BFM Business
Guillaume Almeras

Ces géants bancaires dont on remarque à peine l’apparition

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Selon le Wall Street Journal, Apple a choisi Goldman Sachs pour lancer sa propre carte de paiement.

Il y a quelque chose d’assez amusant dans les commentaires de la presse à ce partenariat, dont le bruit courrait depuis plusieurs mois. Pour les observateurs, en effet, cela concrétise les ambitions d’Apple dans la finance et cela confirme la redoutable menace que les GAFA représentent pour les banques. Du coup, personne ne se demande pourquoi Apple, pour lancer une carte de paiement, a choisi… Goldman Sachs. Pourtant, c’est un peu comme si l’on apprenait que Porsche ou Bugatti vont construire les prochains autolibs. Il y aurait quand même de quoi s’étonner !

En fait, ce partenariat, plutôt que les ambitions d’Apple, marque surtout celles de Goldman Sachs. Car, on ne le sait pas assez, la plus célèbre banque d’investissement au monde est l’un des établissements qui se sont les plus radicalement transformés depuis dix ans. L’une des banques qui ont le plus résolument travaillé à muter en entreprise technologique. Aujourd’hui, chez Goldman Sachs, 46% des emplois sont technologiques et un tiers des personnels sont ingénieurs.

Cette transformation s’est d’abord traduite par des aménagements drastiques (surtout en termes d’emplois) mais aussi par quelques évolutions menées avec une résolution impressionnante. De la mise en open source des logiciels de trading de l’établissement à l’embarquement récent de sa communauté de 8 000 développeurs dans un serious game de cyber-sécurité.

Il faut bien saisir ce que cette transformation recouvre. Ces dix dernières années, la plupart des banques ont lancé des innovations de produits ou plutôt de services. Ce qui les a conduites à développer de nouveaux outils et canaux, qui ont été greffés sur leurs anciens systèmes. Lesquels ont, dans beaucoup de cas, peu évolué.

A contrario, Goldman Sachs a mené avant tout une transformation de moyens et, en large partie, de métiers. Ce faisant, elle est devenue une banque réellement universelle, unifiant ses activités sous une même approche d’innovation technologique et ouverte. Cela a notamment été marqué par la nomination du DSI Martin Chavez au poste de CFO.

A partir de là, Goldman Sachs s’est mise à explorer de nouveaux territoires, notamment celui des crypto-devises. De même, après le rachat de la GE Bank, elle a lancé Marcus, une plateforme de crédits personnels et de comptes d’épargne en ligne pour le grand public. Processus optimisés, frais facturés à la clientèle réduits à l’extrême, large recours aux API, automatisation (mais contact humain direct pour les clients) : Marcus a été réalisée et lancée en seulement douze mois. On a parlé de diversification. Il s’agit bien plutôt d’un prolongement porteur et d’envergure pour une banque qui s’est dotée d’une nouvelle compétence clé : une maîtrise technologique lui offrant la capacité à fonctionner de manière optimisée et largement automatisée sur de nouveaux marchés.

L’offre de Marcus, lancée l’année dernière au Royaume-Uni, sera donc élargie. Pour cela, Goldman Sachs mène une veille soutenue des solutions les plus innovantes. Elle est devenue, de loin, la banque internationale la plus investie dans des fintechs. Et c’est dans ce contexte qu’on peut comprendre le choix de Goldman Sachs par Apple ou plutôt l’intérêt que Goldman Sachs peut porter à Apple - dont ses analystes disaient il y a peu qu’elle ressemblait de plus en plus à Nokia !

Selon le Wall Street Journal, le partenariat entre les deux firmes devrait aboutir au lancement, dans le courant de l’année, d’une carte Mastercard et de nouvelles fonctions de gestion et de plafonnement de dépenses, ainsi que d’un système de cashbacks. Des services bancaires plus étendus auraient été envisagés mais se heurteraient à des problèmes de confidentialité. De même, il ne pourra visiblement s’agir d’une carte Apple Pay par défaut car cela ne respecterait pas les accords conclus avec les autres banques qui utilisent Apple Pay. Il s’agira donc d’une offre spécifique et sans doute assez limitée, au moins au départ, mais très complémentaire avec celle de Marcus. Qui pourrait bien accéder ainsi directement aux 383 millions d’utilisateurs qu’Apple Pay compterait dans le monde. Une couverture internationale dont aucune banque de détail ne dispose aujourd’hui.

Evidemment, il faut attendre que la banque à la réputation la plus sulfureuse au monde envisage les choses en grand. En très grand même, si elle estime disposer désormais d’une longueur d’avance technologique lui permettant, de manière plus agile et rentable que la plupart des autres, de développer les offres les plus innovantes aussi bien en banque d’investissement que de détail, tout en proposant des systèmes de règlement internationaux, comme Circle, performants et tout à fait nouveaux.

Goldman Sachs compte ainsi, comme Ant Financial, Sberbank (que nous avons également présentée) et quelques autres, parmi ces géants bancaires qui sont en train de s’affirmer sur un axe de maitrise et d’innovation technologique que, rapidement, beaucoup d’établissements ne pourront plus suivre. Des géants dont, en attendant les GAFA cependant, on remarque à peine la montée en puissance.

Guillaume ALMERAS