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Solvabilité des retraites : faut-il un pilote dans l’avion ?

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- - Gérard Julien - AFP

Qui pilotera, et de quelle façon, le futur système de retraite unique et à points sont deux questions essentielles ?

Le système actuel repose sur un pilotage un peu particulier avec quatre modes de gouvernance : La gestion tripartite (CNAV) entre l’Etat, les représentants du patronat et les représentants des salariés avec une forte dominance du gouvernement qui ajuste les paramètres du système de façon planifiée ou en fonction des besoins du moment.

Deuxième mode, la gestion bipartite (AGIRC-ARRCO) entre les représentants du patronat et les représentants des salariés. Troisièe mode, l’autogestion (les régimes des professions libérales) : les représentants des adhérents (actifs et retraités) administrent la caisse. Et enfin, la gestion étatique (fonction publique d’Etat) : le ministre de tutelle décide après une éventuelle concertation avec les syndicats.

Bien qu’aucun des régimes n’ait adopté un pilotage automatique, ces différents modes de gouvernance ont conduit à des choix différents puisque trois logiques différentes de gestion se distinguent.

D'abord, la gestion tripartie avec un fort déterminisme du choix gouvernemental a plutôt cherché à maintenir l’équilibre sans véritable ambition d’accumulation de réserve financière. En pratique, avec 37 milliards d’euros, le Fonds de réserve des retraites créé en 1997 n’a pas été suffisamment abondé et il a aussi servi a financé la dette de l’assurance sociale (passif d’environ 260 milliards d’euros fin 2017) à partir de 2010.

Puis, la gestion bipartite et l’autogestion ont conduit à des stratégies d’accumulation de réserves financières plus ambitieuses tant pour le régime complémentaire de salariés du privé AGIRC-ARRCO (63 milliards d’euros accumulés fin 2017) que pour les professions libérales (environ 3 milliards pour les régimes de base par répartition).

Enfin, la gestion étatique repose sur un mécanisme de contribution d’équilibre. L’Etat en sa qualité d’employeur verse une cotisation qui vise à équilibrer chaque année les dépenses de pension et les recettes issues des cotisations sur traitement indiciaire.

Quel pilotage dans le futur ?

A quoi pourrait ressembler la gouvernance de notre futur système de retraite ?

En pratique, trois modes sont envisageables. L’autopilotage : des mécanismes définis à l’avance expliquent comment chaque paramètre (âge de la retraite, indexation des retraites, taux de cotisation, etc.) du système de retraite doit s’ajuster en fonction des évolutions économiques (croissance, chômage, inflation, taux d’intérêt, etc.) et démographiques (espérance de vie, ratio retraités/actifs, etc.) ainsi qu’en fonction d’un critère de solvabilité (mécanisme d’équilibrage automatique). Le principal problème posé par l’autopilotage est que les règles d’ajustement automatique sont figées dans le marbre législatif. Leur éventuel changement est donc difficile. Cependant, si le changement est trop facile, cela discrédite le principe d’autopilotage qui est censé résister aux pressions politiques de court terme.

Le pilotage manuel est une autre solution. Les membres de l’instance de gouvernance débattent et délibèrent sur le devenir du système de retraite à dates régulières ou en cas d’urgence. Le principal problème posé par le pilotage manuel est le risque politique posé par une éventuelle impopularité des réformes. Les décideurs politiques ont alors tendance à procrastiner et à prendre des décisions (non anticipées et non annoncées) au pied du mur.

Enfin, le pilotage semi-automatique : il s’agit d’un système mixte. L’autopilotage financier se met en place en l’absence de pilotage manuel susceptible de garantir la solvabilité financière.

Références bibliographiques

F. Gannon, F. Legros et V. Touzé (2016), " Sustainability of pension schemes: Building a smooth automatic balance mechanism with an application to the US social security”, document de travail OFCE.

F. Gannon, F. Legros et V. Touzé (2018), "Automatic Balancing Mechanisms in Practice: What Lessons for Pension Policy Makers?", in Mathematical and Statistical Methods for Actuarial Sciences and Finance (A. Grané, ed.), Springer, 2018.

Vincent TOUZE