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Guillaume Almeras

Non, Google, Facebook ou Apple ne vont pas remplacer votre banque

Le système Apple Pay n'a pas connu pour l'instant un succès fulgurant

Le système Apple Pay n'a pas connu pour l'instant un succès fulgurant - Apple

Les géants de la tech américaine multiplient les initiatives pour conquérir le marché des paiements et des conseils financiers. Pourtant, ils sont encore loin de concurrencer les banques traditionnelles. Décryptage de notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseils Score Advisor.

Est-il possible, en France, d’évoquer l’avenir des banques autrement que comme une menace et sans annoncer leur probable et prochain remplacement par quelque acteur technologique? Apparemment pas, si l’on en juge par les commentaires qu’a suscités l’annonce récente par Google du lancement en 2020 de son propre compte courant. Si Amazon annonçait qu’il va commercialiser des voitures mais seulement celles de – au hasard – Toyota, dirait-on que c’est une menace sérieuse pour Toyota? Et que cela annonce la fin des constructeurs automobiles? C’est cependant ce que l’on soutient avec Google.

Pour lancer sa carte de paiement, Apple s’est associé à Goldman Sachs. Pour le Libra, sa propre crypto-monnaie, Facebook a rallié Visa, Mastercard et Paypal (avant que ceux-ci ne décident de quitter une aventure qui paraît de plus en plus compromise). Amazon a annoncé étudier, avec JP Morgan Chase, le lancement d’un compte courant. Et Google s’est associé avec Citi pour proposer un "smart current account" en complément de Google Pay. Autrement dit un compte courant assisté de fonctions d’aide à la gestion des finances personnelles.

Google Pay et Apple Pay en difficultés

Il y a deux façons de voir les choses. On peut être attentif au fait que les GAFA (Google, Facebook, Amazon et Apple) se diversifient dans les activités bancaires. On peut également relever que les mastodontes bancaires américains sont parvenus à s’infiltrer dans les extraordinaires réseaux de distribution des GAFA. Les deux perspectives ne sont pas exclusives et, à ce premier stade, semblent en fait assez bien se conjuguer. En France, pourtant, la seconde n’est pas du tout considérée. On ne parle que de la tactique des GAFA. Ne vont-ils pas court-circuiter les banques? Cela semble clair. Quel est l’intérêt pour Citi dès lors? On ne voit pas. Ne se tire-t-il pas une balle dans le pied en fait? Il y a de gros risques, en effet. Pensez-donc, Google va se lancer dans la banque, sans la lourdeur des process et de la réglementation. Quand il sera plus mûr, il acquerra une licence et les banques seront écrasées.

De l’autre côté de l’Atlantique, on a entendu des commentaires sensiblement différents. En fait de diversification, certains ont suggéré qu’il s’agit surtout pour Google de sauver Google Pay, qui est loin d’avoir comblé les attentes – ce qui est assez le cas, également, d’Apple Pay et de Samsung Pay (en France, ces trois portefeuilles assureraient moins de 3% des seuls paiements par mobile). Depuis plus de dix ans, souligne le New York Times, les alternatives aux banques classiques ont été des échecs ou n’ont rencontré qu’un succès de niche – quand elles n’étaient pas rachetées par des banques. C’est que personne n’a su véritablement proposer, ni une solution technologique que les banques ne puissent rapidement répliquer, ni surtout une offre en vraie rupture. Ce que le compte courant de Google ne devrait pas être non plus. Sauf à s’efforcer de croire encore aux miracles du traitement massif des données.

Pas si simple d'être une banque

Et Brett King, le patron de Moven, une société spécialisée dans les services bancaires, d’enfoncer le clou sur le Huffpost: si l’on reproche aux banques d’être devenues trop grosses et d’avoir perdu le contact avec leurs clients, est-on sûr qu’il en ira vraiment autrement avec les GAFA? Lancée il y a quelques mois, la carte de paiement d’Apple fait déjà l’objet d’une enquête des autorités réglementaires de l’Etat de New-York quant aux biais dénoncés comme sexistes de ses algorithmes de limitation des dépenses.

Toutefois, à écouter la plupart des commentaires, faire de la banque est très simple : il suffit de demander aux gens s’ils veulent de l’argent, ainsi que des moyens de paiement gratuits. Ensuite, il suffit d’analyser les données dont on dispose sur eux – et dont un Google regorge – pour savoir très exactement ce qu’ils veulent et leur proposer. Dans ces conditions, puisque c’est si simple, on comprend bien que les banques classiques sont menacées. On comprend moins, en revanche, qu’elles n’aient pas été déjà remplacées. Peut-être parce que faire de la banque consiste aussi, entre autres, à gérer des risques, à fixer des prix, à conserver des valeurs… Or, à cet égard, que proposent les GAFA? Qu’apportent-elles de plus? De révolutionnaire? Il y a quelques années, Google avait lancé une plateforme de comparaison de produits financiers... qu’il a assez rapidement fermée.

Des banques qui pourraient étendre leurs réseaux

On comprend bien que Google veuille se diversifier dans la banque – c’est en fait déjà une vieille idée – mais on ne dispose pas d’éléments tangibles à ce stade pour croire qu’il puisse y jouer plus qu’un rôle de distributeur. De ce dernier point de vue, la menace pour beaucoup de banques (et de néo-banques, plus encore) est effectivement importante. Mais elle tient surtout à voir les GAFA être exclusivement accompagnés par les plus grands établissements américains. Même si Google a annoncé vouloir travailler en partenariat étroit avec des banques et non pas une seule.

A travers les GAFA, certaines banques ne pourront-elles pas s’ouvrir à terme de très larges portes, particulièrement sur des marchés où elles ne sont pas physiquement implantées? Pour les premiers établissements américains, ne serait-ce pas la meilleure réponse aux nouveaux géants bancaires de l’internet chinois? Et si les GAFA, loin de remplacer les banques, devaient leur permettre de s’étendre? A travers une concurrence renforcée? Cette perspective n’est guère soulevée. Il est vrai que si l’on considère que les banques doivent disparaître…

Guillaume Almeras, fondateur de Score Advisor