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Guillaume Almeras

Hello Bank! (BNP Paribas), Eko (Crédit Agricole), Max (Crédit Mutuel) : le match des banques de détail

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Les 3 solutions définissent des niveaux de services nettement différenciés et il est inévitable de se demander si l’une va particulièrement l’emporter sur les deux autres. Pourtant, ce ne sera probablement pas le cas.

Bien sûr, le « match » n’opposera pas directement ces trois établissements et uniquement eux. Comme si les autres banques françaises n’existaient pas ! C’est plutôt qu’ Hello Bank!, Eko et Max représentent aujourd’hui trois solutions parmi les plus différenciées sur le marché français. Trois modèles nettement distincts de la banque de détail de demain.

Hello Bank! est l’enseigne 100% mobile de BNP Paribas. D’abord lancée avec des prestations limitées à l’essentiel, Hello Bank! a ensuite développé une offre assez similaire à celle des banques en ligne (épargne & bourse, crédits & assurances), assortie d’éléments qui la rapprochent des néo-banques (co-création avec Hello Factory, communauté clients avec Hello World, finance participative avec credit.fr). En même temps, son lien avec BNP Paribas a été davantage souligné (dépôts de chèques dans les agences, par exemple). On peut donc se demander si, demain, Hello Bank! - qui est une simple marque et non un établissement - ne définira pas l’offre bancaire standard de BNP Paribas à l’adresse des particuliers. Dès lors, tout serait organisé autour d’une relation digitale à laquelle un contact en agence avec un conseiller pourrait éventuellement se rajouter mais qui ne serait plus au cœur de la relation bancaire.

Avec Eko, le Crédit Agricole a justement fait un choix inverse. Récemment apparue, Eko est une offre d’entrée de gamme, pour le moment limitée à une carte de paiement et une appli mobile pour 2 € par mois mais qui pourra s’étoffer. L’important est que l’accès à un conseiller en agence est d’emblée inclus dans la formule. Ce contact reste donc au cœur de la relation. Bien qu’appuyée sur des canaux et des outils digitaux, la relation bancaire demeure fondamentalement une rencontre.

Avec Max, enfin, cette relation bancaire devient tout à fait autre chose. Même à l’échelle internationale, Max est une solution ambitieuse qui ne trouve encore que très peu d’équivalents. Conçu comme « un assistant personnel du quotidien » gratuit, Max propose une carte bancaire agrégatrice (puisant au choix dans les comptes de l’usager, quelle que soit la banque où ils sont détenus). Sont également proposés des conseils personnalisés dans le domaine de l’épargne (choix de placements), du crédit (renégociation) ou encore de l’assurance (optimisation).

Ces conseils sont délivrés par tchat ainsi que grâce à des recommandations intelligentes automatisées. Le Crédit Mutuel Arkea promet une totale impartialité : une proposition d’assurance automobile ou de crédit peut très bien provenir d’un concurrent si elle apparaît plus adaptée aux besoins de l’utilisateur. Et Max propose encore différents services (organisation d’événements ou de voyages, services à domicile comme le ménage ou le baby-sitting).

Se rangeant parmi ce que les Anglo-saxons nomment désormais le Concierge Banking, Max est, en architecture ouverte, un service dont la pertinence est fondée sur la connaissance de ses utilisateurs et le discernement de marché qu’il est capable de leur apporter et non sur des offres bancaires en tête de gondole.

Banque digitale, mix digital/humain ou assistance intelligente : les trois solutions définissent des niveaux de services nettement différenciés et il est inévitable de se demander si l’une va particulièrement l’emporter sur les deux autres. Pourtant, ce ne sera probablement pas le cas !

Une convergence à venir ?

A terme, d’abord, on peut facilement imaginer que les trois solutions, loin d’être exclusives, convergeront. Dès lors qu’elle peut s’appuyer sur le réseau d’agences de BNP Paribas, même s’il est réduit à l’avenir, Hello Bank! sera à même de proposer des contacts humains directs, puisque c’est ce que beaucoup de clients demandent (y compris les plus jeunes).

Réciproquement, si l’offre d’Eko s’étoffe en matière d’épargne et de crédit, elle permettra sans doute la souscription de produits directement en ligne et indépendamment de toute relation avec un conseiller. Quant aux innovations qu’introduit Max, elles participent d’une révolution de la relation bancaire que les autres établissements devront tôt ou tard s’approprier.

Il reste qu’aujourd’hui, les trois modèles paraissent suivre des orientations opposées. Pourtant, il est difficile de croire que l’un va fortement se démarquer à court terme. Cela tient au fait que la conversion des clients au digital est, partout, beaucoup moins rapide que ce qui est attendu. Pourquoi ? Risquons une explication d’ordre psychologique.

Les trois solutions ne proposent pas d’avantages particuliers liés à la fidélité des clients. Elles ne rendent pas leurs méthodes de scoring plus transparentes. Elles n’abordent pas les difficultés que pourraient rencontrer leurs utilisateurs. Cela vaut d’ailleurs pour la quasi-totalité des solutions digitales que les banques proposent un peu partout.

De manière générale, on n’est pas assez attentifs au fait que toute offre de relation bancaire nouvelle impose aux clients de reconstruire un rapport de confiance. Il s’agit en effet d’être capable d’anticiper les réactions qu’aura sa banque, demain, face à une demande de crédit, un conseil de placement, un moment de vie difficile ou délicat. Cela revient à se faire une idée de ce qu’on représente pour sa banque.

Jusqu’ici cela passait par un contact direct. Et ce n’est pas que ce dernier soit forcément plus pertinent que celui dispensé par des conseillers en ligne ou même par des assistants automatisés. C’est qu’il intervient dans un contexte de proximité. On existe plus pleinement dans une agence de quartier qu’en ligne, où tout est plus anonyme et où il est bien plus difficile de se faire une image de son interlocuteur.

En somme, si l’enjeu n’est pas tant d’intéresser les particuliers à une solution nouvelle que de parvenir à les convaincre que, d’une manière innovante et confiante, on s’intéresse à eux, il est encore impossible de prédire quelle banque va gagner.

Guillaume ALMERAS