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Les régimes de retraite : une histoire de France (partie 3)

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- - AFP/BORIS HORVAT

Les régimes de retraite ont une histoire particulière et alimentent sans cesse les débats dans notre société. Vincent Touzé vous la raconte en 4 parties. Voici la troisième.

De 1970 à 1992 : de premiers ajustements

La coexistence de plusieurs régimes de retraite avec des démographies différenciées aboutit à des déséquilibres financiers : par exemple, le régime de salariés voit son nombre de cotisants augmenter alors que le nombre d’adhérents au régime de non-salariés agricoles diminue. Pour corriger ce problème, un principe de compensation démographique est adopté en 1974. Des transferts financiers sont ainsi réalisés entre les régimes vieillesse de base pour corriger les différences de ratio démographiques (cotisants/retraités). Les régimes de base sont désormais démographiquement solidaires.

A partir de 1972, la volonté de rendre plus contributive les pensions de retraite conduit le gouvernement à exiger 37,5 années de cotisation pour bénéficier d’une retraite à partir de 60 ans. En contrepartie de cette contribution accrue, le taux de remplacement à taux plein, c’est-à dire à l’âge de 65 ans, est porté à 50%. En 1983, le gouvernement Mauroy abaisse l’âge minimal du taux plein à 60 ans. La « retraite à 60 ans » voit ainsi le jour.

Si le montant de la pension et l’âge de la retraite sont un enjeu social majeur, la réalisation de cet objectif social dépend de la capacité de l’économie à le financer. Deux facteurs jouent un rôle clé : la croissance de la productivité du travail et celle de la population active. Jusqu’au début des années 1990, l’équilibre financier de la CNAV et des régimes complémentaires est également garanti par une hausse régulière du taux de cotisation : 8,75% du salaire brut en 1970, il atteint 16,35% en 1992. En parallèle, les régimes complémentaires augmentent aussi les taux de cotisations.

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1993 à nos jours : le début d’une succession de réformes

La réforme adoptée en 1993 par le gouvernement Balladur inscrit trois changements majeurs pour la retraite de base des salariés du privé :

La durée de cotisation est portée progressivement de 150 à 160 trimestres (40 années) ;

Le salaire moyen de référence, celui sur lequel s’applique le taux de remplacement de 50%, est progressivement réalisé sur les 25 meilleures années au lieu des 10 ;

Les pensions sont indexées sur l’inflation des prix à la place de la croissance du salaire moyen.

La première mesure permet d’augmenter le nombre futur de cotisants et de diminuer le nombre futur de retraité. La seconde mesure permet de baisser les pensions futures, en réduisant le salaire moyen de référence. La troisième mesure permet de moins augmenter les pensions actuelles et futures.

En 1995, le gouvernement Juppé s’attaque à la réforme des régimes spéciaux et au rapprochement du régime de la fonction publique sur celui du secteur privé. Les grèves massives font reculer le gouvernement.

En 1999, le gouvernement Jospin met en place une structure de financement à long terme en créant le fonds de réserve des retraites. L’idée est de doter progressivement ce fonds avec un capital financier afin de faire face au problème de financement lié à l’entrée massive à la retraite des générations du babyboom. Au final, ce fonds ne sera pas suffisamment doté pour faire face au défi démographique.

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Bibliographie

Hélène Chaput, Katia Julienne, Michèle Lelièvre (2007), « L'aide à la vieillesse pauvre : la construction du minimum vieillesse », Revue française des affaires sociales, pp. 57-83.

Confédération française des retraités (2008), « Les grandes lignes de l’histoire de la retraite ».

Gannon Frédéric, Le Garrec Gilles, Touzé Vincent (2018), « Réformer le système de retraite : pourquoi, comment ? », L’économie française 2019, La découverte, coll. Repères, 86-97.

Vivier Bernard (2010), « L'histoire des retraites : les grandes dates », Institut supérieur du travail.Thiveaud Jean-Marie, Mérieux Antoine, Marchand Christophe (1995), « Le régime des retraites des fonctionnaires civils avant la loi de budgétisation du 8 juin 1853 », Revue d'économie financière, pp. 273-303.

Vincent TOUZÉ