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Réforme des retraites : quand la pension se bonifie avec l’âge…

Les néo-retraités préconisent "de commencer à préparer sa retraite plus tôt qu'ils ne l'ont fait eux-mêmes.

Les néo-retraités préconisent "de commencer à préparer sa retraite plus tôt qu'ils ne l'ont fait eux-mêmes. - Quimono- CC

Savoir à quel âge il est possible de faire valoir ses droits à la retraite et dans quelles conditions sont les deux questions essentielles que se pose chaque futur retraité.

Dans le système actuel, il est possible de partir à la retraite dès l’âge de 62 ans au taux plein à condition d’avoir validé 42 années de cotisation. Le retraité peut alors jouir d’une pension « pleine » constituée d’une pension de base (50% de son Salaire Annuel Moyen (SAM) sur les 25 meilleures années) et d’une pension complémentaire (valeur du point retraite x Stock de points AGIRC-ARRCO).

Pour encourager les salariés à travailler plus longtemps ou à ne pas partir avant d’avoir suffisamment cotisé, la CNAV et l’AGIRC-ARRCO ont prévu des mécanismes de récompense (bonus et malus). Encourager une liquidation plus tardive présente deux mérites majeurs pour équilibrer les comptes des caisses de retraite : les salariés cotisent plus longtemps (plus de cotisants) et la durée de vie à la retraite diminue (moins de retraités).

62 ans devrait rester l'âge minimum

Pour les carrières de longueur inférieure à 42 années, la CNAV combine une proratisation de la pension (durée d’activité/42 années) et une décote de 1,25% par trimestre manquant (soit 5% par année manquante). Pour une année manquante, la pension de base s’élève à 92,7% (=41/42x95%) de la pension de base pleine, soit une réduction de 7,3%. Afin de limiter le cumul de la double peine (proratisation et décote), le législateur supprime la décote à partir de 67 ans. C’est alors l’âge du taux plein automatique. Les travailleurs qui décalent leur départ à la retraite au-delà du nombre de trimestres requis bénéficient aussi d’une surcote permanente de 1,25% par trimestre supplémentaire, soit 5% par an. L’AGIRC-ARRCO dispose d’un dispositif similaire de minoration.

Depuis le 1er janvier 2019, l’AGIRC-ARRCO va plus loin. Pour bénéficier d’une pension de retraite complémentaire pleine, il faut attendre une année de plus. Ce changement a pour objectif d’encourager les salariés à décaler d’une année leur cessation d’activité : en l’occurrence, travailler 43 au lieu de 42 années. Ceux qui ne le font pas se voient appliquer une minoration temporaire de 10% sur la pension complémentaire pendant 3 ans. En revanche, ceux qui vont au-delà et décalent de deux, trois ou quatre années bénéficient d’un important bonus (+10%, +20% ou +30%) pendant une année.

Si 62 ans devrait rester l’âge minimum avec l’adoption d’un régime unique à points, il n’est pas certain que cet âge soit toujours suffisant pour bénéficier du taux plein, c’est-à-dire l’âge à partir duquel le retraité peut bénéficier d’un taux plein de référence.

Travailler plus pour toucher plus

Dans le système actuel, les mécanismes de décotes et surcotes ont principalement cherché à encourager une durée d’activité plus longue. Dans le futur système, le législateur pourrait aussi viser à garantir une plus grande équité actuarielle. En l’occurrence, la valeur liquidative des droits à la retraite accumulés sous la forme de points pourrait dépendre de l’espérance de vie restante. Un âge pivot variable d’une génération à l’autre pourrait également servir de référence à une pension normale à 100% de la valeur du point de retraite.

Supposons que cet âge pivot (ou de référence) soit de 65 ans et que l’espérance de durée de vie restante soit de 24 ans à 65 ans et de 27 ans à 62 ans (pour faciliter l’exposé, on a supposé qu’il n’y avait pas de mortalité entre 62 et 65 ans). Un individu qui prend sa retraite à 62 ans touche donc en moyenne 3 années supplémentaires de pension par rapport à une liquidation à 65 ans. Pour maintenir l’équité actuarielle (un stock de point de retraite offre le même total de pension versée quelle que soit la durée de retraite espérée, par exemple Valeur du stock = Pension x Espérance de durée de vie à la retraite), le législateur pourrait appliquer une décote de (27-24)/27 = 3/27ème, soit environ 11,1%, par rapport à la valeur du point retraite à l’âge pivot. La pension versée respecterait alors à la règle suivante :

Pension (62 ans) = Pension (65 ans) x (Espérance de durée de vie à 65 ans / Espérance de durée de vie à 62 ans).

L’âge pivot ou âge de référence pourrait varier variable d’une génération à l’autre. Par exemple, supposons que l’espérance de durée de vie restante soit de 24 ans à 65 ans pour la génération née en 1965 et également de 24 ans mais à 66 ans pour la génération née en 1975. Si l’âge pivot est initialement fixé sur la base d’une espérance de vie résiduelle de 24 années, alors les âges de référence devraient être respectivement de 65 et 66 ans pour les générations 1965 et 1975.

En procédant ainsi (valeur du point retraite variable selon l’âge de liquidation et l’année de naissance), le fonctionnement du régime en points se rapprocherait de celui d’un régime en compte notionnel. La Suède a adopté dès les années 1990 un tel régime de base unique. Les cotisations versées sont comptabilisées sur un compte et revalorisées annuellement au taux de croissance du salaire moyen. Lorsque le travailleur décide de prendre sa retraite, son capital accumulé est converti en rente à l’aide d’un coefficient actuariel de conversion tenant compte de l’année de naissance et de l’âge.

Le lundi 21 janvier, un document sur l’âge de la retraite et la durée de cotisation a été communiqué aux partenaires sociaux par Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire à la réforme des retraites. Le débat est désormais ouvert.

Vincent TOUZE