un enjeu majeur: comment assurer la sécurité sanitaire de ses clients et ses employés?", résume Vincent Quandalle, directeur général France de la chaîne B&B, dont seul un tiers des 289 hôtels, de catégorie économique, est resté ouvert en pleine pandémie de Covid-19. "Nous sommes devant un ennemi invisible: nous avons beau être des spécialistes de la propreté et de l'accueil, l'épidémie nous oblige à tout revoir", dit-il à l'AFP.

Contrairement aux cafés, bars, restaurants et discothèques qui ont fermé le 15 mars et n'ont pas encore de date de réouverture, les hôtels pouvaient rester en activité mais beaucoup y ont renoncé, le confinement les ayant privés de clients. 

Sur 229.000 entreprises en France, 92% étaient fermées au 8 avril, indique l'Umih, principal syndicat patronal du secteur qui emploie un million de salariés dans 18.600 hôtels, 168.000 restaurants, 38.800 bars ou cafés et 6000 établissements de nuit.

Le secteur doit faire des propositions concrètes lors d'un comité interministériel sur le tourisme prévu courant mai, pour rouvrir en toute sécurité: les professionnels réfléchissent dans l'urgence à renforcer l'hygiène et à se réorganiser. "Il s'agit de faire repartir la machine et préparer la saison touristique: le secteur réalise un tiers de son chiffre d'affaires en juillet et août", explique à l'AFP Franck Gervais directeur général Europe d'Accor, qui compte 1600 hôtels en France (Ibis, Sofitel, Novotel, Mercure...)

Pour "rouvrir massivement notre parc hôtelier en juin, il faut absolument rassurer nos clients, nos employés et le gouvernement, donc pour cela exploiter différemment nos hôtels et nos restaurants", concède-t-il.

Des mesures pour protéger clients et employés

Côté clients: enregistrement et règlement en ligne, vitre en plexiglas à l'accueil, notice indiquant quand et comment la chambre a été nettoyée, devraient se généraliser. Et "le buffet du petit déjeuner où tout le monde vient se servir" devrait disparaître, note Franck Gervais.

Côté employés: port généralisé du masque, nettoyage plus fréquent des lieux de passage (lobby, ascenseurs) ou encore des poignées de portes, télécommandes de TV...

D'ici une semaine, Accor et le spécialiste de la certification Bureau Veritas lanceront un label définissant des standards sanitaires pour l'hébergement et la restauration. Un guide opérationnel à destination aussi des autres chaînes et des hôtels indépendants, en concertation avec les organisations du secteur (Umih, GNC, GNI), verra le jour.

De son côté, B&B a sollicité un autre certificateur, Socotec, qui a déjà élaboré de tels critères pour des chaînes hôtelières à Singapour. "Nous avons défini des protections collectives et individuelles en matière de désinfection, une procédure si un cas de Covid-19 est constaté, organisé la traçabilité...", détaille le président exécutif de Socotec, Hervé Montjotin.

Pour les restaurants, la situation est critique: après des semaines de fermeture durant lesquelles les dettes se sont accumulées, l'activité ne devrait redémarrer (à une date encore inconnue) que lentement, du fait de la distance sanitaire imposée entre les convives.

"J'ai 53 places assises: s'il n'y en a plus que 25 et avec une clientèle étrangère qui ne sera pas là (les frontières restant fermées), comment réembaucher mes 18 salariés avec un quart de chiffre d'affaires?", s'interroge Stéphane Jego, chef du restaurant l'Ami Jean à Paris. Malgré l'activité traiteur et la livraison à emporter qu'il développera, il juge la situation "très problématique".

Même inquiétude chez Stéphane Manigold, à la tête de quatre restaurants parisiens dont La Maison Rostang. "Nous faisons de la restauration de passion, d'émotion, d'amour: on transforme les produits. Chez nous la valeur ajoutée c'est l'humain: on a des maîtres sauciers, des gens aux garnitures, à la viande, aux poissons et cela, quel que soit le nombre de couverts".

"On a cherché des séparateurs en plexiglas... on n'arrive pas à en trouver. Et puis c'est triste, c'est pas ça la vie!", lance-t-il. "Il faut vraiment un vaccin. C'est terrible ce qui arrive à l'humanité".

Sandrine Serais avec AFP