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Philippe Crevel

Bourses : Les marchés n’aiment pas octobre !

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- - AFP / ERIC PIERMONT

Arabie saoudite, hausse des taux directeurs aux Etats-Unis, guerre commerciale, tension budgétaire en Italie, Brexit, les sujets d’inquiétude sont nombreux ces temps-ci.

L’automne est arrivé ! Octobre est, avec août, un mois aux vents mauvais pour les bourses. 1929, 1987, 1997 et 2018 nous rappellent que le temps des premiers frimas rime souvent avec chute des cours. Le premier mois du dernier trimestre est celui des premiers bilans et des projections pour l’année à venir. Si, en plus, l’actualité se met en mode sombre, les investisseurs perdent rapidement leur moral. Arabie saoudite, hausse des taux directeurs aux Etats-Unis, guerre commerciale, tension budgétaire en Italie, Brexit, résultats décevants pour les entreprises américaines, les sujets d’inquiétude sont nombreux ces temps-ci.

Dans ce contexte perturbé, les places boursières européennes apparaissent très chahutées. Les gains de plus d’une année ont été effacés au cours de ce mois d’octobre qui sera sans nul doute le plus mauvais de ces sept dernières années. Le CAC 40 est passé en-dessous de 5000 points. En un mois, le CAC 40 a perdu 9,34%. Depuis le 1er janvier 2018, le solde est négatif de 6,50%. Le DAXX allemand évolue sur le même rythme, -9,49% sur un mois et -13,29% depuis le 1er janvier 2018.

Pas de croissance à plus de 2% en Europe

Les indices boursiers européens sont plus sensibles à la bise automnale. Leur baisse s’explique notamment par le fait que depuis le début de 2018, les capitaux en obligations sortent de la zone euro. Depuis ce deuxième trimestre, c’est le cas également pour les capitaux en actions et enfin, depuis cet été, cette règle vaut également pour les capitaux à court terme. La zone euro ayant un important excédent extérieur, ce départ des capitaux a peu d’incidence sur les taux d’intérêt à long terme et sur le taux de change de l’euro mais en revanche, il pèse sur le cours des grandes valeurs européennes.

Ces départs de capitaux est imputable au différentiel de croissance, à l’écart des taux d’intérêt et au contexte politique.

La croissance de la zone euro devrait rester plus faible que celle des États-Unis dans les prochains mois. Avec la hausse du prix du pétrole, avec le plein emploi au sein de plusieurs pays européens, nul n’imagine que l’Europe puisse à court terme obtenir une croissance supérieure à 2%. Or, les États-Unis pourraient dépasser les 3 % grâce à la réforme fiscale de Donald Trump. En outre, la croissance potentielle des États-Unis est aujourd’hui de 0,5 à 0,7 point supérieure à celle de la zone euro. L’Europe reste handicapée par ses divisions et par ses tensions, notamment celles liées à la situation budgétaire de l’Italie.

Les Etats-Unis plus attractifs mais...

Au niveau monétaire et obligataire, les États-Unis sont également bien plus attractifs. Cette situation devrait perdurer compte tenu de l’écart croissant des taux entre l’Europe et les États-Unis. Les taux directeurs de la banque centrale américaine devraient atteindre 3% fin 2019 quand la Banque Centrale Européenne commencera à relever les siens. Sur les taux longs, l’écart entre la zone euro (hors Grèce) et les États-Unis dépasse 1,5 point. L’euro de son côté a perdu, depuis 2014, 17% de sa valeur.

Les investisseurs choisissent les États-Unis d’autant plus facilement que la croissance des bénéfices y est plus forte. Pour les valeurs inscrites à l’indice S&P, le bénéfice par action des valeurs appartenant à l’indice S&P est plus de deux fois supérieur en moyenne à celui constaté pour les entreprises faisant partie de l’Eurostoxx en 2018. Les sorties de capitaux depuis la zone euro expliquent la faiblesse du marché des actions européennes, en particulier vis-à-vis du marché des actions américaines. Pour le moment, les marchés n’anticipent pas, en Europe, une accélération de la croissance, une appréciation de l’euro et une remontée des cours boursiers.

Les divergences de vues des Etats membres de l’Union européenne jouent également en défaveur des cours. Les négociations sur le Brexit, le budget italien la gestion des migrations sont autant de dossiers en suspens qui créent un climat d’immobilisme pesant au sein de l’Union.

Malgré tout, les valeurs américaines ne sont pas à l’abri de correction. En effet, lors de la quatrième semaine d’octobre, elles étaient orientées à la baisse. Le recul du Dow Jones a perdu 2,5% et celui du Nasdaq près de 4%.

Pour le moment face à cette accumulation de mauvaises nouvelles, les banques centrales maintiennent leur ligne. Jeudi 25 octobre, à l’issue du comité de politique monétaire, son Président Mario Draghi a confirmé l’arrêt, à la fin de l’année, des rachats de dettes publiques et privées réalisés par la BCE. Depuis le 1er octobre, ces rachats sont passés de 30 à 15 milliards d’euros mensuels. Il a, par ailleurs, souligné que les taux resteront au plus bas « au moins » jusqu’à l’été 2019.

La FED devrait maintenir son programme de hausse des taux compte tenu de la croissance du PIB au 3e trimestre et du plein emploi. Le PIB s’est, en effet, outre-Atlantique accru de 3,5 % en rythme annuel au 3e trimestre. Les dépenses de consommation ont légèrement accéléré à 4 % après 3,8 %, mais la croissance des investissements des entreprises n’a augmenté que de 0,8 % après 8,7 % au 2e trimestre. Si les mesures fiscales contribuent au maintien d’un fort niveau de croissance, les hausses successives des taux d’intérêt ne sont pas sans conséquences sur l’investissement.

Philippe CREVEL