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Guillaume Almeras

Banques : mieux connaître ses clients, la clé de la transformation

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Vous n’imaginez pas tout ce que les banques vont pouvoir faire pour vous ! A vrai dire, elles non plus n’en ont pas encore une idée très précise. Les perspectives commencent à peine à se dessiner. Toutefois, quelques premiers exemples permettent de saisir l’ampleur des enjeux.

La transformation bancaire est en marche. Les exemples se multiplient. Prenez Singapour. La banque OCBC a lancé une étrange place de marché : Mumstruly.com. Une plateforme en ligne qui propose aux jeunes parents tout ce qu’il leur faut (soins médicaux, assistance et conseils, produits et accessoires, sans oublier comptes, cartes bancaires et assurances). Une place de marché qui n’a rien d’étrange en elle-même. Sinon d’avoir été lancée par une banque. Pour cela, en effet, OCBC a sélectionné des partenaires spécialisés, dont les offres sont assorties de promotions.

Ce n’est pas du tout la première fois qu’une banque monte une plateforme en ligne pour vendre des produits et services qui n’ont rien de financiers. A la recherche de revenus complémentaires, en effet, les banques cherchent à diversifier leurs offres. Tout en mettant en valeur, à travers un contact direct avec des vendeurs, leurs très larges clientèles. En général, néanmoins, de telles initiatives sont décevantes (mais il y a des contre-exemples). Mettre en relation ne suffit pas, en effet. Et, quand on est banquier, on ne s’improvise pas vendeur de véhicules ou de produits frais. A moins que…

A moins que l’on puisse connaitre et analyser les dépenses d’un très grand nombre de clients et que l’on soit à même d’en déduire de manière suffisamment précise et fine, quasiment à l’échelle individuelle, leurs besoins et attentes dans un domaine particulier. Or, cela, les grandes banques semblent désormais capables de le faire. A partir de quoi elles peuvent monter des partenariats. Et c’est justement ce que teste OCBC avec Mumstruly.com. Rien n’assure qu’elle y parviendra mais la démarche est particulièrement intéressante.

En se penchant sur le segment de ses clients jeunes parents, l’établissement a d’abord réalisé qu’il n’existait pas localement pour eux de place de marché en ligne vraiment commode et complète. Pas de ventes croisées, notamment en termes d’assurances et de financements associés. Or OCBC estime avoir des données suffisantes et les moyens d’analyse adéquats pour déterminer en l’occurrence les besoins et les attentes de produits et services. Dans quelles gammes de prix et assortis de quelles promotions. En tous cas, elle entend s’y essayer. Pour une banque, c’est une démarche tout à fait innovante. Un rôle d’opérateur et d’assembleur qui va beaucoup plus loin que la simple création d’une place de marché.

Cela fait quelques années qu’on répète que les données clients représentent la vraie matière première des banques. Toutefois, quand on a dit cela, on a un peu tout dit. Mais encore ? L’exemple d’OCBC permet d’aller un peu plus loin. De réaliser que si les banques sont particulièrement bien placées pour connaitre les usages et les besoins des consommateurs, elles peuvent, plutôt que vendre leurs données à d’autres commerces, accompagner leurs clients de manière quasiment complète dans leurs parcours d’achat. Non pas seules, bien entendu, mais en architecture ouverte.

On peut ainsi assez facilement imaginer comment une plateforme partenariale telle que Mumstruly pourrait évoluer : vers un accompagnement de plus en plus individualisé des clients (aide à la sélection d’offres adaptées par profil, financements éventuels et tarifs ajustés aux situations individuelles). La banque de demain pourrait ainsi s’inscrire sous une perspective d’intégration. Intégration directe des financements dans le prix des biens. Intégration de données qualifiées dans les offres de financements (BBVA commence déjà à le faire pour les crédits immobiliers). Intégration du suivi de la consommation réelle pour une modulation des tarifs et des financements (cela existe désormais pour les assurances ; Commerzbank l’a lancé pour des crédits professionnels). Ce qui signifie qu’on procéderait à certains achats directement à travers le canal de sa banque (de son appli bancaire, notamment) ou bien à travers des plateformes de commerce auxquelles les services bancaires seraient intégrés de manière quasi invisible mais décisive, puisque permettant une individualisation des prix.

Certes, à nouveau, une fois que l’on a dit cela, on a un peu tout dit. Concrètement, beaucoup reste à faire, à définir et à préciser ! Cela correspond néanmoins à un certain nombre d’initiatives, à travers lesquelles quelques établissements tentent aujourd’hui de mettre en avant plusieurs atouts : leur très grand nombre de clients, les données massives qu’ils détiennent et leur maitrise à la fois des financements et des moyens de paiement. Les banques sont encore les seules à disposer de ces trois éléments. Toutefois, d’autres acteurs pourraient également les réunir.

Il faut donc y ajouter le fort capital de sécurité dont les établissements financiers continuent de bénéficier aux yeux du public. Un facteur essentiel, décisif, permettant de recueillir les données des clients dans les meilleures conditions, dès lors que cette collecte va devenir l’élément clé. Surtout, si confier ses données se traduit directement par des avantages financiers. Et surtout si les banques se positionnent en véritables gardiennes des données, notamment à travers des dispositifs d’anonymisation propres (comme en développe aujourd’hui un établissement comme Rabobank) et collectifs (à l’instar de Verimi qui a été lancé en Allemagne). En d’autres termes, le rôle clé le plus immédiat pour les banques pourrait bien être celui de tiers de confiance. Cela fait des années qu’on en parle. Mais une fois qu’on avait dit ça…

Guillaume ALMERAS